Il fut à la fois un joueur de niveau national, un étudiant brillant et Directeur Technique National adjoint. Il s’est lancé dans les affaires avec Boris Diaw et Ronny Turiaf qu’il avait connu à l’époque où il était assistant coach en équipe de France juniors. Il est aujourd’hui vice-président de l’Orléans Loiret Basket 45 chargé du secteur sportif. Bref, il y a de multiples raisons pour que BasketEurope s’intéresse à Nicolas Raimbault.
Voici la deuxième partie de l’interview. La première est à lire ici.
Quand l’OLB est monté en Pro A, il était porté par une vague populaire et un projet municipal de salle de 10 000 places et puis, tout d’un coup, ça a fait pschitt. Le projet a été enterré et le club est rentré dans le rang avec le 13e budget de la Pro A (3 940 000 euros) et une masse salariale située entre 800.000 et 900.000 euros, la plus basse de son histoire en ProA. Il semble condamné au second rang. C’est votre impression de l’intérieur ?
C’est vrai que Serge Grouard, l’ancien maire, a poussé fort pour qu’une grande salle sorte de terre car il avait compris que c’était un élément de développement important pour le club et tout autant pour la ville, avec des manifestations culturelles, l’emploi que ça génère, etc. Ça n’a pas pu se faire aussi vite que prévu et je pense que ça a marqué un coup d’arrêt au club et ça peut se comprendre. Ce nouveau projet d’une salle de 8 500 places avec un premier anneau de 4 500 pour les matches de l’OLB, est très concret pour fin 2019, 2020, et l’objectif est de repartir avec de l’ambition à cette échéance là.
Mais donc actuellement, vous êtes dans une position d’attente après une période de recul, voire de dépression ?
Je pense que nous sommes en position de refondation et que ça ne se fait pas du jour au lendemain. Tous les clubs de Pro A se rendent compte combien c’est difficile d’augmenter leur budget, leur masse salariale, à travers la recherche de partenaires. On a quand même eu quelques années de crise et ce n’est pas évident de demander aux partenaires d’en rajouter et d’en rajouter encore. L’OLB a la grande chance d’avoir une municipalité qui croit en lui.
Il y a une dizaine d’années, l’Entente, qui a précédé l’OLB, était dans un univers sportif peu concurrentiel. Le tout avec une agglomération assez importante (275 000 habitants). Est-ce toujours le cas ?
Sous la belle ère de Philippe Hervé c’était ça alors qu’aujourd’hui, si la concurrence est amicale, force est de constater que le foot évolue en Ligue 2 et c’est une activité gourmande en capitaux. On a aussi en concurrence les filles de Fleury qui sont tout en haut de la première division de hand et Saran, qui est dans l’agglomération orléanaise, qui est monté en première division masculine.
« Ce championnat est dense comme jamais, il n’y aura pas de victimes toute désignées comme ça pu être le cas ces deux dernières années »
L’impression c’est que les blessures sont un facteur de plus en plus important dans le parcours d’un club de Pro A et que pour un club comme le votre, lorsqu’un Français majeur comme Antoine Eito se blesse, c’est la catastrophe ?
Vraiment. Parce qu’on n’a pas la possibilité de faire une équipe avec des postes pleinement doublés avec des joueurs de substitution absolument parfaits. Antoine, c’est le pur poste 1 que l’on a, il a été all-star l’an dernier, il a prouvé qu’il pouvait être titulaire en Pro A et c’est le pari que l’on a fait avec lui et son agent. On n’a pas derrière lui de pur meneur de jeu qui puisse sécuriser ce poste. Déjà l’année dernière on se disait que s’il se blessait on serait très fragile mais ça n’a pas été le cas. Il se trouve qu’Abdel Kader Sylla, qui a fait une excellente fin de saison dernière et un excellent début de saison comme titulaire au poste 5, vient de prendre aussi un mois de blessure (NDLR : fracture de la main). Ça nous fragilise beaucoup. A Orléans, on n’a pas de coupe d’Europe aussi on ne mobilise pas les gens avec des déplacements et des matches supplémentaires et on a un kiné à temps complet, un préparateur physique. Le style de coaching de Pierre Vincent implique d’être vigilant pour ne pas trop impacter les joueurs durant la semaine à l’entraînement. Ce sont donc des facteurs qui sont interpellant lorsque surviennent ces multiples blessures.
