Au cours de sa carrière, l’Américain d’origine taïwanaise Jeremy Lin – bientôt 34 ans -, qui joue dorénavant en Chine, a su mettre sa popularité au service de la lutte contre les inégalités raciales. Retour sur le parcours d’un basketteur engagé, dont un documentaire sera présenté la semaine prochaine à un festival new-yorkais.
Propulsé du jour au lendemain sur le devant de la scène il y a tout juste dix ans, Jeremy Lin n’a jamais eu le basket comme seul et unique combat. Ce fut aussi – et c’est encore – un athlète engagé, à l’international, et depuis bien longtemps. Il le tient d’un parcours pour le moins atypique. Né d’une famille originaire de Taiwan ayant débarqué aux Etats-Unis dans les années 1970, l’actuel pensionnaire des Beijing Ducks a grandi en Californie, dans la baie de San Francisco, loin des paillettes. Malgré sa notoriété, cela ne l’a jamais quitté.
Refusé à Stanford ou UCLA non pas pour ses notes mais bien à cause de son niveau de basket, Jeremy Lin s’est rabattu sur l’université d’Harvard où il a décroché un diplôme d’économie, tout en réalisant de bonnes performances pour tenter de faire monter sa cote à la draft NBA. Là encore, rien ne lui a été donné, il n’a pas été drafté… mais il avait une aspiration bien au-delà de sa carrière de basketteur. Le jeune meneur a dû passer par des chemins de traverses pour réaliser son rêve, et exploser aux yeux du monde en février 2012 dans la ville qui ne dort jamais.
Des regrets…
Les performances de l’ancien joueur des New York Knicks ont alors suscité énormément d’intérêt à l’international. Le nombre de vente de maillots floqués à son effigie a explosé à travers le monde. Jamais un joueur d’origine asiatique n’avait alors autant attiré l’attention médiatique en NBA. Il affiche toutefois un certain regret sur cette période.
« Pendant la Linsanity, je n’avais pas compris l’ampleur que cela avait pris. Je savais que la communauté asiatique me soutenait, que j’étais une inspiration pour tout le monde, mais je n’avais pas compris tout les enjeux liés à cela. J’étais juste tellement concentré sur le fait de bien jouer le match d’après, je ne faisais pas trop attention à ce que les gens disaient. J’ai l’impression de ne pas avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir malgré l’attention qui m’était porté, qu’en tout cas j’aurais pu faire plus (pour ma communauté)« , a-t-il confié il y a quelques mois à NBC Asian American.
… balayés par les espoirs de sa fondation
Le moins que l’on puisse dire, c’est que, quelques années plus tard, il a finalement su profiter de son exposition en faveur de son engagement. Son envie d’aider les autres remonte au lycée, lorsque le natif de Torrance (Californie) s’est rendu compte que tous ses coéquipiers venaient de milieux différents. Certains vivaient dans des quartiers difficiles, où parfois, il y avait des fusillades. Au cours d’un été, il s’est retrouvé à travailler dans ces mêmes quartiers. C’est à ce moment précis qu’il a eu un déclic. Il s’est promis d’aider les jeunes défavorisés, dès qu’il en aurait la possibilité.
Chose promise, chose due ! La « fondation Jeremy Lin » a été créée dès 2011, soit avant la Linsanity, et fut véritablement lancée en 2013, pendant la semaine du NBA All-Star Game, plus d’un an après son explosion soudaine. Elle vient en aide aux personnes défavorisées, luttant également contre la haine et les discriminations faites envers les Asio-Américains, et les Américains originaires des îles du Pacifique.
Bien évidemment, ce n’est pas uniquement la seule raison à la création de cette fondation. Jeremy Lin a également fait part du traitement qu’il avait reçu tout au long de sa carrière, en tant que personne d’origine asiatique.
« Quand j’étais à l’université, et que l’on jouait à l’extérieur, on me faisait des remarques sur mes yeux, sur certains stéréotypes, que je devais retourner en Chine. Cela a vraiment empiré lorsque j’ai commencé à jouer à un haut niveau, et surtout en dehors de la Caroline du Nord. »Jeremy Lin à CBS
Lors d’une récente initiative appelée « Be The Light », la fondation Jeremy Lin a fait un don d’environ 1,4 million de dollars pendant la période du Covid, tout en continuant à sensibiliser les populations sur l’augmentation du racisme anti-asiatique au cours de la pandémie. Jeremy Lin ne souhaitait pas être reconnu comme un joueur d’origine taïwanaise mais pour son talent sur un terrain de basket, il a revu sa position vis à vis de cette déclaration.
« Je suis prêt à accepter d’être considéré comme le joueur de basket-ball asiatique, en particulier si cela me permet de faire entendre les voix de ceux que l’on entend jamais. »Jeremy Lin à CBS
Un documentaire présenté à un festival new-yorkais cette semaine
Le parcours et la notoriété de Jeremy Lin lui ont permis de développer chez lui un désir d’aider les autres, ainsi que de se battre pour les inégalités. En tant que sportif de haut niveau, anciennement joueur NBA, sa voix a un impact. D’autant plus lorsque celle-ci est soutenue par ses pairs, et en particulier le coach de Golden State, Steve Kerr qui a une grande influence, et est très écouté aux Etats-Unis.
En plus de sa fondation et de ses activités basket – l’Américano-Taiwanais n’a pas encore pris sa retraite et joue encore cette saison pour les Beijing Ducks où il a compilé 13,4 points, 3,6 rebonds, 4,7 passes et 1,3 interception à 42 % au tir dont 39 % à 3-points – il continue de s’impliquer en dehors des parquets. Il est désormais ambassadeur de LingoAce, une plateforme en ligne qui promeut l’apprentissage des langues, mais également la compréhension interculturelle.
Jeremy Lin est sans aucun doute devenu un exemple et une inspiration pour les jeunes qui souhaitent s’exporter et réussir à l’étranger. Un documentaire retraçant son ascension, « 38 At The Garden », sera présenté au Festival du film de Tribeca à New York, la ville qui l’a vu éclore, à partir du mercredi 8 juin.
Photo : Jeremy Lin (LingoAce)