La salle de basket-ball d’Antarès, au Mans, va être baptisée ce soir « salle Christian Baltzer » et l’ancien international sera fêté par Le Mans Sarthe Basket avec autour de lui quelques-uns de ses anciens équipiers et de ses anciens joueurs au SC Moderne et en équipe de France: Michel Audureau, Bill Cain, Max Dorigo, Jean-Pierre Goisbault, Art Kenney, Lloyd King, Michel Rat, Bill Sweek et Bob Wymbs.
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Christian Baltzer est un immense personnage du basket français. Il fut un temps le recordman de sélections en équipe de France et il a absolument eu toutes les fonctions au SCM et au MSB : capitaine de l’équipe, entraîneur, directeur sportif, président, membre du conseil de surveillance. Un ancrage unique.
A travers le portrait ci-dessous, je souhaite lui rendre aujourd’hui un hommage personnel car sans Christian Baltzer, Le Mans ne serait jamais devenu une ville de basket, en première division -sinon trois ans de purgatoire en Pro B- sans discontinuer de 1962 à nos jours. Sans lui, je ne serais pas devenu journaliste de basket. Il en va de même de quelques-uns de mes confrères. C’est dans les gradins que naissent les vocations. Sans lui, il n’y aurait pas eu Maxi-Basket et toutes les revues qui ont appartenu à la même branche, MVP Basket, BasketHebdo, BasketNews, Basket Le Mag et quelques autres titres de presse. Reconnaissance éternelle.
Suivent les témoignages de Christian Baltzer, Jean-Pierre Goisbault, Lloyd King et Art Kenney tout frais puisqu’ils datent d’hier. P.L.
« C’est le fil rouge d’un demi-siècle de SCM/MSB, longtemps l’étendard, toujours la caution morale du club. Personne en Sarthe n’a participé et assisté à autant de matches que cet Alsacien de 83 ans.
Sa venue au Mans constitua une véritable révolution. Christian Baltzer était le capitaine de l’équipe de France, un temps recordman de sélections, il avait à son actif deux participations aux Jeux Olympiques, à Melbourne et Rome. Il accepta de rejoindre le SCM alors en Excellence Nationale, l’équivalent de la Pro B. La possibilité d’avoir du travail aux Comptoirs Modernes fut déterminante dans son choix sportif.
Joueur au SCM, il le fut de septembre 1961 à décembre 1972.
Comme entraîneur, il a succédé à Frank Jackson en novembre 1964, stoppa pour surchauffe professionnelle, et replongea par dévouement lorsque le baroque José Manuel Gasca fut congédié. Il laissa bien volontiers le flambeau à Bob Andrews, un condisciple de Lloyd King, devenu depuis pasteur aux Etats-Unis.
Il officia comme directeur sportif, au gré des besoins.
Président, il fut nommé une première fois, pour remplacer Bernard Gasnal à qui il succédait également aux Comptoirs comme chef du personnel et responsable des entrepôts. Le SCM gagna deux titres de champion de France sous son magistère (1978 et 79). Bien plus tard, il retrouva la fonction au MSB, de 2000 à 2003, après avoir fait office encore une fois de directeur sportif. Il a appartenu longtemps au conseil de surveillance du club.
Christian Baltzer est l’un des trois bâtisseurs du basket manceau de haut niveau. Le premier, c’est Bernard Gasnal, le président séculaire, un passionné, paternaliste, un visionnaire aussi. « Il n’y a pas si longtemps, il est venu aux VIP à Antarès et il a dit à l’auditoire : « Je les ai dressés. Pas éduqués ou formés, dressés ! » ,» racontait Baltzer avant le décès de son ancien président alors centenaire. « Il ne fallait pas rigoler avec lui, mais sous la carapace, c’était un tendre, » affinait Jean-Pierre Goisbault. Sous sa présidence, le club est passé du néant absolu jusqu’au sommet de l’Etat. Son fils Claude, international, fit toute sa carrière au SCM.
Avant Christian Baltzer, Bernard Gasnal eut le flair pour faire venir au Mans Justy Specker, un meneur d’hommes, un coach respecté, qui fut international de basket, de hand à 11 et de water-polo, tout en étant reconnu à 17 ans comme l’un des meilleurs gardiens de buts de foot d’Alsace. Un C.V. unique.
Longtemps le SC Moderne s’appuya sur la société des Comptoirs Modernes. Jusqu’à neuf des dix joueurs de l’équipe y furent employés dont Michel Audureau qui gagna la Coupe de France en 1964 et le titre de champion de France en 1978, trois ans après avoir stoppé officiellement la compétition. Le SCM était un club corporatif et s’engagea longtemps dans le championnat corpo et même UFOLEP avec titres nationaux à la clé. Un jour les Manceaux disputèrent un match corpo à Orléans contre IBM, revinrent au Mans pour affronter Saint-Etienne en championnat avant de jouer sur place tard dans la soirée… le match retour. Le tout en 24 heures. Autre temps, autres mœurs.