Vous étiez règlementairement contraints de remplacer Antoine Eito par un Français ou un Communautaire. Comment avez-vous fait pour recruter l’Espagnol Carlos Cabezas qui a un fort pedigree (champion du Monde 2006). C’est simplement une proposition de son agent ?
Ça s’est fait en deux temps. Il fallait déjà que l’on cherche un joker médical pour Abdel Kader Sylla qui idéalement soit JFL. On a vu qu’Antoine s’était fait une entorse, on se doutait que c’était plus que ça et il a fallu attendre deux jours pour avoir la radio et que l’on sache la gravité de la blessure. En fait les joueurs JFL au poste de meneur que l’on avait identifié ne nous semblaient pas au niveau d’Antoine. On s’est donc dit qu’il valait mieux un JFL pour remplacer Abdel (NDLR : Georgi Joseph) pour se laisser la possibilité d’élargir le marché et d’aller sur un Bosman pour Antoine. Ensuite, on avait ciblé deux types de joueur, qui soient dans la réflexion, qui apportent autant en attaque qu’en défense. On était sur un Lituanien avec un agent avec lequel on travaille très bien et Cabezas que Pierre Vincent connaissait pour avoir coaché contre lui en juniors. On avait des échos de la part de son agent qu’il y ait la possibilité qu’il sorte d’Espagne. Il fallait un joueur au moins de ce calibre là pour se substituer à Antoine. Il a joué trente minutes samedi, il a fait cinq passes décisives, il a raté tout ses tirs, on a gagné le match. Avant ce match, il a simplement fait deux entraînements avec l’équipe au poste de meneur de jeu où il faut tout ingurgiter. Je ne m’attendais pas à beaucoup plus que ça sur ce premier match. C’est l’avenir qui dira ce qu’il en est. On pense que sa science du jeu devrait nous permettre de pallier l’absence d’Antoine.
Une expérience qui pourrait vous permettre de gagner ces matches perdus sur le fil ?
On a perdu beaucoup de matches sur la fin et ce n’est pas lié à Antoine. On perd comme ça face à Hyères-Toulon et Antoine était déjà blessé. On se dit que la capacité de Cabezas à être gestionnaire nous sera utile durant les deux mois à venir. Il y a eu une faute vraiment énorme de notre équipe au sens large c’est la défaite à Antibes, il y a aucune excuse. Ensuite on perd de peu sur la fin de match à Pau, on y est allé incomplet, sans Micah Downs et ça nous a déséquilibré surtout à cause de son aptitude à prendre beaucoup de rebonds. Et puis contre une vaillante équipe de Hyères-Toulon on a joué vraiment démuni, Micah revenait, Kyle (McAlarney) commençait à avoir sa pubalgie, Antoine était blessé. Ce championnat est dense comme jamais, il n’y aura pas de victimes toute désignées comme ça pu être le cas ces deux dernières années. Le Portel et Hyères-Toulon ne sont absolument pas là pour descendre. On a au moins un ou deux matches que l’on aurait dû gagner, donc maintenant l’objectif est clair, c’est de les récupérer.
Quand on remplace des joueurs, on y laisse des plumes financièrement ou les assurances couvrent tout ?
Tout n’est pas couvert. Il y a le principe des indemnités journalières et si on ne recourt qu’à elles, on ne peut pas prendre Georgi Joseph et Carlos Cabezas. On essaye d’être équilibré dans notre gestion et on avait anticipé ce cas de figure en début de saison et on a pu y faire face.
« On est en train de perdre notre public dans la compréhension du jeu et aussi dans l’envie de venir voir ce qui s’y passe. »
En début d’année, vous avez proposé à l’UCPB (l’union des clubs pros) de créer un statut de joueur assimilé Bosman/Cotonou pour les étrangers extra-communautaires sous condition d’ancienneté dans le championnat de France, ce qui permettrait de fidéliser certains joueurs et de les récompenser de cette fidélité. C’est pour inciter les clubs de Pro A à conserver leurs Américains le plus longtemps possible pour améliorer la lisibilité et la visibilité ?
