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[REDIFF] Interview (1) – Mehdy Mary (coach Limoges): « C’est quelque chose qui figurera dans les livres d’Histoire de nos enfants »

Le Limoges CSP a fait appel à quantité de coaches de renom, de Borislav Maljkovic à Dule Vujosevic en passant par Panayotis Yannakis mais après l’Espagnol Alfred Julbe, obligé de jeter l’éponge en raison de résultats jugés insuffisants, c’est un inconnu du grand public, Mehdy Mary, 40 ans, qui a pri

Le Limoges CSP a fait appel à quantité de coaches de renom, de Borislav Maljkovic à Dule Vujosevic en passant par Panayotis Yannakis mais après l’Espagnol Alfred Julbe, obligé de jeter l’éponge en raison de résultats jugés insuffisants, c’est un inconnu du grand public, Mehdy Mary, 40 ans, qui a pris le relais. Même si sa notoriété reste à construire, l’ancien assistant-coach qui a fait ses armes dans le championnat espoir, possède un parcours via l’Espagne qui mérite d’être mis en lumière et propose des réflexions intéressantes y compris sur la pandémie de coronavirus que nous vivons.

L’interview est en trois parties. Voici la première.

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La première question n’est pas originale : avez-vous un peu d’espace pour vivre ce confinement obligatoire dans un minimum de confort ?

Oui. Moi qui suis originaire de l’Ile-de-France, j’ai la chance de bénéficier d’un peu plus d’espace en Limousin que l’on peut avoir généralement dans un appartement à Paris. Il y a un contraste car on n’a pas le droit de sortir mais à l’intérieur de l’enclos que l’on a, on a un jardin, il n’y a pas de soucis, ça se passe bien.

Etes-vous en relation permanente avec vos joueurs, votre staff, les dirigeants ?

Exactement. On essaye déjà de garder contact à l’intérieur du staff et avec les dirigeants par des réunions téléphoniques, Whatsapp. On s’est organisé aussi pour maintenir une relation avec les joueurs que ce soit moi l’entraîneur, mes adjoints, le staff médical, le préparateur physique et le directeur sportif. Bref que les joueurs aient la sensation que l’on essaye de les encadrer, de les soutenir, d’être avec eux même si ce n’est pas un moment simple à vivre pour nous tous et pour eux particulièrement.

Sont-ils tous restés dans la Haute-Vienne ?

Il y en a deux qui ont rejoint les Etats-Unis : Brian Conklin et sa famille qui sont dans l’Oregon et DeMarcus Nelson qui est à Las Vegas. Les autres sont en France.

Etes-vous optimiste sur une reprise de la saison ou estimez-vous que les nuages sont très sombres ? Aujourd’hui la VTB League a annoncé qu’elle arrêtait sa saison et c’est la première ligue majeure en Europe qui a pris cette décision.

Quand on essaye de prendre un peu de distance avec ce que l’on vit, quand on voit que l’ONU dit que c’est une menace pour l’humanité entière, qui a fait des dizaines de milliers de morts, qui en fera peut-être des centaines et même peut-être des chiffres supérieurs, que l’on voit que des pays comme l’Inde, ceux d’Afrique, commencent à avoir les premiers cas et que l’on sait qu’ils n’ont peut-être pas l’organisation sanitaire et médicale que l’on a, c’est quelque chose qui figurera dans les livres d’Histoire de nos enfants ou de nos petits-enfants, c’est donc bien au-delà du sport. C’est une crise sanitaire mondiale. Il y a des médecins en allant soigner des patients malades -des gens qui sont les plus à même de connaître les précautions à prendre- qui y laissent leurs vies, les choses sont bien au-delà de nos considérations sportives du moment, de notre championnat de cette saison. On ne connaît pas l’unité de mesure, on ne sait pas si ce sont des milliers, des centaines de milliers ou des millions de morts sur la planète et c’est ça qui est terrible. Ça me fait prendre de la distance sur va-t-on ou pas reprendre la saison.

Avez-vous des discussions sur ce sujet-là avec d’autres coaches ?

Bien sûr, on s’appelle, on garde contact, « que comptes-tu faire pendant cette période-là ? Du travail individuel, de la muscu, du travail par groupe ? Est-ce que ça va reprendre ? »… Pour tout vous dire, on en avait très régulièrement avec pas mal de coaches de Jeep Elite et de Pro B, on s’appelait, on s’écrivait, jusqu’au moment où Macron a déterminé le confinement. A partir de là, c’est vrai que finalement on n’en a plus eu.

Photo: Brian Conklin (Eurobasketball)
« On était dans les huit pour les playoffs, on pouvait même envisager de monter au classement »

Malgré tout, est-ce une préoccupation pour vous et le club de savoir si la saison va reprendre, si elle sera « blanche », si un champion va être désigné ?

