Journaliste basket depuis une vingtaine d’années, Nicolas Baillou est devenu le spécialiste des documentaires sur RMC Sport. On lui doit notamment celui sur Marine Johannès et deux autres qui nous ont immiscés dans l’antre de l’Olympiakos et du Panathinaikos où il a eu quelques frayeurs.
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Vous êtes originaire de Tours, qui a eu à une époque plusieurs clubs de première division dans différents sports, ce qui vous a permis de vous y intéresser ?
Oui. Quand j’étais môme à Tours, j’allais voir le basket et juste à côté il y avait la patinoire et quand on avait le billet du basket on payait seulement 10F d’entrée au hockey, aussi on y allait avec les potes. Ensuite, il y a eu le volley qui est arrivé. Je ne suis pas trop allé au foot. C’était au début des années quatre-vingt-dix et c’était sympa de pouvoir voir des équipes qui étaient à haut niveau. C’était l’époque du TBC qui luttait pour rester en Pro A ou qui était en Pro B de temps en temps.
Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai commencé à France Bleu Tours tout en étant étudiant en journalisme à Paris. Je redescendais le week-end en Touraine pour bosser sur l’info générale et aussi beaucoup sur le sport. Ça m’a permis de vivre mes premiers directs à la radio lors des soirées multiplex. AB Sport s’est créé à Paris et j’ai commencé à piger chez eux sur de la NCAA pendant pas mal d’années et ensuite ils m’ont embauché. Je faisais beaucoup de basket, du volley et du hockey-sur-glace puisque je connaissais déjà bien ces trois sports.
C’était à l’époque où Rémy Delpon, l’actuel Directeur Général de l’Elan Chalon, était également sur AB Sport ?
Oui et aussi Nicolas De Virieu (NDLR : auteur de plusieurs documentaires sur le basket). Ensuite c’est devenu Pathé Sport à la fin des années quatre-vingt-dix. La chaîne a grandi un peu. Je faisais toujours pas mal de basket, on avait le championnat de France. C’était important pour la chaîne. Cela a pris encore plus d’ampleur avec le rachat de Pathé par Canal et la création de Sport +. Les moyens étaient augmentés et à un moment c’était fantastique car on avait tout le basket, la NBA, l’Euroleague, la Pro A. Et aussi le volley et le hockey-sur-glace que je commentais avec les équipes de France, Euro et championnats du monde. C’était une période géniale avec l’entité et les moyens de Canal, on faisait de belles choses.
Ensuite le basket a été réparti sur Sport+ puis Canal+ Sport ?
La stratégie de Canal a été de mettre tout ce qui marchait sur Sport+ sur Canal+ Sport. Ça a commencé à affaiblir Sport+. Ceci conjointement avec l’arrivée de BeIN a fait qu’ils ont fermé la chaîne. Je suis parti en 2015, le challenge était moins intéressant.
Quelles sont les évolutions majeures dans votre métier ces dernières années ?
Il faut être de plus en plus polyvalent. Lorsque je suis parti de Canal, on commençait à me demander un peu de monter, à me débrouiller avec une caméra. En reportage, tu partais à deux avec un cadreur et maintenant, de plus en plus, on part tout seul. Il faut être prêt à manier la caméra, commenter, monter un petit peu.
Depuis que vous êtes sur RMC, vous vous êtes spécialisés dans les sujets magazines ?
Avant, j’en faisais un peu mais pas assez à mon goût car j’étais notamment pris par le hockey-sur-glace dont j’étais responsable. Je commentais la NHL deux à trois fois par semaine. Plus un ou deux matches de basket. C’est effectivement quelque chose que je fais beaucoup plus depuis que je suis à RMC. Je comble un manque et ça me permet de raconter des histoires, de me déplacer et de voir des choses qu’on ne voit pas en France, notamment en voyant différentes salles et différentes ambiances en Euroleague.
« Avec Zeljko Obradovic, l’interview a duré entre 15 et 20 minutes et il m’a regardé trois fois. La plupart du temps, il regardait à droite, à gauche, mais pas dans les yeux »
Quand vous allez à l’Olympiakos, par exemple, vous ouvre t-on facilement les portes ?
