Son nom est rattaché pour des décennies, peut-être des siècles à la passe décisive. Pierre Bressant apparaît dix fois dans le Top 12 du plus grand nombre de passes décisives sur un match en Pro A/Jeep Elite. Avec un record à 28. Tous ces exploits ont été réalisés entre le 12 mars 1988 et le 23 mars 1989, soit exactement en un an, alors qu’il portait le maillot du Racing Paris avec notamment Hervé Dubuisson comme équipier.
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L’histoire de cet Américain aux origines martiniquaises, âgé aujourd’hui de 58 ans, nous l’avions raconté ici. Un meneur de jeu de 1,79m qui a fréquenté à Arizona State plusieurs futures stars de la NBA, dont Alton Lister, Byron Scott, Lafayette Lever et Sam Williams. C’est en France que Pierre Bressant s’est fixé définitivement, devenant l’un des rares internationaux d’origine américaine, avant d’embrasser la carrière de coach. Lyon est désormais SA ville et le Franco-Américain est passé de l’ASVEL aux filles de Lyon et inversement. Il est aujourd’hui l’adjoint de TJ Parker.
Vous demande-t-on souvent d’évoquer vos records de passes décisives ?
Bien sûr. Même en tant que coach quand j’arrive ici à l’Asvel. Ils comprennent que le jeu était différent à l’époque. Les joueurs de maintenant, c’est marquer des paniers et donc shooter, shooter. Ils ne pensent pas à la passe.
Quand un joueur approche de votre record, avez-vous peur qu’il vous efface des tablettes ?
Pas du tout. Quand on bat un record, on sait qu’un jour quelqu’un le battra à son tour. Bon, pour l’instant personne ne l’a dépassé. Comme il est haut placé, ça va peut-être être difficile de le battre surtout avec les mentalités qui ont changé.
C’est plus difficile aujourd’hui de faire beaucoup de passes décisives car les défenses sont plus durs et il y a moins de points marqués ?
Tout à fait. Les shooteurs sont aussi moins brillants. Et puis, moi, je contrôlais le ballon, je l’avais pratiquement 90% du temps. Les gars bougeaient et je fais une passe. Il n’y avait qu’une passe, la mienne. Maintenant, il y a plus de passes entre joueurs avant de faire la passe décisive.
Quel joueur étiez-vous ? Un meneur extrêmement collectif, qui shootait peu, qui jouait pour les autres ?
Je sortais d’une université où j’étais avec sept mecs qui ont ensuite joué en NBA. Mon boulot à la base, c’était de défendre et de donner la balle aux autres. Quand je suis arrivé en France, c’était facile pour moi de monter le ballon vite -on jouait vraiment vite- et ensuite les autres faisaient les systèmes pour recevoir le ballon.
A partir de quand avez-vous décidé de faire votre vie en France ?
Ça a été un hasard. Je suis ingénieur des Ponts et Chaussées, j’avais eu mon diplôme à Arizona State et à la fin de mon cursus un agent m’a appelé pour savoir si j’étais intéressé de venir en France. J’ai dit pourquoi pas mais j’avais déjà un contrat avec Exxon au Texas et je leur ait fait part de cette possibilité. Ils m’ont dit que c’était génial car ils aimaient bien que les gars partent pour une année et qu’ils reviennent ensuite. Seulement moi je ne suis jamais revenu aux Etats-Unis (sourire).
Vous avez été l’un des premiers Américains à porter le maillot de l’équipe de France (16 sélections de décembre 1986 à juin 1987). C’était important pour vous ?
Évidemment. C’est porter le maillot de ton pays. Et c’est aussi montrer que tu fais partie des meilleurs joueurs de ton pays. Et quand tu as cet honneur-là, tu le fais au maximum et le plus longtemps possible. J’ai fait un championnat d’Europe en Grèce (en 1987) et en plus j’ai vu des matchs fantastiques avec la victoire de la Grèce dans une ambiance de folie, quelque chose que je n’aurai pas vécu autrement.
