ECA vient d’annoncer une nouvelle formule pour l’EuroCup, avec seize équipes licenciées pour trois ans et quatre places ouvertes seulement par saison. Une nouvelle compétition presque fermée. Pourquoi ? Et si c’était tout simplement parce que le patron d’ECA cherche de nouveaux soutiens ?
Résumons.
L’union des ligues professionnelles européennes de basket (ULEB) rejette le projet et l’action de l’Euroleague. Alain Béral, président de la ligue professionnelle de basket français s’est souvent exprimé sur les méfaits de la politique d’ECA sur les ligues nationales, sa volonté de les vampiriser.
L’ULEB a d’ailleurs rejoint la fédération internationale (FIBA) dans son action en justice auprès de la commission européenne en décembre dernier.
Les fédérations nationales se plaignent également de l’attitude et de la politique de l’Euroleague, pour tout un tas de raisons qu’a détaillées par exemple Jean-Pierre Suitat au cours de cet entretien. Andrei Kirilenko pour la Russie ou Jorge Gabarjosa pour l’Espagne sont globalement sur les mêmes positions. Le dossier le plus visible étant que les clubs d’Euroleague ne libèrent pas les joueurs pour l’équipe nationale, alors que le calendrier mise en place par ECA est volontairement conflictuel.
Même certains coaches officiant en Euroleague (Oded Kattash du Pana ou Ergin Ataman d’Efes) plaident actuellement pour que les joueurs de la C1 puissent rejoindre leur équipe nationale, au moins pour une fenêtre par an, position qui est également celle exprimée récemment par Andrei Vatutin, le président du CSKA Moscou.
Aujourd’hui, la presse grecque nous apprend qu’en fin de semaine dernière s’est tenue à Athènes une réunion secrète de sept clubs d’Euroleague sur les onze possédant une licence A (pour dix ans) qui s’est conclue par une lettre de défiance adressée à Jordi Bertomeu, le patron d’ECA. Ces onze clubs sont les actionnaires de la structure, donc si cette majorité existe, Bertomeu est en danger. Une première.
On ne connait pas encore les motivations exactes des sept rebelles. Mais il semblerait que le nerf de la guerre soit financier. La Gazetta explique ainsi que les équipes se plaignent du peu de revenus. Récemment sont sortis les chiffres des revenus liés à la saison régulière. L’ASVEL, par exemple, pour 34 matches n’a touché que 150 000 euros. Une misère. En comparaison, Strasbourg qualifié pour le Final 8 de la Basketball Champions League en seulement 12 matches, s’est déjà assuré un revenu de 100 000 euros. La SIG atteindra les 150 000 euros si elle passe un tour de plus. Et tout ça sans les frais importants liés au cahier des charges de l’Euroleague.
Face à des clubs qui perdent des dizaines de millions d’euros chaque saison, ces revenus sont ridicules et la politique menée de 2000 par Bertomeu ne fonctionne pas. Pire, l’accélération ces dernières années de la fermeture de l’Euroleague, et d’un nombre de matches toujours plus important, ne payent pas. Et font des mécontents partout sur le continent.
De nombreux économistes du sport, comme par exemple Pierre Rondeau, ont déjà expliqué par le passé pourquoi, au niveau économique, ce projet n’a aucun sens. Une ligue fermée sportive n’en a que si elle est la meilleure au monde dans sa discipline. Or avec la NBA, l’Euroleague caresse une chimère. Aucun avantage à ce modèle, tous les inconvénients.
La fuite en avant avec l’EuroCup
Comment dans ce contexte comprendre la dernière décision, d’appliquer à l’EuroCup les recettes qui n’ont pas fonctionné en Euroleague ? L’EuroCup passe certes de 24 à 20 clubs, mais 16 d’entre eux seront désormais dotés d’une licence de trois ans. Bertomeu ferme ainsi presque totalement le haut niveau européen, cassant le modèle européen du sport où le mérite sur le terrain permet d’accéder au-dessus.
Certes aujourd’hui les clubs vont se bousculer au portillon. Evidemment, tout club européen qui n’appartient pas au Top 16 serait ravi de pouvoir compter sur la garantie de trois ans garantis. Et la BCL alors ? Qui propose aussi des contrats de trois ans ? Sauf que la BCL lie cet engagement avec la nécessité de se qualifier sportivement grâce à de bons résultats dans sa ligue nationale. Ligues nationales qui sont actionnaires de la BCL. Non pas les clubs comme avec ECA.
Une fois la porte de l’EuroCup 2021-22 refermée, le bal des mécontents sera ouvert. La déception de ceux qui n’ont pas pu rentrer, la déception des ligues nationales dont le classement ne voudra plus rien dire à l’échelon européen, les équipes nationales qui peuvent dire au revoir aux joueurs de ces clubs…
En agissant ainsi, Bertomeu obtient en retour la loyauté et le soutien de vingt nouveaux clubs qui comptent sur la scène européenne. Il élargit ainsi la base de ses soutiens, friable actuellement. Est-ce que cela sera suffisant pour rester en place ?
Ce qui est certain en revanche, c’est qu’en agissant ainsi, il crée aussi encore plus de division dans le basket européen. Le fossé entre un écosystème respectueux de tous les acteurs de la discipline (ligues nationales, fédérations et l’immense majorité des clubs pros) et une entreprise privée qui agit pour le bien de quelques-uns, au détriment de tous, va se creuser encore.
Photo: Alen Omic (Bourg, Eurocupbasketball)