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Bob Cousy et la France – Conversation avec une légende de la NBA : « C’est incroyable, mais c’est comme si à chaque fois je revenais à la maison » (3/3)

Après avoir révélé que Bob Cousy avait de profondes attaches avec notre pays, nous avions obtenu son témoignage qui  confirmait qu’à près de 90 ans, le premier grand meneur de jeu de la NBA, avait toujours eu au fond de lui une sensibilité française.

WASHINGTON, DC – AUGUST 22: U.S. President Donald Trump presents the Medal of Freedom to retired Boston Celtic Bob Cousy in the Oval Office at the White House on August 22, 2019 in Washington, DC. Mr. Cousy is credited helping the Boston Celtics win six National championships. (Photo by Mark Wilson/Getty Images)

Après avoir révélé que Bob Cousy avait de profondes attaches avec notre pays, nous avions obtenu son témoignage qui  confirmait qu’à près de 90 ans, le premier grand meneur de jeu de la NBA, avait toujours eu au fond de lui une sensibilité française.

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The Cooz était flashy, innovant, faisait des choses sur le terrain que personne n’avait imaginé avant lui. Il avait aussi un physique lambda, était avenant, humaniste. Les fans s’identifiaient à lui et il était le chouchou des médias. Bob Cousy fut le premier artiste de la NBA quand bien même son équipier Bill Russel eut davantage d’impact.

Son père Joseph, sa mère Juliette et sa grand-mère maternelle Marie ont emprunté le paquebot Mauretania pour un voyage transatlantique sans retour quelques mois avant sa naissance. Pour gagner sa vie, Joseph fut obligé d’avoir deux ou trois jobs, de travailler dans un aéroport le jour, comme taxi la nuit, jusqu’à dix-huit heures quotidiennement. Les Cousy durent économiser dollar après dollar afin de déménager d’un ghetto sur l’East River, où il n’avait pas l’eau courante, pour s’installer dans le Queens.

Les Cousy parlaient exclusivement français à la maison. Habile de ses mains, son père possédait une vieille Packard qu’il bichonnait toujours en silence. A l’inverse, sa mère était une grande femme émotive, passionnée, avec des yeux marrons expressifs, pieuse, et détestait les Allemands. Ils se disputaient souvent. Bob se souvient d’avoir entendu sa mère crier : « la maison brûlerait que tu resterais assis là ». Le père avait juste opiné du chef.

Bob est né juste avant la grande dépression. Il resta fils unique. Jeune, il était timide et grandit dans une maison où les silences pouvaient être pesants. Il n’a jamais osé demander à ses parents comment ils s’étaient rencontrés –la première femme de Joseph était décédée d’une pneumonie et ils avaient eu ensemble une fille, Blanche, qui habita à Nice et dont Bob ne découvrit l’existence qu’à l’âge adulte-, combien cela avait été dur de quitter leur chère patrie. Bob a grandi au milieu de minorités, Noirs, juifs, allemands, et a appris le basket sur les playgrounds du Queens.

Son adresse sur un chèque

Comme nous l’avons raconté, Bob Cousy est venue plusieurs fois en France prêcher la bonne parole, même si tout ça n’a pas été gravé dans le marbre. Il a visité aussi la ferme paternelle en Alsace, en 1962. Dans une interview, il a indiqué que c’était grâce au quotidien L’Equipe qu’il avait entrepris alors ce retour aux sources.

Depuis plusieurs décennies, Bob Cousy n’avait plus de contact avec la France, ou si peu. Nous vous avons fait découvrir un chasseur d’autographes spécialisé dans le basket américain, Alain Guittard. Celui-ci a trouvé l’adresse de Bob Cousy dans le Massachusetts sur un vieux chèque rédigé pour payer la vidange de sa voiture ! Il lui a écrit, Bob Cousy lui a répondu, et ils ont ainsi échangé plusieurs fois. « C’est dans sa première réponse qu’il m’a dit avoir été fabriqué en France (…) Bob Cousy montre doublement son attachement à la France. Comme il a une association, il demande 50 dollars pour signer une carte ou une photo mais rien pour un Français. Et dix jours plus tard, on a un retour, »révèle Alain Guittard.

Alain Guittard nous a transmis l’adresse de Bob Cousy. Nous lui avons envoyé une lettre avec un exemplaire de Basket Hebdo où nous avions écris sa story. Quelques jours plus tard, nous recevions sa réponse -charmante-, son numéro de téléphone et une invitation à l’appeler. Nous avons joint cet octogénaire qui est une légende vivante du basket-ball, un mythe. Robert Joseph Cousy a répondu dès la première sonnerie. Son corps est, de son propre aveu, de plus en plus défaillant mais sa voix est claire, son esprit toujours vif et il possède une remarquable mémoire, se souvenant de faits datant d’il y a un demi-siècle. Voici le verbatim de ce qui est davantage une conversation amicale qu’une interview professionnelle.

Photo: La lettre que Bob Cousy a envoyé à l’auteur de l’article.