Je ne peux parler qu’en mon nom et pas au nom du club. Si la LNB décide de reprendre le championnat, j’espère que l’on va respecter l’intégrité physique des joueurs. Après avoir fait pendant six semaines du vélo d’appartement et de la muscu, il faut du temps pour revenir dans un état de forme optimale, jouer sans risques de blessure graves. Ça me semblerait inapproprié qu’après six semaines d’arrêt on les remette sur le terrain alors qu’ils n’ont rien fait. Il y a aussi une inégalité. Nous, par exemple, on a Marcus Ginyard qui fait du vélo d’appartement -il a réussi à en avoir un- et de l’autre côté, on a DeMarcus Nelson qui est à Las Vegas où il n’est pas en confinement et il peut courir dehors et où il dispose de terrains pour s’entraîner, jouer. Donc si la ligue veut reprendre, j’espère vraiment qu’il y aura des mesures mises en place pour préserver l’intégrité des joueurs. Après, faut-il un champion, est-ce que ça doit être gelé, une année blanche, tout ça, je n’ai pas envie de me prononcer parce que je trouve que l’on doit élever le débat. C’est tellement plus grave que ça. Alors, évidemment, avec le CSP, à la vue des résultats, on était sur une lancée, on venait de battre Cholet à domicile. Auparavant, on avait fait un début de saison en grande difficulté et on était en train de se dire qu’il ne fallait pas faire partie des monuments du basket qui vont descendre. Il y en a plusieurs qui étaient dans cette position-là.  Là, on était dans un élan très favorable, on était dans les huit pour les playoffs, on pouvait même envisager de monter au classement. Bien évidemment pour nous, pour moi, ça met un coup d’arrêt, mais après dire « ça reprend ou pas, champion, relégation ou pas », je n’ai pas spécialement envie de me prononcer sur ça.

Combien de temps à vos avis faudrait-il aux joueurs pour reprendre la compétition après une telle coupure ?

Ça dépend de la durée de l’arrêt sachant que chacun est chez soi, les joueurs tournent en rond, ce sont des lions en cage, ils sont habitués à secréter de l’endorphine à fond les ballons, tous les jours à l’entraînement, tous les samedis en match. Déjà, il faut que les Américains reviennent, que dans leur pays on leur accorde le droit de partir, oh ! là, là… ça on n’en parle pas, c’est aussi un sujet.

De fait, la pandémie prend de l’ampleur aux Etats-Unis et la grande majorité des étrangers sont des Américains ?

Un, auront-ils le droit de revenir ? Deux, si c’est le cas, y aura-t-il pour eux une quarantaine à leur retour en Europe ? Je pense qu’il faut la moitié de la durée de l’indisponibilité, un peu inférieur (Il réfléchit). On va être clair : l’ASVEL a fini sa saison fin juin et ils ont repris la saison mi-août. Donc six semaines d’arrêt. C’est un été. Et derrière on fait généralement six ou sept semaines de reprise. Donc trois semaines après un arrêt de six semaines ça me paraît être un minimum. On ne mesure pas, là ça ne fait que dix jours d’arrêt. Si l’arrêt est de 45 jours, ça fait trois fois et demie ce que l’on vient de vivre. Donc trois semaines mais à partir du moment où tout le monde est là !

S’il y avait une reprise avec des équipes qui auraient tous leurs joueurs et d’autres à qui il manquerait un, deux, trois, quatre, cinq joueurs, ça serait déséquilibré, injuste ?

Je le répète : mon message de fond c’est de dire qu’il faut s’élever de ça, on parle de gens qui perdent la vie, et s’ils ont réussi à confiner en Chine, quand ça va arriver en Afrique, en Inde, quand on voit ce qui se passe en Espagne où apparemment ça va être pire qu’en Italie, je me dis « mais de quoi on parle quand on dit, aura-t-on des playoffs ou pas ? » Alors, oui, en tant que coach de basket, je peux dire que l’on était dans un bon momentum, on avait déjà joué l’ASVEL, on recevait Dijon, on avait un enchaînement de matches où l’on pouvait avoir une forme d’ambition.

Photo: Semaj Christon (Eurocupbasketball)
« Ça a créé chez Semaj une volonté de partir. On s’est dit que l’on n’avait plus le choix »

A propos de coupe d’Europe, n’était-ce pas un peu trop ambitieux pour un club et une équipe en reconstruction complète comme Limoges de jouer l’Eurocup ? N’est-ce pas ça qui explique en partie vos difficultés en début de saison ?

