Pour ses 60 ans, Pascal Donnadieu va se retirer de son poste de coach de Nanterre qu’il détient depuis 36 ans et qui l’a vu accomplir exploit sur exploit. Pour sa dernière aventure, il a construit une équipe avec une ADN de joueurs français complétés d'Américains déjà connus de l'élite.
A la fin de la saison, Pascal Donnadieu va céder sa place de head coach à Philippe Da Silva, ancien international portugais et… MVP français de Pro B en 2011, son assistant depuis cinq ans. Ce n’est pas qu’une simple page qui se tourne ni même un livre qui se ferme, c’est carrément un changement de bibliothèque, étant donné que Pascal Donnadieu est le moteur de la réussite, de l’épopée, de Nanterre 92.
« Si là j’avais décidé d’arrêter, ça se faisait un peu sur un coup de tête, dans la précipitation. Alors que là, on sait que c’est acté, on a un an pour s’organiser et préparer la suite. C’est clair, c’est net, c’est ma dernière année, il n’y a aucune ambiguïté, on sait déjà que c’est Philippe da Silva qui me remplacera, tout est carré. C’est un engagement que j’ai pris avec Philippe. Et puis, il faut aussi savoir s’arrêter, c’est un métier usant ; je pourrais sans doute faire encore trois-quatre ans, mais j’ai envie de partir en étant encore frais, mentalement. En plus par rapport à une saison qui va être dure avec trois descentes, avec les Jeux ensuite, c’est le bon moment. C’est extraordinaire », nous a-t-il déclaré à l’annonce de sa décision.
Rentré dans le rang
Durant une décennie, Nanterre a servi du caviar à la louche à ses supporters avec notamment deux trophées européens et un titre de champion de France, du « beau jeu » avec quelques as du shoot à trois-points. Le club des Hauts-de-Seine, qui n’est ni à plaindre ni fortuné (5 491 000 euros de budget et 1 722 000 de masse salariale brut) et qui dispose d’une salle étroite, est un peu rentré dans le rang et la saison dernière a été très délicate avec un maximum de blessures, certaines de longue durée comme pour Miralem Halilovic, Rion Brown, Hans Vanwijn et Justin Bibbins. « Il y a de la frustration car ce ne sont pas des blessures liées à un manque de préparation ou de sérieux, ce ne sont pas des blessures musculaires mais à chaque fois des traumatismes, des coups, certes involontaires mais c’est incroyable, autant de mains fracturées » avait déploré le coach.
La parole aux JFL
Pour cette dernière aventure sur le banc, Pascal Donnadieu a choisi de ne pas avoir recours au quota de six joueurs étrangers (avec un maximum de quatre Américains) mais à seulement la moitié. Soit, Justin Bibbins, dans la tradition des très bons meneurs passés par le club, Desi Rodriguez qui a été épatant avec Limoges et le soldat sénégalais Hamady Ndiaye. Il y a en fait un deuxième Sénégalais dans l’effectif, mais Ibrahima Fall Faye, formé à l’Elan Chalon, bénéficie du statut de JFL. C’est un pari qui n’est pas sans risque mais la JSF pourra toujours changer de stratégie en cours de route, en cas de résultats insuffisants ou d’indisponibilité d’un JFL/Français.
Nanterre a incontestablement réussi deux beaux coups sur le marché des transferts de jeunes Français avec Juhann Begarin (21 ans) et Joël Ayayi (23 ans). Le premier doit donner un nouvel élan à sa carrière, le deuxième a pour objectif de transposer dans le basket européen tout ce qu’il a pu accomplir de positif aux Etats-Unis. Les deux sont des prétendants à l’équipe de France de la fenêtre de février prochain, même si le retour des joueurs d’Euroleague va rendre la concurrence beaucoup plus féroce. « Je suis très satisfait du recrutement. On aura 8 joueurs JFL avec beaucoup de jeunes potentiels, c’est très rare et c’est une très grande satisfaction », appuie Pascal Donnadieu.