J’ai fait deux reportages à Olympiakos. L’un d’un peu moins de 10’ l’an passé et ils m’ont renvoyé là-bas pour vivre le derby cette fois du côté du Pana. La première fois, j’avais trouvé un couple de Français qui résident à Athènes et qui sont fans de l’Olympiakos. On peut considérer que l’on a de la chance, l’Euroleague est plutôt ouverte et les clubs aussi. Au bout de quelques années, je commence aussi à connaître l’environnement. Je n’ai pas de problèmes pour faire des reportages et demander des choses en inside avec des joueurs français. Ils sont dans leurs clubs et quand ils voient un journaliste français, ils ont besoin que l’on parle d’eux.
Des coaches comme Zeljko Obradovic ou Pablo Laso sont-ils disponibles ?
Ils le font parce que le club leur demande, ça fait partie de leurs obligations. Avec Zeljko Obradovic, l’interview a duré entre 15 et 20 minutes et il m’a regardé trois fois. La plupart du temps, il regardait à droite, à gauche, mais pas dans les yeux (rires). C’est perturbant ! Par contre, je buvais ses paroles car tout ce qu’il dit est très intéressant. Ça a l’air tellement simple. C’est en fait tout le charisme du bonhomme qui fait la différence.
Croyez-vous qu’il y a un souhait de l’Euroleague d’ouverture vers la France ?
Oui, très clairement. Par exemple, pour le prochain Final Four, ils nous ont proposé qu’on le vive en inside. On a eu (Jordi) Bertomeu (NDLR : le Directeur Général) en interview. Il y a un souhait que la France et nous RMC qui détenons les droits, on est accès à beaucoup de choses et c’est pour ça que l’on a rarement des refus. Quand je rencontre Zeljko Obradovic ou Pablo Laso, je pose toujours la question : pourquoi n’y a-t-il pas de clubs français en Euroleague ? Tous me disent que ce n’est pas normal, qu’ils le regrettent, etc. Ils mettent en opposition tous les joueurs que l’on a en NBA, en Euroleague, notre formation.
Quelles impressions avez-vous eu dans les salles grecques en vivant ça de l’intérieur ?
Il y a deux versions. En bas c’est impressionnant. C’est très chaud, il y a une énergie extraordinaire que l’on n’a nulle part ailleurs, peut-être plus encore qu’à Belgrade où c’est déjà très chaud. Ensuite quand on s’approche du Gate 13 au Panathinaikos, l’ambiance devient tout autre. Pour la première fois j’ai eu un peu peur dans une salle de basket. Avec ma caméra, je me suis fait repérer par un type qui voulait me tabasser. Que ce soit les deux kops du Panathinaikos et la Gate 7 de l’Olympiakos, c’est-à-dire la frange dur, ils refusent les interviews. Ils ont de la haine l’un envers l’autre et ce sont des chants très violents. Je ne les comprends pas mais je me les suis traduire par un journaliste. Ce ne sont que des insultes. En fait, ces mecs-là sont en totale liberté dans leurs tribunes. Il y a des odeurs d’herbe et d’alcool. Et pas beaucoup de forces de l’ordre ! C’est pour ça que je ne me suis pas senti à l’aise. Le type s’est calmé assez vite car j’ai baissé ma caméra et j’ai fait un geste en disant « je m’en vais ! » et je suis parti, mais il n’y avait aucune force de police à côté. C’est le seul moment où j’ai eu peur dans une salle de basket.
C’est un Etat dans l’Etat ?
En fait, on m’a expliqué que les proprios de chaque club avaient laissé la porte ouverte aux supporters de foot, aux hooligans, et ça a laissé entrer des gens violents, incontrôlables. C’est pour cela qu’il y a des double filets de protection, que l’on interdit maintenant les supporters de l’Olympiakos au Pana et inversement parce que ça finit toujours mal. On leur a dit « vous mettez l’ambiance et vous êtes libres ». Ils font ce qu’ils veulent, ça fume des pétards à tout va dans les tribunes. La Grèce n’est pas connue pour être un pays très répressif. Ils savent se tenir un petit peu parce que ce sont des matches d’Euroleague mais en ligue grecque ça dégénère très vite avec des fumigènes. Il y a même des bagarres quand les matches sont sur des sites neutres. Généralement, ce sont dans de petites salles, en Crète, pas à Athènes pour que ça limite le nombre de spectateurs et les risques de violence. On atteint la limite…
« Le reportage (sur Marine Johannès) a fait 35 000 vues sur le Youtube FFBB, ce qui est parait-il énorme »
Il vous a fallu des trésors de diplomatie pour faire parler autant Marine Johannès ?