Je suis le journaliste français qui vous a envoyé cet été un article sur vous et vos origines françaises…

Ah ! Oui. Comment allez-vous Pascal ? Malheureusement, comme je vous le disais dans ma lettre mon français n’est plus bon, je n’ai plus eu la possibilité de le parler depuis que ma mère est décédée, il y a trente-deux ans. Etiez-vous à Madrid en 1988 lorsque les Celtics étaient là-bas pour un tournoi (Ndlr : la 2e édition de l’Open McDonald)?

Non, je n’y étais pas. Pourquoi ?

J’y avais parlé avec des journalistes français et je m’étais servi de mon français à cette occasion.

Vous souvenez vous de quelques mots en français aujourd’hui ?

(En français). Bien sûr, je parle un peu mais j’ai oublié… (Il reprend en anglais) Ce sont les mots en anglais qui me viennent à l’esprit.

J’ai eu l’occasion de vous entendre sur une vidéo de l’INA datant de 1962 et, honnêtement, à l’époque, votre français était parfait ?

Mon français en 1962 était correct. Le français était ma première langue et je l’ai toujours parlé à la maison. J’ai appris l’anglais dans les rues de New York City. Quand ils voulaient que je ne comprenne pas mes parents me parlaient en allemand !

Votre père était alsacien, c’est pour ça qu’il parlait aussi l’allemand ?

Oui. Il a eu l’infortune de servir dans l’armée allemande durant la première guerre mondiale lorsqu’il avait dix-huit ans. Il n’avait aucune opinion politique, mais ma mère le chambrait en parlant des « sales boches » (en français). J’ai souvent entendu cette expression spécialement durant la seconde guerre mondiale, les  « sales boches » (rires).

Votre grand-mère maternelle a accompagné vos parents en Amérique ?

Oui, j’ai été très proche de ma grand-mère. C’était une dame merveilleuse et je m’en souviens très bien. Elle est décédée lorsque je suis entré à l’université (Holy Cross) en 1946.

Vous souvenez-vous de vos voyages en France durant les années 50 et 60 ?

Je me souviens de ce voyage à Paris et de ces gens, Robert Busnel, qui fut le président de la fédération française de basket-ball, Jacques Fleury (Ndlr : Peut-être s’agit-il de Jacques Flouret, un ancien international qui présida le PUC) et André Barrais…

C’est un ancien international français, qui a été médaillé d’argent aux Jeux Olympiques de Londres.

Oui, j’ai rencontré André dans le camp de basket que j’ai organisé l’été dans le New Hampshire pendant vingt ans (Ndlr : Jacques Monclar nous a confié avoir fait le camp de Bob Cousy à Exeter lorsqu’il avait seize ans et d’avoir joué contre lui). Est-il encore vivant ?

Je ne crois pas… (En fait, André Barrais est décédé en 2004, à 83 ans)

Lorsque nous sommes arrivés à Paris, Jacques Fleury m’a emmené avec ma famille faire un tour sur les Bateaux Mouches et je me souviens que nous avons passé une super soirée. Nous avons dansé, écouté de la musique. La vue était magnifique. Ensuite, nous avons voyagé dans vingt-et-une villes en à peu près vingt-quatre ou ving-cinq jours. Et une fois, en 1966, nous avons fait un arrêt à LaChapelle afin de rendre visite à mes oncles. Je crois qu’ils étaient trois, même si je peux faire une erreur à ce propos.  Ils travaillaient encore dans la ferme familiale. J’étais avec ma femme et mes deux filles. Mon Dieu ! Si mon père n’était pas venu aux Etats-Unis, au lieu de devenir « M. Basketball », j’aurais planté des pommes de terre dans cette ferme ! (Rires)

Au total, combien de fois êtes-vous venus en France ?

Je ne me souviens pas exactement, trois ou quatre fois. La première fois que je suis venu, c’était dans les années cinquante, (il calcule) en 1955, avec l’ancien coach de Kentucky. Vous vous rappelez de Adolph Rupp ? Il y avait aussi deux arbitres de la NBA, et puis Red Auerbach (Ndlr : coach des Celtics) et moi. Je ne me souviens plus si Robert Busnel était avec nous cette fois-là. Red Auerbach et moi, on a fait ensemble trois voyages de six semaines à l’étranger sous le couvert du Département d’Etat. Nous avons donné des clinics. Dans les années cinquante et les premières années des sixties, le basket-ball en était juste à son commencement. Au cours de ces voyages, nous avions passé une semaine en France avec Robert Busnel. Nous sommes allés aussi en Yougoslavie, en Pologne, en Roumanie, dans beaucoup d’endroits. Nous travaillions avec les coaches de ces pays, vous voyez. Je me souviens d’avoir passé une fois trois jours à Paris, d’être allé aux Folies-Bergères, et j’avais apprécié ça.

Vous n’êtes jamais revenu en France après 1962 ?