Tout est possible
Etant donné son profil très francophone, et qu’il s’agit de la der des ders pour Pascal Donnadieu, le parcours 2023-24 sera suivi avec une attention toute particulière. Mais dans un championnat où le ventre mou s’annonce hypertrophié, il n’y aura pas loin de la réussite à l’échec, d’une bataille pour une place en Coupe d’Europe à la peur de se retrouver à la lutte pour éviter l’une des trois dernières places.
Les résultats des cinq dernières saisons
| Saison | Niveau | Bilan | Rang | Playoffs | Top scoreur | Budget |
| 2018-19 | Jeep Élite | 23-11 | 4e | Demi-finale | Jeremy Senglin (14,3) | 4,84 M€ |
| 2019-20 | Jeep Élite | 14-11 | 7e | (annulés) | Dallas Moore (14,6) | 5,07 M€ |
| 2020-21 | Jeep Élite | 17-17 | 10e | – | Marcquise Reed (14,7) | 4,53 M€ |
| 2021-22 | Betclic Élite | 17-17 | 10e | – | Chris Horton (13,7) | 4,97 M€ |
| 2022-23 | Betclic Élite | 14-20 | 13e | - | Justin Bibbins (15,8) | 4,95 M€ |
Les changements de l'intersaison
Sous contrat : Benjamin Sene (prolongation, 2026), Lucas Dussoulier (prolongation, 2024), Justin Bibbins (prolongation, 2024), Bastien Pinault (2024), Hamady Ndiaye (2024), Lucas Fischer (premier contrat pro, 2027), Simeon Kalemba (premier contrat pro, 2027), Pascal Donnadieu (coach, 2024)
Arrivées : Juhann Begarin (Paris, 2025), Desi Rodriguez (Limoges, 2024), Ibrahima Fall Faye (Boulogne-Levallois, 2024), Joël Ayayi (Lakeland Magic/NBA, 2024)
Départs : Miralem Halilovic (Galatasaray/Turquie), Samuel Eyango-Dingo (Mulhouse/NM1), Armand Mensah (Quimper/NM1), Rion Brown (Blois), Hans Vanwijn (Gravelines-Dunkerque), Ray McCallum (Pesaro/Italie), Keith Hornsby (Rytas Vilnius/Lituanie), Sadio Doucouré
Effectif 2023-2024 : Justin Bibbins, Benjamin Sene, Joël Ayayi, Juhann Begarin, Lucas Fischer, Bastien Pinault, Simeon Kalemba, Lucas Dussoulier, Desi Rodriguez, Ibrahima Fall Faye, Hamady Ndiaye
Staff sportif
Coach : Pascal Donnadieu (59 ans)
Assistants : Philippe Da Silva (43 ans)
Préparateur physique : Vincent Dziagwa (37 ans)
Front office
Président : Frédéric Donnadieu (45 ans)
Directeur administratif et financier : Cédric Da Silva (43 ans)
Salle : Palais des Sports Maurice-Thorez (3 000 places)
Les joueurs
Le cinq majeur
Justin Bibbins
Son absence en début d’année en raison d’une entorse au poignet avec rupture ligamentaire a coûté très cher à son équipe car son rôle est capital. C’est d’ailleurs pourquoi le club a renouvelé le contrat de ce meneur petit format comme les affectionne le championnat de France. Il fut la saison dernière le meilleur marqueur et passeur de l'équipe. Après des championnats de deuxième zone (Pologne et Hongrie), il était arrivé en France via Pau en décembre 2020 où il a effectué une saison et demie de qualité. Un excellent premier pas. Avec 45,8 %, il a enregistré sa meilleure réussite à trois-points en carrière et c’est un métronome aux lancers-francs puisqu’il n’est jamais descendu en-dessous de 83,3 % de réussite depuis son année de sophomore à la fac. Sa taille est parfois une faiblesse en défense, forcément.