2esportif sarthois du siècle
Sur les photos, Christian Baltzer avait toujours le masque. On le disait froid, peu avenant, rigide. Il est réservé, émotif, gros bosseur, d’une probité absolue, et tout autant chaleureux si vous avez gagné sa confiance. Pas de strass, pas de paillettes. Le Mans est reconnu au fil des générations comme un club « sérieux », à son image. Baltzer connaît tous les arcanes, les subtilités du basket. « Pour moi le succès d’un club passe par l’entente entre le président, le manager général et l’entraîneur. Il faut qu’ils travaillent, qu’ils fassent le recrutement de concert, en échangeant, en respectant les décisions même s’ils ne sont pas d’accord » dit-il. « Certains présidents n’y connaissent rien mais veulent imposer leur point de vue, enquiquinent leurs entraîneurs. Comme le reconnaissait Bill Sweek, je donnais peu mon avis. »
L’Académie du Basket, qui se charge de célébrer ceux qui ont contribué à la gloire du basket français, l’a élu dès la première promotion en 2004, en compagnie de sept autres anciens. Baltzer fut également reconnu par le quotidien Le Maine Libre comme le deuxième sportif sarthois du XXe siècle, derrière le pilote-constructeur automobile Jean Rondeau, vainqueur des 24 heures du Mans. « Dans le monde occidental, contrairement à l’Asie et l’Afrique, on prend trop souvent les anciens pour de vieux c… Le patrimoine, c’est important. Mais je n’ai pas pour autant la nostalgie et je n’aime pas le côté anciens combattants de certains. J’ai su vivre avec mon temps de l’époque où j’étais joueur jusqu’à aujourd’hui où je suis au conseil de surveillance. Mais ce que je regrette c’est d’être davantage connu comme ancien président que comme joueur. »
Un triomphe romain en ville
Sur le terrain, Christian Baltzer, l’homme à la coupe en brosse, fit montre d’une exceptionnelle combativité. C’était à la base un ailier, un « 3 » comme on dit dans le jargon. Ses points forts étaient la contre-attaque et le rebond. Du haut de son 1,95m, en équipe de France, il joua essentiellement en défense « 4 », ailier-fort. Au cours des six premières saisons du club en Nationale 1 (l’actuelle Pro A), il fut systématiquement le meilleur marqueur du SCM, tournant entre 14,9 et 20,0 pts. L’âge venu, les responsabilités du coaching aussi, il se transforma en meneur de jeu. Baltzer était également célèbre pour ses lancers-francs à la cuillère, un geste que lui avait enseigné l’entraîneur lituanien de Mulhouse Vytas Grybauskas.
Christian Baltzer est au sommet de son art lorsque le SC Moderne affronte la Chorale de Roanne en finale de la Coupe de France 1964, à Tours. Un carnage. 64 fautes personnelles sifflées, 9 joueurs sortis. Et comme les règlements n’en prévoyaient que 8 sur la feuille de match, Roanne termina à 4 et Le Mans avec les seuls Baltzer, Cordevant et Monnet. Pierre Antomori servit de catalyseur d’énergie en 1ère mi-temps (15 points) mais c’est bien Christian Baltzer qui emmena ses troupes vers la victoire, marquant notamment un panier le dos allongé sur le sol. A 68-67, « Baltzer remonta tout le camp de jeu, déjoua un puis deux adversaires, s’éleva, tira en suspension et réussit à marquer. Ce fut le panier de la victoire », écrivit Ouest France. Une fois le match terminé, transporté par le plaisir, Baltzer fit un geste démonstratif qui lui correspondait si peu : il sautilla comme un cabri et alla toucher le cercle des doigts.
Outre l’athlète Michel Jazy, trois milliers de spectateurs avaient assisté au triomphe des Manceaux dans le Palais des Sports tourangeau, dont un tiers de Sarthois. Beaucoup étaient partis en colonne de la salle Gouloumès. Certains avaient même doublé sur la route de Tours les voitures des joueurs qui avaient dû attendre la fin du travail pour prendre leurs sacs.
La nuit fut grandiose. Goisbault et Audureau entamèrent un strip-tease dans un restaurant de l’Avenue de Gramont. Christian Baltzer, qui s’interdisait la cigarette, tira avidement sur un cigare, à la manière des Boston Celtics quand ils célèbrent une victoire. Les joueurs firent nuitamment le tour de la ville du Mans sur des camions Yoplait, en hurlant leur bonheur. Et la fête se poursuivit au-delà du petit matin au QG du club, au Balto chez Labro.