Ça a été un combat, pas avec elle mais la personne qui la représente. Après la Coupe du monde de l’équipe de France, elles avaient décidé, sa représentante, Katia Hoard, et Marine, de ne plus parler. Elle était déçue de la Coupe du monde. Elles ont refusé pas mal d’interviews. Donc au début c’était non, c’est tombé à l’eau. J’ai insisté auprès de son agent, du club de Bourges, de Katia Hoard. Je leur ai dit que ce n’était pas normal, que Marine va partir à l’étranger où elle ne contrôlera pas ça. Elle sera obligée de faire des interviewes. En plus, la presse basket on n’est pas nombreux et je ne pense pas que l’on soit là à harceler les sportifs au quotidien. On est plutôt là pour les faire connaître. J’avais fait une campagne de l’équipe de France avec la fédé en République Tchèque 2017 pour créer des contenus. Je voyais Marine tous les jours et on s’entendait très bien, aucun souci. C’est en rappelant ça que tout a changé.
Combien faut-il de temps pour imaginer, tourner, réaliser un documentaire ?
Avec le travail de préparation, avoir toutes les images, les déplacements pour les interviewes, à droite, à gauche, le montage, le visionnage, ça représente entre trois et quatre semaines de boulot.
C’est riche en images. Il n’y a pas de problèmes de droits ?
Non car par exemple l’équipe de France, ce n’était pas la Coupe du monde sinon des images d’entraînement. Pour ça la fédé me donne des images. Pareil pour Bourges. Pour les Etats-Unis, il y a un petit peu le Madison, un entraînement. On n’a pas les droits des matches, c’est BeIN Sports qui les a. J’ai quand même réussi à avoir de Canal le moment où Marine s’effondre en conférence de presse car on a quelquefois des accords avec les chaînes.
Quelles sont les personnes que vous préférez interviewer ?
C’est (Sarunas) Jasekevicius (NDLR : coach du Zalgiris Kaunas) qui m’a le plus marqué avec Zejko Obradovic (Fenerbahçe). Ces mecs-là respirent le basket, ils savent tellement de choses. Ils ont été de grands joueurs, ce sont de grands coaches. Ce qui est impressionnant c’est leur passion tout en étant extrêmement professionnel, très exigeants.
Avez-vous un souvenir fort de l’un de vos reportages ?
J’ai fait un sujet sur Istanbul, la capitale du basket, début octobre. Il y a trois équipes en Euroleague et je m’étais tapé les trois clubs le même jour, tout seul. J’avais passé quatre heures dans les taxis avec souvent des soucis de communication avec les chauffeurs pour arriver à des rendez-vous qui étaient calés. Le matin de bonne heure, j’avais vu Adrien Moerman à Efes, j’étais allé ensuite à Darrusafaka qui est tout au nord de la ville pour revenir le soir au Fenerbahçe (…) Si j’ai une anecdote : une amie m’a appelé pour me parler du doc sur Johannès comme quoi sa fille, qui fait du basket, l’a déjà regardé deux fois, et maintenant elle s’entraîne au step back ! Elle ne s’en rend pas compte encore mais Marine Johannès dégage quelque chose d’incroyable. Quand je vois tous les commentaires sur les réseaux sociaux suite au reportage, les gens l’adorent.
A ce propos, le reportage est paru sur RMC Sport dans « Transversales » mais il a été ensuite laissé libre sur les réseaux sociaux ?
On a donné l’autorisation à la fédé de le reprendre après un embargo de 48 heures. On touche forcément le public basket qui n’a pas la chaîne ou qui n’a pas vu que le reportage a été diffusé. Ça a fait 35 000 vues sur le Youtube FFBB, ce qui est parait-il énorme. D’ailleurs les gens pensent que c’est la fédé qui a fait le reportage (sourire).
Comment situez-vous le basket vis-à-vis des autres sports que vous couvrez, le volley et le hockey-sur-glace ?