Une image aussi est restée dans les annales : lorsque vous défendez contre Drazen Petrovic au Tournoi de Noël à Paris ?
Tout à fait. Comme Français, j’ai eu le droit de défendre contre l’un des mecs les plus forts de l’époque, l’empêcher de faire ce qu’il savait faire. Et le seul moyen pour moi c’était d’être collé contre lui. C’est une photo culte pour moi car les gens me disent : mais tu as joué contre lui ? Oui, en plus on a gagné le match alors que dans l’équipe yougoslave (NDLR: 111-105), il y avait untel, untel, untel.
« Puisque moi j’étais là à 4h, c’était normal de faire un entraînement à 7 ! Mon père était colonel dans l’armée et chez moi l’heure c’est l’heure »
Vous avez été entraîneur de Bron pendant neuf ans. C’était à temps complet ?
Oui, j’avais trouvé un boulot à la mairie. J’étais gardien d’une salle de gym. Je m’occupais des séniors, des mini-poussins, de tout le monde. J’habite aujourd’hui à cinquante mètres de cette salle. Je me dis chaque jour en passant devant que j’ai commencé ma carrière de coach ici en nettoyant cette salle. Karim Benzema a habité à dix mètres de cette salle. Ils m’avaient dit que je pouvais nettoyer la salle à l’heure que je voulais. A l’époque, j’habitais plus loin. Je leur ai demandé si je pouvais venir à 4h du matin, ils m’ont dit OK. Je nettoyais la salle et ensuite je pouvais consacrer toute ma journée au basket, tranquille.
Vous avez été une première fois assistant à l’Asvel de 2003 à 2008 ?
La rue dans laquelle j’habite mène directement à l’Astroballe. A l’Asvel, ils m’ont dit, « tu fais du bon boulot, tu as des résultats, on te propose de travailler avec le centre de formation ». Avec Occade, j’ai donné des cours pour former des coachs. La première année où j’étais là, pour finir la saison, on a pris l’équipe avec Olivier Veyrat. On était tous les deux coachs. Ensuite, je suis devenu assistant de Philippe Hervé, de Claude Bergeaud et d’Yves Baratet. On a gagné la Coupe de France en 2008. Avec Yves, on nous a proposé trois ou quatre ans de contrat mais il en avait marre du haut niveau et il est retourné dans sa région et moi je suis parti chez les filles.
Vous avez aussi créé une société Mondial Produits. En quoi cela consiste-t-il ?
J’ai créé ça avec Lee Johnson, l’ancien joueur du Maccabi Tel-Aviv qui a joué avec moi à Paris. Il vendait des barbecues ribs, des travers de porc, que l’on vend aux Harvard Café dans toute l’Europe. Il a fait ça avec sa première femme, il a divorcé, avec sa deuxième, il a divorcé, et ensuite il a fait affaire avec moi. Je fais toute la comptabilité.
Et puis vous avez pris en main l’Union Lyon Basket Féminin, qui était en Nationale 2 ? Le basket féminin c’était complètement neuf pour vous ?
Une fois encore l’histoire retourne à Bron puisque le general manager, Olivier Ribotta, est un ancien joueur que j’ai eu là-bas. J’avais déjà coaché des filles à Bron.
L’une de vos premières mesures a été de faire passer le nombre d’entraînements de trois à cinq et de faire des entraînements à sept heures du matin ?
(Rires) Puisque moi j’étais là à 4h, c’était normal de faire un entraînement à 7 ! Mon père était colonel dans l’armée et chez moi l’heure c’est l’heure. C’était quand j’estimais que les gens ne respectaient pas le boulot alors qu’on a la chance de faire un métier fabuleux. Ce n’était pas toute l’année à 7h du matin, juste parfois.