Absolument ! J’avais réfléchi sur le sujet et je m’étais aperçu que plus de la moitié des clubs était dans le même cas que nous, c’est à dire qu’ils avaient un joueur américain emblématique qui était là depuis plusieurs années que les gens adorent, qui parle français et qui donne de la visibilité. Des joueurs d’équipe et de maillot. C’était pour essayer aussi de travailler durablement plutôt que de faire de l’éternel recommencement avec des gens qui viennent une année comme mercenaires dans un club avant d’aller dans un autre. Ce n’était pas une proposition faite sur mesure pour Orléans d’autant que cette année on a signé cinq JFL. Quand j’ai fait cette proposition, j’ai eu le retour de personne. Puis Tony Parker m’a appelé de San Antonio, et il m’a dit « Nicolas, je trouve ça vraiment bien, je vais en parler car je veux que ça aille plus loin. » Lui avait une autre problématique qui pouvait l’intéresser qui était tourné vers l’Europe, ça lui permettait de garder un joueur comme Trent Meacham et de recruter des Américains encore plus forts. Comme ça n’avançait pas, Tony s’est saisi du dossier pour faire une consultation. Pour l’instant, on en est à ma connaissance à une forme de statuquo. J’ai conscience que ces sujets de JFL, de Bosman, des JNFL, c’est complexe avec des juridictions supranationales qui nous échappent. C’était juste des propositions qui puissent correspondent à ce que vivent les clubs et aider au développement de notre sport, qu’il n’y ait pas de partisanisme qui l’emporte mais la volonté d’échanger.
Plus généralement : le basket pro français des clubs souffre d’un certain anonymat. Pour vous où sont les remèdes ?
De rendre notre sport plus spectaculaire. Il y a des éléments qui nous échappent comme la simplification des règles et les fautes antisportives. Mais c’est surtout la capacité d’en faire de vrais événements qui fait que les gens ne viennent pas simplement voir un match de basket lambda mais du spectacle. J’ai vu plusieurs All-Star Game en NBA et on voit que dès lors qu’il il y a du show, des animations, le public répond en masse au-delà des simples purs connaisseurs de basket. On est un sport vivant et on ne ressort pas de la soirée avec un 0-0, on est aussi un sport d’intérieur et c’est un atout, un sport où il se passe toujours quelque chose. Je jette la pierre à personne mais si on arrivait à développer sa visibilité, à le rendre plus simple et plus lisible, et si les clubs pros considéraient ça non pas comme un simple match mais le fait de passer une soirée événementielle, avec des ventes de prestations supplémentaires -et certains clubs commencent à s’y mettre- tout ça aiderait à sortir de cet anonymat. Mais sommes nous prêts à être un peu entrepreneurial et libéral là-dessus ? Je ne suis pas convaincu que tout le monde le soit.
A propos des fautes antisportives qui nuisent au spectacle et aussi à la justice sportive, on remarque que l’Euroleague a modifié la règle avec une plus grande sévérité. Ça implique le fait que l’on a désormais des règlements différents suivant que l’on soit en NBA, en Euroleague et en Pro A/équipes nationales. Le technicien que vous êtes doit considérer ça comme une hérésie ?
C’est une hérésie ! Il y a ce débat FIBA/Euroleague qui se traduit par la scission au niveau des coupes d’Europe et nécessairement par des règlements différents. On voit arriver des Américains qui n’ont pas encore évolué ailleurs avoir beaucoup de mal à s’acclimater aux marchés, aux contacts, aux antennes, et qui sont capables de demander un temps-mort sur le terrain car ils ont été habitués à ça toute leur vie aux Etats-Unis. Comme tous les clubs je pense, on a fait venir en début d’année un arbitre Pro A pour expliquer les règles, échanger les cultures, etc, mais ce n’est pas suffisant. La FIBA est sensé être l’organisme délégataire de la mise en place de ce sport sur la planète et maintenant elle est dépassée dans la mise en place des actions business par deux instances, l’une outre-Atlantique et l’autre sur le territoire européen. La conséquence c’est que l’on est en train de perdre notre public dans la compréhension du jeu et aussi dans l’envie de venir voir ce qui s’y passe. C’est un sport magnifique et il y a aussi de belles personnes dans ce milieu mais vont elles pouvoir impulser et engager les choses ? On verra si les différents systèmes mis en place accepteront ou non que ces gens là puissent proposer des choses et les concrétiser. C’est à partir de ce moment là que l’on pourra savoir si l’on doit être optimiste ou pas.