C’est là qu’a véritablement démarré la légende du basket manceau car Bernard Gasnal et le maire Jean-Yves Chapalain organisèrent quelques jours plus tard en ville une parade à l’américaine. Les joueurs s’installèrent à la gare dans des Caravelle décapotables avec majorettes, chants, hurlements de klaxons, pétards, pancartes, et banderoles. Sur l’une d’elles, on pouvait lire « Les Comptoirs ont mené Roanne à l’abattoir ». Les héros remontèrent l’Avenue du Général Leclerc jusqu’à la mairie. Des milliers de Manceaux firent aux vainqueurs de la Coupe de France un triomphe romain. Et le journal de 13h de la RTF du 14 mai 1964 leur offrit un reportage de 40 secondes. Toute une ville, tout un département, sevrés d’émotions sportives en dehors des 24 heures, étaient tombés amoureux de leurs basketteurs. »
Extraits de « MSB 20 ans de Passion ».
LES TEMOIGNAGES
Christian Baltzer :
« Finalement, je n’ai aucun mérite. C’est ma passion du basket qui m’a amené là. Cela a failli me coûter cher car je n’ai pas fait d’études comme mes sœurs. J’ai eu la chance de venir au Mans grâce à Monsieur Gasnal et je lui dois tout. J’ai réussi à me faire une situation ce pourquoi j’étais venu puisque j’ai sacrifié le basket par rapport à l’avenir; j’aurais très bien pu aller à Villeurbanne et j’aurais un palmarès avec 10 titres de champion et 10 Coupe de France et peut-être même une coupe d’Europe. J’ai choisi le travail et M. Gasnal parce qu’il y a avait une réputation et mon entraîneur de Mulhouse, Justy Specker, m’a fait venir. Jean-Pierre (Goisbault) était en équipe de France, il avait 18 ans, et ensemble on était en deuxième division (NDLR : en Excellence Nationale qui correspondait à l’actuelle Pro B) alors que j’étais donc en équipe de France. A Mulhouse, j’avais joué en deuxième et même en troisième division pour conserver le boulot que j’avais dans le textile. Le textile était en déconfiture alors qu’au Mans les grandes surfaces démarraient. Lorsque je suis arrivé, le premier supermarché était créé depuis six mois. Ce sont les opportunités de la vie. M. Gasnal a fait preuve avec nous de patience car on consacrait du temps au basket. Il nous laissait partir en équipe de France même si je sacrifiais une partie de mes congés. Je suis venu ici pour être indépendant du basket. Les joueurs à l’époque touchaient un peu d’argent alors que moi j’ai toujours refusé. Je disais « l’argent que vous me donnez maintenant, quand j’arrêtera, ça ne me servira pas pour vivre. » J’avais une idée fixe, c’est d’avoir un emploi et le basket m’a servi d’intermédiaire. J’ai eu une chance inouïe de de tomber au Mans sur les Comptoirs Modernes.
Jean-Pierre Goisbault:
« Sans Monsieur Gasnal on ne serait pas là. Sans lui, il n’y aurait pas eu Gouloumes, peut-être pas la Rotonde (NDLR: les deux premières salles où a joué l’équipe du Mans) et peut-être pas Antarès. C’est lui qui a fait que Le Mans est devenue une ville de basket.