Vous avez déclaré à 20 minutes : « J’ai été surpris de la vitesse à laquelle mes joueuses emmagasinaient des changements tactiques. Il ne m’a fallu que deux mois pour passer avec elles d’un marquage individuel à un système collectif. Il m’en aurait fallu sept avec les garçons! »
Comme elles sont moins fortes dans certains domaines, il faut qu’elles le soient davantage dans d’autres. C’est le cas dans leur capacité d’apprendre et de répéter. Les filles ont aussi une mémoire incroyable. Elles se souviennent que tu leur as dit telle chose il y a trois mois, un mardi à 6h du matin. Il faut être plus droit avec les femmes qui ont une mémoire d’enfer car elles se rappellent toujours ce que tu leur as dit, les bonnes comme les mauvaises choses. Il faut vraiment faire gaffe à ce que tu leur dis… comme dans la vie en général.
Vous avez été entraîneur de l’équipe nationale féminine de l’Algérie. Vous vous êtes occupé des séniors, des U17 et des U19 ?
Le président de Lyon Basket Féminin (Sernin Marichal) travaillait là-bas et avait toujours dit qu’il amènerait un jour un entraîneur. On a fait les qualifications pour le championnat d’Afrique des Nations. L’Algérie ne s’était jamais qualifiée. On a fait deux matches contre la Tunisie chez elles ! Le président me dit « on est bien payé pour ça ». Je lui réponds, « tu ne veux pas qu’on soit qualifié ? Moi, je n’aime pas perdre. » Il a tout fait pour qu’on se qualifie pas. On gagne le premier match le samedi de 11 points, le dimanche je fais l’entraînement comme il faut, et le lundi on gagne de 15 points et on était qualifié. C’était une expérience fantastique pour moi car ces femmes n’avaient jamais été traitées comme ça.
Vous êtes revenu à Lyon Basket féminin, comme assistant et comme coach. Dans quelle circonstance ? C’était au départ pour vous occuper des U20 et des U13 ?
Je n’ai jamais quitté Lyon. Je faisais des aller-retours en Algérie quand j’avais des stages et des tournois. Avec Lyon, je me suis même occupé des U9.
« Avant quand on partait en déplacement, on jouait aux cartes, on faisait des choses ensemble. Maintenant ce sont douze individus au même endroit »
Et puis, là, suite à la mise à l’écart de JD Jackson. Vous êtes revenu à la case départ de l’Asvel. Ce sont donc des aller-retours entre le basket masculin et le basket féminin ?
Oui et aujourd’hui, c’est la même maison, la même famille, les mêmes bureaux. L’Asvel filles fait même maintenant des matchs à l’Astroballe. Ce que j’ai fait avec les filles l’année dernière, je ne l’oublierais jamais (NDLR : avec Pierre Bressant comme coach, les Lionnes ont assuré leur maintien en Ligue Féminine grâce à une victoire sur Angers). C’est ça qui est important : l’aspect humain. Et quand on a envie de faire quelque chose ensemble, on peut bouger les montagnes. Parfois tu n’as pas envie de travailler pour 100 euros mais pour ton pote, ton ami, ton coach, qui te motivent.
N’est-ce pas difficile de passer de coach à assistant ?
Pas du tout. Comme j’ai gagné des titres comme head coach, je sais maintenant ce que c’est. On me dit, comment fais-tu pour coacher des U9 ? Mais ces gamins-là, ils deviendront un jour adultes peut-être de grands joueurs mais pour ça, ils ont besoin d’avoir un coach, de savoir franchir les haies, de réussir les choses. Moi, je sais faire. Si les gens ont envie de venir dans la salle, s’ils ont envie d’apprendre quelque chose, s’ils disent « on va au basket ! on va au basket ! on va avec Pierre ! », moi je suis content.
Vous connaissiez TJ Parker et son frère Tony avant de revenir à l’Asvel ?
A distance. Pas plus que ça. Après c’est une question de feeling. Ils me donnent une tâche, je la fait, on gagne, tout le monde est content.
Quelle est la durée de votre contrat avec l’Asvel ?
Jusqu’à la fin de l’année. Ce qu’il faut noter c’est que j’ai deux de mes anciens joueurs qui sont devenus généraux managers et qui m’ont ensuite embauché : Olivier Ribotta donc et aussi Yoann Sangaré qui était dans l’équipe quand on a gagné la coupe de France. C’était sa première année quand il est revenu d’Espagne.