Juhann Begarin
Son transfert à Nanterre est l’une des surprises de l’intersaison. À Paris, le Guadeloupéen a fait figure de prospect international, ce qui lui a valu d’être drafté en 45e position par les Boston Celtics en 2021. La franchise NBA a apprécié ses qualités athlétiques, son envergure, son explosivité. Il a été aussi MVP du camp Basketball Without Borders en 2019. Il connait Pascal Donnadieu pour avoir été sélectionné 4 fois en équipe de France pour les qualifications à la Coupe du monde et participé avec la Select Team (l’équipe de France A’) aux deux matches face à l’Arménie en Californie en juin dernier. L’un de ses défauts est d’avoir une sélection de shoots pas toujours appropriée et ses pourcentages sont trop faibles. Frère du joueur professionnel Jessie Begarin.
Joël Ayayi
Après Pau et l’INSEP, il avait choisi la formation américaine à l’université de Gonzaga dont il fut l’un des protagonistes. Il réalisa le premier triple-double de l’histoire de la fac (12 points, 13 rebonds et 14 passes) et atteint la finale du Final Four NCAA en 2021. Il fut aussi élu dans le Cinq idéal de l’Euro U18 en 2018 et de la Coupe du monde U19 en 2019. Malheureusement, tout ceci ne s’est pas traduit par une draft et par seulement 7 matches en NBA avec les Washington Wizards. Le reste du temps, il l’a passé en G-League. Pascal Donnadieu aime sa polyvalence et son sens du collectif. Frère de l’internationale Valériane Ayayi-Vukosavljevic et du néo-Choletais Gérald Ayayi.
Desi Rodriguez
L’une des rares satisfactions limougeaudes de la saison précédente. Son absence au cœur de l’hiver en raison d’une opération de l’intestin a d’ailleurs fait basculer le CSP du côté obscur. Auparavant, il a suivi un cursus professionnel classique essayant en vain de gagner un spot en NBA via la G-League. Un gaucher très physique. Médiocre shooteur à trois-points, il s’est par contre ressaisi sur la ligne des lancers-francs après une année de G-League déficiente. 15 points et 5,8 rebonds pour 16,9 d’évaluation en Basketball Champions League. Il était l’option numéro 1 de Nanterre pour les non-JFL et c’est incontestablement une belle prise pour un club qui ne joue pas de coupe d’Europe.
Ibrahima Fall Faye
Sa rupture des ligaments croisés en novembre dernier, survenue lors du derby face à… Nanterre, a été un drame pour lui et un handicap pour Boulogne-Levallois qui l’avait associé à Victor Wembanyama dans la peinture. Le Sénégalais sortait alors de dix-huit mois avec Monaco où, dans un effectif déjà replet, il avait remporté l’Eurocup puis joué 15 matches d’Euroleague dans un rôle d’appoint. Il a reçu une double formation, à la Steed Academy à Thies puis à l’Elan Chalon. Vu ensuite à Poitiers, c’est en Belgique qu’il a passé la vitesse supérieure. Ses contres en très haute altitude peuvent être très impressionnants. C’est aussi un solide rebondeur. Il a préféré le projet de Nanterre à celui de Galatasaray.
Les remplaçants
Benjamin Sene
Benjamin Sene a prolongé pour trois saisons son contrat avec le club, ce qui prouve qu’il est content de ses services. Cela lui fera ainsi au moins cinq saisons à la JSF. Trois fois vainqueur du concours des meneurs au All-Star Game, ce qui atteste d’une bonne maîtrise des fondamentaux. 83 % de réussite aux lancers-francs sur les trois dernières saisons. Trois sélections en équipe de France à l’occasion des qualifications à la Coupe du monde. Il peut avoir comme frustration de ne pas jouer les playoffs avec ses différentes équipes et son corolaire pas de coupes d’Europe. Ses modèles sont Tony Parker et Florent Pietrus, qu’il a eu comme équipier au SLUC.
Lucas Fischer
L’Alsacien né à Haguenau vient de signer son premier contrat professionnel. Il est arrivé à Nanterre en 2021 en provenance de Gries-Oberhoffen où il avait débuté par le baby-basket à 3 ans jusqu’au centre de formation et la Nationale 3. Leader de l’équipe espoir (14,2 points, 3,6 rebonds et 2,8 passes), il a fait son entrée la saison dernière en Betclic Elite. Cet été, il a été médaillé d’argent à la Coupe du monde U19 avec le 8e temps de jeu (15 minutes) pour 4,3 points et 1,3 interception. Son idole était Derrick Rose avec qui il partage de belles qualités athlétiques pour un arrière. Il se dit respectueux, gentil mais qui s’énerve vite. Il aurait pu être policier.