On n’est pas si mal que ça en France si l’on compare avec les petites fédérations comme le hockey et même le volley. La Jeep Elite, ça progresse, pas assez vite mais ça progresse. C’est plus professionnel au basket avec des clubs qui commencent à se structurer avec des chargés de com’ et des attachés de presse. On se met d’accord sur ce que l’on veut faire, tout est calé, on gagne du temps. Je n’ai pas à me plaindre des clubs qui jouent le jeu. Ils nous ouvrent leurs portes et on essaye de préserver leur intimité. Je n’ai pas de mauvais souvenirs où c’était impossible d’interviewer le coach. Si on demande de faire des petites séquences chez un joueur, on nous refuse jamais. Les clubs ont bien compris qu’on est là pour s’aider mutuellement.
Vous commentez encore quelques matches ?
Moins qu’avant car les reportages me prennent beaucoup de temps mais j’ai fait Strasbourg-Dijon. Ce sont des journées un peu plus faciles car les reportages prennent beaucoup de temps. Il y a des jours où je pars de chez moi à 10h du matin et je finis à minuit. Le compte rendu du match, le live, c’est un autre exercice qui est aussi très intéressant.
La question que pose beaucoup de jeunes : y a-t-il des débouchées aujourd’hui dans la presse audiovisuelle ?
(Rires) Je ne sais pas trop répondre à cette question, je n’ai pas tous les éléments. Il y a davantage d’écoles de journalisme qui forment donc plus de candidats mais je ne suis pas sûr que les places aient beaucoup augmenté même s’il y a plus de médias. C’est une banalité mais il faut s’accrocher, il y a toujours une possibilité. La passion, c’est le moteur numéro un.
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Vous êtes originaire de Tours, qui a eu à une époque plusieurs clubs de première division dans différents sports, ce qui vous a permis de vous y intéresser ?
Oui. Quand j’étais môme à Tours, j’allais voir le basket et juste à côté il y avait la patinoire et quand on avait le billet du basket on payait seulement 10F d’entrée au hockey, aussi on y allait avec les potes. Ensuite, il y a eu le volley qui est arrivé. Je ne suis pas trop allé au foot. C’était au début des années quatre-vingt-dix et c’était sympa de pouvoir voir des équipes qui étaient à haut niveau. C’était l’époque du TBC qui luttait pour rester en Pro A ou qui était en Pro B de temps en temps.
Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai commencé à France Bleu Tours tout en étant étudiant en journalisme à Paris. Je redescendais le week-end en Touraine pour bosser sur l’info générale et aussi beaucoup sur le sport. Ça m’a permis de vivre mes premiers directs à la radio lors des soirées multiplex. AB Sport s’est créé à Paris et j’ai commencé à piger chez eux sur de la NCAA pendant pas mal d’années et ensuite ils m’ont embauché. Je faisais beaucoup de basket, du volley et du hockey-sur-glace puisque je connaissais déjà bien ces trois sports.
C’était à l’époque où Rémy Delpon, l’actuel Directeur Général de l’Elan Chalon, était également sur AB Sport ?
Oui et aussi Nicolas De Virieu (NDLR : auteur de plusieurs documentaires sur le basket). Ensuite c’est devenu Pathé Sport à la fin des années quatre-vingt-dix. La chaîne a grandi un peu. Je faisais toujours pas mal de basket, on avait le championnat de France. C’était important pour la chaîne. Cela a pris encore plus d’ampleur avec le rachat de Pathé par Canal et la création de Sport +. Les moyens étaient augmentés et à un moment c’était fantastique car on avait tout le basket, la NBA, l’Euroleague, la Pro A. Et aussi le volley et le hockey-sur-glace que je commentais avec les équipes de France, Euro et championnats du monde. C’était une période géniale avec l’entité et les moyens de Canal, on faisait de belles choses.
Ensuite le basket a été réparti sur Sport+ puis Canal+ Sport ?
La stratégie de Canal a été de mettre tout ce qui marchait sur Sport+ sur Canal+ Sport. Ça a commencé à affaiblir Sport+. Ceci conjointement avec l’arrivée de BeIN a fait qu’ils ont fermé la chaîne. Je suis parti en 2015, le challenge était moins intéressant.
Quelles sont les évolutions majeures dans votre métier ces dernières années ?
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