C’est difficile pour moi de me prononcer car tout ça a été fait avec mon prédécesseur. Evidemment que l’Eurocup est une compétition qui est forte mais j’ai l’impression qu’avec la BCL il y a une proximité en termes de niveau. Lorsque l’on a joué Strasbourg, j’ai regardé leur match contre Ankara et quand je vois le roster avec Moustapha Fall, etc, je me suis dit qu’il n’y avait à peu près aucune équipe française qui a les moyens d’avoir ce type de roster. Oui, on finit dernier du groupe mais je n’ai pas eu la sensation qu’il y avait un écart aussi important que ça avec nos adversaires.

Quand un joueur comme Semaj Christon quitte en pleine saison le CSP pour Vitoria, un club d’Euroleague, vous sentez vous dépouillé ? Avez-vous la sensation du petit club qui ne peut que se soumettre aux riches ?

(Il réfléchit) Pour le coup c’est vraiment la loi du marché. Plusieurs clubs se sont manifestés avec un intérêt pour Semaj du fait de ses performances individuelles en Eurocup. On sentait naître chez lui une envie d’ailleurs quand on a été éliminé d’Eurocup. Il y a eu un moment pas simple à gérer. Il y a eu des premières offres que l’on avait refusé, puis la fameuse de l’AEK Athènes et c’était quasiment fait et qui a capoté au dernier moment car comme un joueur grec s’est blessé, ils ont voulu recruter un autre joueur grec. Ils n’avaient plus d’argent pour payer le buyout. Ça a créé chez Semaj une volonté de partir. On s’est dit que l’on n’avait plus le choix. Il était dans un état d’esprit qui n’était plus constructif pour l’équipe, il voyait son avenir ailleurs. On ne s’est pas posé la question de savoir si on s’était fait dépouiller par un plus riche. On s’est dit que notre coupe d’Europe était finie et que Semaj Christon était d’un niveau tel que l’équation ne pouvait plus coller. Un joueur de ce niveau-là ne jouer qu’un match par semaine en ayant des offres d’Euroleague, on s’est dit que ce n’était plus possible.

Son contrat prévoyait qu’il pouvait partir à partir du moment où vous étiez éliminé d’Eurocup ?

Non. C’était un contrat ferme avec aucune clause de départ en cours d’année. Cela a été l’occasion d’une négociation entre les deux clubs mais en aucun cas il y avait une somme, une date.

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La première question n’est pas originale : avez-vous un peu d’espace pour vivre ce confinement obligatoire dans un minimum de confort ?

Oui. Moi qui suis originaire de l’Ile-de-France, j’ai la chance de bénéficier d’un peu plus d’espace en Limousin que l’on peut avoir généralement dans un appartement à Paris. Il y a un contraste car on n’a pas le droit de sortir mais à l’intérieur de l’enclos que l’on a, on a un jardin, il n’y a pas de soucis, ça se passe bien.

Etes-vous en relation permanente avec vos joueurs, votre staff, les dirigeants ?

Exactement. On essaye déjà de garder contact à l’intérieur du staff et avec les dirigeants par des réunions téléphoniques, Whatsapp. On s’est organisé aussi pour maintenir une relation avec les joueurs que ce soit moi l’entraîneur, mes adjoints, le staff médical, le préparateur physique et le directeur sportif. Bref que les joueurs aient la sensation que l’on essaye de les encadrer, de les soutenir, d’être avec eux même si ce n’est pas un moment simple à vivre pour nous tous et pour eux particulièrement.

Sont-ils tous restés dans la Haute-Vienne ?

Il y en a deux qui ont rejoint les Etats-Unis : Brian Conklin et sa famille qui sont dans l’Oregon et DeMarcus Nelson qui est à Las Vegas. Les autres sont en France.

Etes-vous optimiste sur une reprise de la saison ou estimez-vous que les nuages sont très sombres ? Aujourd’hui la VTB League a annoncé qu’elle arrêtait sa saison et c’est la première ligue majeure en Europe qui a pris cette décision.

Quand on essaye de prendre un peu de distance avec ce que l’on vit, quand on voit que l’ONU dit que c’est une menace pour l’humanité entière, qui a fait des dizaines de milliers de morts, qui en fera peut-être des centaines et même peut-être des chiffres supérieurs, que l’on voit que des pays comme l’Inde, ceux d’Afrique, commencent à avoir les premiers cas et que l’on sait qu’ils n’ont peut-être pas l’organisation sanitaire et médicale que l’on a, c’est quelque chose qui figurera dans les livres d’Histoire de nos enfants ou de nos petits-enfants, c’est donc bien au-delà du sport. C’est une crise sanitaire mondiale. Il y a des médecins en allant soigner des patients malades -des gens qui sont les plus à même de connaître les précautions à prendre- qui y laissent leurs vies, les choses sont bien au-delà de nos considérations sportives du moment, de

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A suivre

Photo d’ouverture: Mehdy Mary avec la légende du club, Claude Bolotny (CSP)

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