Bastien Pinault
Le sniper. Son adresse est toutefois sensiblement en baisse vis-à-vis de la première année à Nanterre. Une excuse : il s’était fracturé la main dès la reprise en août. Il a scoré 10 fois en double figure durant la saison. Après sa formation à Pau, le Tarbais a transité par la Nationale 1 et la Pro B avant d’émerger dans l’élite, à Chalon et Boulogne-Levallois. Il avait resigné pour deux ans en avril 2022. Enfant, il voulait être pompier. Sa série préférée est H. Il a fait du rugby et de l’athlétisme. Il dit de lui-même qu’il a un grand cœur mais qu’il est très rancunier. Ce qu’il apprécie chez un équipier c’est quand c’est un winner, même si ce n’est pas un pote.
Simeon Kalemba
Le natif de La Courneuve en Seine-Saint-Denis, où il a débuté le basket et joué jusqu’en U17 Elite, a aussi signé son premier contrat pris après une saison en U21. Il y a marqué deux fois 30 points et onze fois plus de 20 points avec sept double-doubles. Cette bonne saison lui a donc permis de faire sept apparitions en équipe une. Il était passé au préalable deux ans par Châlons-Reims. Il peut jouer 3 et 4 et défendre sur plusieurs postes. Il a déjà goûté quatre fois à l’Elite mais n'a pas joué avec les équipes de France jeunes. Il a commencé comme footballeur.
Lucas Dussoulier
Sa première saison à Nanterre avait très mal commencé puisqu’il fut victime d’une blessure au genou en période de préparation. Malchanceux, il a été victime d’une fracture de la main durant l’hiver de la deuxième saison. Son adresse a chuté lors du dernier exercice mais cela n’a pas empêché le club de prolonger son contrat. C’était un joueur estampillé Pro B avant de venir à Nanterre. Un gaucher. International en U16, U18, U20 et en 3x3. Son jeu préféré est Football Manager sur ordinateur et en bon natif du Sud-Ouest son plat préféré est un confit de canard avec des pommes de terre saladaises.
Hamady Ndiaye
L’autre Sénégalais de l’équipe, qui avait signé deux ans à l’été 2022. Un intimidateur spécialisé donc en défense. Il a quitté le Sénégal pour un lycée américain puis l’université de Rutgers. Drafté en 56e position, il a fait un peu de NBA (33 matches), joué en Chine, aux Philippines, au Liban avant d’arriver en Europe et en France via Gravelines. Soit 8 pays au total et il apprécie découvrir différentes cultures. A 36 ans, il entame donc 5e saison en Betclic Elite. De 2013 à 2019, on trouve sa trace dans différentes compétitions avec le Sénégal dont les Coupes du monde de 2014 (5,7 points et 4,0 rebonds) et 2019. Son rêve était de devenir architecte. Il dit lui-même être très réservé et très positif, joyeux et paisible. 2,13 m avec chaussures.
Le coach
Pascal Donnadieu
C’est la dernière saison de coach de celui qui, à 59 ans, est un monument du basket français. Passé d’entraîneur d’une équipe de Départementale - en 1987 - et d’employé de banque à deux victoires en Coupe d’Europe et un titre de champion de France est une success story digne d’un roman. Il a toujours apprécié les shooteurs à trois-points. Un nombre important de joueurs de haut niveau sont passés entre ses mains, notamment Adrien Moerman, Evan Fournier et Victor Wembanyama. Assistant du coach Vincent Collet en équipe de France après avoir été coach les A’. Fils de l’ancien président Jean Donnadieu et frère aîné du président actuel Frédéric Donnadieu.
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Photo d'ouverture : Pascal Donnadieu (Tuan Nguyen)