Well (Il souffle, réfléchit). Je suis allé une fois en Espagne, je ne sais plus en quelle année, mes filles avaient je crois 18-19 ans, donc ça ferait 1971-1972. Nous avons fait un stop à Paris pendant quelques jours puis nous sommes allés à Londres pour quelques jours et ensuite à Madrid. Et puis en 1988, je suis allé à Madrid pour un tournoi. Je travaillais pour la télévision des Celtics à cette époque. J’ai donc parlé à des journalistes français à plusieurs occasions. Je me rappelle qu’ils m’avaient dit qu’il n’y avait pas plus de vingt ou trente « Cousy » en France. Ce n’est pas non plus un nom usuel ici aux Etats-Unis. Ah ! Je m’en souviens maintenant. Ma femme et moi sommes allés une semaine à Londres il y a vingt ans, probablement en 1995 donc, et nous avons traversé la Manche pour nous rendre à Paris et y passer une journée. J’avais un cousin à New Orleans qui avait une fille à Paris, nous lui avons rendu visite, et le soir, nous sommes retournés en train à Londres.

Vos parents sont-ils retournés une fois en France ?

Pas mon père. Mais ma mère y est retournée une fois pour une quinzaine de jours, je crois.

Vous êtes américain, bien sûr. Mais vous sentez-vous aussi quelque part français ?

Une fois ma femme m’a dit : quand tu vas en France, ta personnalité change. Je lui ai demandé ce qu’elle entendait par là. Elle m’a répondu que je devenais plus expressif, « lorsque tu parles, tu utilises beaucoup tes mains, tu prends le style français » (rires). Pascal, j’ai eu la chance de beaucoup voyager dans le monde et je n’ai jamais eu le même feeling dans un autre pays. C’est incroyable, mais c’est comme si à chaque fois je revenais à la maison, j’étais relax. Bien sûr, le fait que je parlais français couramment me rendait plus à l’aise quand je venais en France. C’est difficile pour moi d’expliquer tout ça, mais quand j’étais enfant je parlais et je pensais en français, et là je retournais à mes racines. Comme je l’ai dit de nombreuses fois, j’ai été conçu en France. Quand je vivais à New York et que j’étais avec ma mère à la maison les voisins m’interpellaient par la fenêtre en me disant « hey ! flenchy ! » pour moquer mon incapacité à prononcer les r.

Vous savez qu’il y a une douzaine de joueurs français en NBA actuellement ?

Tony Parker, oui. Il y en a d’autres de France ?

Oui, Boris Diaw, Rudy Gobert, Alexis Ajinça…

Merveilleux. (Il parle en français). Je savais pour Tony Parker mais je croyais que c’était le seul. (Il reprend en anglais). C’est bien, je suis heureux de ça. Je me souviens que lorsque je suis venu en Europe, le niveau en Yougoslavie était bon, en avance. Le basket a fait un long chemin en France. Je reçois d’ailleurs de plus en plus de lettres de fans français.

Avez-vous rencontré Tony Parker ?

Non… Je suis aujourd’hui un vieil homme de 87 ans, je ne sors plus, j’ai mes problèmes médicaux, je ne rencontre plus les joueurs, je ne fais plus d’apparitions publiques, je ne vais plus aux matches des Celtics… C’était super de parler avec vous.

Photo: Un ballon dédicacé par les Boston Celtics au début des années 60, qui fut offert à la FFBB et qui est mis en valeur dans son Espace Muséal qui se trouve à son siège parisien.

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The Cooz était flashy, innovant, faisait des choses sur le terrain que personne n’avait imaginé avant lui. Il avait aussi un physique lambda, était avenant, humaniste. Les fans s’identifiaient à lui et il était le chouchou des médias. Bob Cousy fut le premier artiste de la NBA quand même son équipier Bill Russel eut davantage d’impact.

Son père Joseph, sa mère Juliette et sa grand-mère maternelle Marie ont emprunté le paquebot Mauretania pour un voyage transatlantique sans retour quelques mois avant sa naissance. Pour gagner sa vie, Joseph fut obligé d’avoir deux ou trois jobs, de travailler dans un aéroport le jour, comme taxi la nuit, jusqu’à dix-huit heures quotidiennement. Les Cousy durent économiser dollar après dollar afin de déménager d’un ghetto sur l’East River, où il n’avait pas l’eau courante, pour s’installer dans le Queens.

Les Cousy parlaient exclusivement français à la maison. Habile de ses mains, son père possédait une vieille Packard qu’il bichonnait toujours en silence. A l’inverse, sa mère était une grande femme émotive, passionnée, avec des yeux marrons expressifs, pieuse, et détestait les Allemands. Ils se disputaient souvent. Bob se souvient d’avoir entendu sa mère crier : « la maison brûlerait que tu resterais assis là ». Le père avait juste opiné du chef.

Bob est né juste avant la grande dépression. Il resta fils unique. Jeune, il était timide et grandit dans une maison où les silences pouvaient être pesants. Il n’a jamais osé demander à ses parents comment ils s’étaient rencontrés –la première femme de Joseph était décédée d’une pneumonie et ils avaient eu ensemble une fille, Blanche, qui habita à Nice et dont Bob ne découvrit l’existence qu’à l’âge adulte-, combien cela avait été dur de quitter leur chère patrie. Bob a grandi au milieu de minorités, Noirs,

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Photo d’ouverture: En août dernier, le président des Etats-Unis Donald Trump a remis à Bob Cousy la médaille de la Liberté.

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