Philippe Legname a plusieurs facettes. C’est le Directeur Général du Hyères-Toulon Basket, un club de Pro A, et aussi le président de la Ligue Féminine (LFB), tout en étant le père de Laurent, le coach de la JDA Dijon. Sachez aussi qu’il est membre du Comité Directeur de la FFBB et de la LNB. De multiples raisons pour que Basket Europe l’interroge. Voici la deuxième partie de l’interview.
« C’est bien pour l’équipe nationale d’avoir un championnat plus serré, plus fort avec des matches au couteau »
La réduction de l’élite et son assainissement
Un parallèle peut être fait entre les deux championnats dans lesquels vous êtes impliqués. En Pro A, on dénombre 18 clubs, un record en Europe avec l’Espagne, alors que vous réduisez le nombre en ligue féminine de 14 à 12 ?
Ce n’est pas le même modèle économique. C’est impossible d’avoir 18 clubs en filles dans une ligue. Pour citer l’exemple des déplacements : un club de Pro A se déplace la veille avec un bus de 50 places avec hôtel le soir et le lendemain alors qu’en ligue féminine, c’est souvent départ le matin dans deux mini bus et retour dans la nuit (NDLR : il est ainsi arrivé à Valéry Demory, coach de Lattes-Montpellier champion de France, de conduire le mini bus de son équipe). On a voulu resserrer l’élite car le calendrier des filles était démentiel. Celles de Bourges ont fait l’année dernière plus de 70 matches entre le championnat, la Coupe de France, la Coupe d’Europe, l’équipe de France. Il y a maintenant des « fenêtres internationales » en novembre et février, ce qui raccourcit le calendrier. Cela implique des rythmes de matches tous les deux ou trois jours. Il faut penser à l’intégrité physique des joueuses de l’équipe de France et de la Ligue Féminine. Cela va permettre aussi au championnat de gagner en qualité et c’est bien pour l’équipe nationale d’avoir un championnat plus serré, plus fort avec des matches au couteau qui peuvent permettre aux joueuses de progresser.
En féminines, c’est marquant : il y a les internationales qui font souvent l’Euroleague, qui jouent un nombre considérable de matches dans une saison et des joueuses du banc d’une équipe de seconde moitié de classement qui n’ont pas beaucoup de minutes à se mettre sous la dent ?
C’est vrai et c’est pourquoi on a mis au point une formule de playoffs à huit et une autre de playdown pour permettre à chacun d’avoir plus de matches. La finale est en trois manches gagnantes et ça peut donc aller jusqu’en cinq matches (voir ici). A l’initiative de la ligue féminine et du président de la fédération, on va faire un séminaire sur la ligue féminine où l’on invitera tous les présidents de club afin de définir la politique pour les quatre prochaines années. C’est à dire formule de championnat, formation, etc.
Qu’en est-il aujourd’hui des finances des clubs ? Il y a peu plusieurs ont disparu de la circulation alors que Lyon Basket a eu chaud aux fesses. Vous avez créé un fonds de réserve pour les clubs de LFB et de Ligue 2.
Deux choses. Il y a d’abord eu la mise en place d’un contrôle de gestion qui a fait un excellent travail. On a perdu effectivement plusieurs clubs, Challes, Perpignan, pour raisons financières. A la suite de ces liquidations, on a décidé de créer un fonds de réserve qui oblige les clubs, en quatre ans, à mettre 10% de leur budget de côté, ce qui permet en cas de coup dur, de problème de subvention, de pouvoir faire face immédiatement. Bien souvent la liquidation judiciaire était prononcée car les clubs étaient coincées au niveau trésorerie. Aujourd’hui pas un club est déficitaire et ils ont ce fonds de réserve. Il faut savoir que la Ligue Féminine 2 était pratiquement en cessation de paiement il y a cinq ou six ans. Sur les 14 clubs, 8 ou 9 étaient financièrement dans le rouge. Aujourd’hui aucun n’est en déficit. Il y a eu un très bon travail de la part du contrôle de gestion et de la fédération.
Ce sont les recettes des clubs qui ont augmenté où y a t’il eu un frein dans les salaires ?
Les deux. Tous les clubs ont augmenté leurs budgets que ce soit au niveau des partenariats et de la billeterie et en plus une sagesse s’est établie au niveau des salaires. Lorsque j’ai pris la Ligue Féminine il y a quatre ans, mon discours a été de dire aux présidents de Ligue Féminine 2 que le seul moyen de maîtriser leurs budgets c’est la masse salariale. Les frais fixes, les déplacements, vous ne pouvez pas les bouger. Aujourd’hui l’ensemble des clubs ne dépensent pas plus que ce qu’ils ont.
« On va avoir au minimum 12 matches de championnat retransmis dont 4-5 en clair sur Numéro 23 plus les playoffs, ça fera une vingtaine de matches »
Affluences et médiatisation
L’équipe de France a depuis 2009 des résultats exceptionnels et contrairement à la Pro A, la majorité des joueuses sont dans la LFB. Ça booste les affluences ?
Le fait que ces joueuses soient sur le territoire prouve déjà que le championnat est de bon niveau. Sur le plan de la densité, de la valeur des douze équipes, la LFB est la meilleure d’Europe. On a toujours une ou deux internationales à l’étranger (Ndlr : quatre cette année vis à vis du roster des JO de Rio avec Héléna Ciak, Sandrine Gruda, Endy Miyem et Isabelle Yacoubou) mais c’est très important d’en avoir dans notre championnat. Aussi, nous n’avons pas en filles la NBA qui joue pendant la saison, la WNBA c’est durant l’été. Sur le plan des affluences, on note une progression partout avec Bourges et ses 3 500 spectateurs en numéro un. Sa nouvelle salle a permis à Charleville de doubler ses spectateurs. Angers a un public important, Mondeville et Villeneuve d’Ascq font pratiquement le plein à chaque fois. Basket Landes fait toujours entre 2 500/2 600 spectateurs. Il y a vraiment une évolution importante et gratifiante au niveau des clubs féminins.