Christian Baltzer:
« M. Gasnal a changé de braquet quand il a fait venir Justy Specker, qui était l’adjoint de (André) Buffière (NDLR : en équipe de France). Il le connaissait car Mme Gasnal était nageuse et Justy Specker était international en trois sports et ils se sont connus à la natation. Justy Specker avait un carnet d’adresses et c’est comme ça qu’il a fait venir Pierre Cordevant et Michel Audureau l’année d’après. C’est comme ça que l’équipe s’est formée. On est monté en Nationale 1 et on en a plus bougé. »
Lloyd King (70 ans, Le Mans 1973-78):
« Il faut que je dise la vérité et ça m’arrive quelques fois de le faire. Je suis venu ici comme un mercenaire. Je venais de l’ABA (NDLR: la ligue qui a cherché à concurrencer la NBA à la fin des années 60, début années 70), je voulais faire un an ici et repartir pour aller en NBA. Quand je suis arrivé au Mans c’était pour gagner ma place et être payé. Ce qui a été impeccable pour moi c’est que j’ai trouvé une famille. Les gens ici étaient très gentils. Ils m’ont accueilli avec ma femme et mon fils Tony et ça n’arrive pas souvent avec le sport professionnel où on est payé et après c’est fini. Petit à petit je suis devenu manceau, je n’ai plus voulu retourner aux Etats-Unis et je suis très content avec cette décision. Lorsque je suis arrivé la première année, on avait un entraîneur (NDLR: l’Espagnol José Antonio Gasca) et ça n’a pas bien marché. On a perdu plusieurs matches et ça m’inquiétait un peu. Christian a repris l’équipe. On était 8-10e et on a fini 2e à la fin de l’année. Christian, il a été joueur, entraîneur, dirigeant, président et peut-être aussi qu’il faisait le ménage ! (sourire) C’était un bon moment de ma vie d’être ici. Pas seulement pour le basket mais aussi l’amitié que j’ai trouvé ici et je suis très content d’être ici pour Christian. »
Art Kenney (73 ans, Le Mans 1968-70 et 1973-75):
« Christian est venu ici pour construire le basket au Mans grâce à M. Gasnal. Il l’avait déjà fait à Mulhouse. Ils ont gagné la Coupe de France, c’était spectaculaire. Dans ma vie, j’ai toujours cherché des équipes pour gagner et pour faire grandir le basket. Grâce à Jim McGregor (NDLR : l’agent américain exclusif de l’époque), je suis venu ici et j’ai trouvé des copains formidables qui voulaient gagner. Quand je suis arrivé, ils étaient sixièmes et avec ces gars-là nous nous sommes classés quatrièmes et l’année suivante, deuxièmes. Nous étions dauphins de France (sic) avec ça. Christian voulait toujours se sacrifier pour faire grandir. C’était mon ange gardien, toujours correct, mais je l’ai un peu engueulé (sourire). Je lui ai dis : «joue avec nous ! ». Il me répondait qu’il fallait faire jouer les jeunes pour grandir. Il s’est sacrifié. Ça c’est Christian. Il y a 42 ans est née ma fille. Elle s’appelle Kristen qui est le diminutif de Christian. 42 ans après moi, vous honorez cette homme ! Jean-Pierre (Goisbault) était un peu fâché. « Je suis aussi un copain ! » Je lui ai répondu qu’elle s’appelait Kristen Jean (NDLR : Prononcer Djin). Ce n’est pas à cause de ma femme, c’est à cause de toi ! » (Rires). »
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Christian Baltzer est un immense personnage du basket français. Il fut un temps le recordman de sélections en équipe de France et il a absolument eu toutes les fonctions au SCM et au MSB : capitaine de l’équipe, entraîneur, directeur sportif, président, membre du conseil de surveillance. Un ancrage unique.
A travers le portrait ci-dessous, je souhaite lui rendre aujourd’hui un hommage personnel car sans Christian Baltzer, Le Mans ne serait jamais devenu une ville de basket, en première division -sinon trois ans de purgatoire en Pro B- sans discontinuer de 1962 à nos jours. Sans lui, je ne serais pas devenu journaliste de basket. Il en va de même de quelques-uns de mes confrères. C’est dans les gradins que naissent les vocations. Sans lui, il n’y aurait pas eu Maxi-Basket et toutes les revues qui ont appartenu à la même branche, MVP Basket, BasketHebdo, BasketNews, Basket Le Mag et quelques autres titres de presse.
Suivent les témoignages de Christian Baltzer, Jean-Pierre Goisbault, Lloyd King et Art Kenney tout frais puisqu’ils datent d’hier.
« C’est le fil rouge d’un demi-siècle de SCM/MSB, longtemps l’étendard, toujours la caution morale du club. Personne en Sarthe n’a participé et assisté à autant de matches que cet Alsacien de 83 ans.
Sa venue au Mans constitua une véritable révolution. Christian Baltzer était le capitaine de l’équipe de France, un temps recordman de sélections, il avait à son actif deux participations aux Jeux Olympiques, à Melbourne et Rome. Il accepta de rejoindre le SCM alors en Excellence Nationale, l’équivalent de la Pro B. La possibilité d’avoir du travail aux Comptoirs Modernes fut déterminante dans son choix sportif.
Joueur au SCM, il le fut de septembre 1961 à décembre 1972.
Comme entraîneur, il a succédé à Frank Jackson en novembre 1964, stoppa pour surchauffe professionnelle, et replongea par dévouement lorsque le baroque José Manuel Gasca fut congédié. Il laissa bien volontiers le flambeau à Bob Andrews, un condisciple de Lloyd King, devenu depuis pasteur aux Etats-Unis.
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Photo d’ouverture: Lloyd King, Jean-Pierre Goisbault, Christian Baltzer, Arthur Kenney et Michel Audureau. Ils posent avec le maillot d’époque de Art Kenney.