Le contrat avec SFR va permettre la diffusion d’un nombre de matches record de Ligue Féminine sur SFR Sport 2 et Numéro 23 en clair ?
On va avoir au minimum 12 matches de championnat retransmis dont 4-5 en clair sur Numéro 23 plus les playoffs, ça fera une vingtaine de matches. Il faut savoir aussi que l’ont fait des matches en direct sur lfbtv, 15 à 18 par an, et pas mal de gens regardent. C’est vrai que cette exposition permet de développer la ligue féminine.
Ces matches sur lfbtv constituent un investissement, il faut des moyens de production important ?
Oui. Nous avons créé à la fédération une ligne budgétaire sur le plan de la féminisation qui permet d’aider les clubs quand il y a des retransmissions.
On constate actuellement un désir de féminiser le sport. Vous le constatez au niveau de la LFB ?
C’est déjà une demande des politiques de développer le sport féminin. A la fédération, 38% de nos licenciés sont des féminines et on est à ce niveau là le premier sport collectif en France. Il y a une vraie volonté de développer le basket féminin et d’avoir une ligue féminine très forte. Il faut faire remarquer que dans notre ligue 65% des joueuses sont françaises. En LNB, c’est l’inverse c’est 65% d’étrangers.
Même si au fur et à mesure des années l’anglais est devenu en LFB la langue principale ?
Je le regrette mais c’est inéluctable. C’est vrai que je préfère entendre parler français sur le banc.
A ce propos, et c’est davantage au membre du Comité Directeur de la fédération que je m’adresse : ça ne vous choque pas que les arbitres parlent en anglais aux joueurs dans le championnat de France ?
Si… Mais le problème c’est que si un arbitre donne une information à un joueur étranger en français, il ne va pas comprendre. Le débat c’est de savoir si l’arbitre doit donner une information ou pas.
Mais doit-on nommer comme capitaine un joueur qui ne parle pas français ?
Ça dépend du joueur, de sa personnalité… Des joueurs américains ont un charisme, une présence tels qu’ils sont nommés capitaines.
Les joueuses sont très proches de leurs supporters, il existe un côté familial plus forts que du côté des garçons. La barrière de la langue n’est-elle pas chez les garçons un frein à cette proximité ?
Chez les filles existe une certaine stabilité, les mêmes joueuses restent plusieurs années dans le même club, ce qui créé un lien avec les spectateurs et le tissu local. En garçons, on change de joueurs pratiquement chaque année ce qui fait que les spectateurs n’ont plus avec eux de relations durables. Ils ne se côtoient que sur huit mois.
C’est inéluctable ?
Je le regrette mais je ne vois pas comment on peut revenir en arrière. Prenez le cas de mon club. Si je le pouvais tous les joueurs français que j’ai actuellement, je les garderais chez moi pendant cinq ans. Mais je sais très bien que tous vont partir l’année prochaine car ils vont évoluer, progresser, aller à un niveau où je ne pourrai plus leur assurer un contrat correspondant. Ils vont partir dans un club plus huppé. Limoges a essayé de le faire avec Fréjus Zerbo, Ousmane Camara et Nobel Boungou-colo et ils ont fait signer à Mathieu Wojciechowski un contrat de cinq ans. Mais vous voyez la difficulté, ils n’ont déjà pas pu garder Boungou-colo.
« C’est le président de la fédération, Jean-Pierre Siutat, qui désigne le président de la Ligue Féminine »
Candidat à sa succession
Comment se réparti au quotidien votre travail à la Ligue Féminine avec la directrice générale Irène Ottenhof ?
Elle fait un très bon travail, déjà de part sa formation car elle est professeure de sport, elle a été basketteuse et entraîneur. Elle a le côté technique, éducatif et administratif. On a derrière une équipe de cinq personnes à la ligue féminine très compétente. Mes relations avec la directrice sont très simples, elle s’occupe de l’opérationnel et moi de l’aspect politique. On parle tous les deux de toutes les décisions prises au Bureau Fédéral et au Comité Directeur et c’est appliqué immédiatement sur le terrain.
Etes vous impliqué au niveau européen ?
Je ne suis pas dans les instances européennes mais lorsque je me déplace à l’occasion des matches de Coupe d’Europe, j’essaye de prendre contact avec les dirigeants des équipes adverses. J’essaye aussi de me déplacer aux Final Four européen afin d’assister au colloque qui a lieu à cette occasion afin de voir les évolutions du basket féminin en Europe.
La présidence de la Ligue Féminine est réattribuée après chaque élection fédérale. Celle-ci s’est tenue le week-end dernier. Alors êtes-vous candidat à votre propre succession ?
C’est le président, Jean-Pierre Siutat, qui désigne le président de la Ligue Féminine et il est ensuite proposé au Comité Directeur qui valide. Ça se fera les 4-5 novembre. Je saurai si je suis reconduit dans mes fonctions.
Vous le souhaitez ?
Je suis candidat et je m’en suis ouvert auprès du président. Il sait que je souhaite conserver cette présidence de la ligue féminine, celle du haut niveau et de membre du Comité Directeur de la LNB. C’est lui qui décide et je ferai ce qu’il me demande de faire.
Photo : FFBB/BELLENGER/IS