L’Asvel est décevante cette saison étant donné les individualités qui la compose. Quel est votre regard à ce sujet ?
J’essaye justement de changer les choses à l’intérieur par rapport aux joueurs. Je leur explique la chance qu’ils ont et ils ne comprennent pas toujours les devoirs qu’ils ont, le respect du club à avoir, être là à l’heure, avant l’heure, travailler. Et je ne les blâme pas car ils étaient habitués à ça.
Vous voulez dire qu’ils étaient un peu trop gâtés ?
Complètement. Ils se sont retrouvés d’un coup avec beaucoup d’argent, de la facilité, et on ne leur demandait jamais rien. Ils faisaient le minimum car ils n’étaient pas habitués à faire le maximum (…) Ce sont aussi des attaquants nés pour qui la défense n’est pas le leitmotiv. A tous les matches, on prend 80 points (NDLR : avec 78,6 points, l’ASVEL a la neuvième défense de Jeep Elite). Les jours où tu es adroit, ça va, ça passe mais les autres fois, non. Et même parfois quand tu es adroit, ça ne passe pas.
Contre Le Mans, vous étiez très adroit (61,4%) mais ça ne donnait pas pour autant une impression de punch ?
Tout à fait. Quand tu regardes Strasbourg et surtout Monaco, tu sens la pression défensive qu’ils mettent. Tu te rends compte que c’est ça qui génère l’attaque. Dans le basket, si tu ne défends pas, tu vas t’en sortir de temps en temps. Et si tu défends, tu peux t’en sortir plus souvent et c’est ce que fait Monaco. Et pour ça, il faut toucher les gens, les impacter. Ce que l’on essaye de faire, c’est changer cette mentalité. Mais je le répète, je ne les blâme pas car ils ont tellement pris l’habitude de ne pas le faire. L’autre problème que l’on a, c’est qu’ils ne communiquent pas entre eux. Avant quand on partait en déplacement, on jouait aux cartes, on faisait des choses ensemble. Maintenant ce sont douze individus au même endroit.
Avec chacun un casque pour écouter leur musique ?
Voilà. Ou regarder une série à la télé, mais ils ne sont jamais ensemble. Et après tu leur demandes de jouer ensemble. « Quoi ? Il faut que je joue avec lui ? Mais je ne le connais pas ! » Ils ne se parlent pas parce qu’ils ne se connaissent pas. A nous d’arriver à leur faire poser les casques et à communiquer, ce qui est contre leur nature (…) J’ai eu la chance d’avoir de bons entraîneurs qui m’ont permis d’avancer. J’ai envie que les gens réussissent, ça passe par beaucoup de travail mais ça en vaut la peine. Le problème, c’est que les gens aujourd’hui veulent avoir la réussite sans travailler. Il faut qu’on arrive à leur faire comprendre que c’est bien de vouloir réussir mais il faut faire les efforts qui vont avec.
Quels sont les coachs qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?
Jean-Michel Sénégal était fantastique et aussi Bill Sweek que j’ai eu à Monaco.
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L’histoire de cet Américain aux origines martiniquaises, âgé aujourd’hui de 58 ans, nous l’avions raconté ici. Un meneur de jeu de 1,79m qui a fréquenté à Arizona State plusieurs futures stars de la NBA, dont Alton Lister, Byron Scott, Lafayette Lever et Sam Williams. C’est en France que Pierre Bressant s’est fixé définitivement, devenant l’un des rares internationaux d’origine américaine, avant d’embrasser la carrière de coach. Lyon est désormais SA ville et le Franco-Américain est passé de l’ASVEL aux filles de Lyon et inversement. Il est aujourd’hui l’adjoint de TJ Parker.
Vous demande-t-on souvent d’évoquer vos records de passes décisives ?
Bien sûr. Même en tant que coach quand j’arrive ici à l’ASVEL. Ils comprennent que le jeu était différent à l’époque. Les joueurs de maintenant, c’est marquer des paniers et donc shooter, shooter. Ils ne pensent pas à la passe.
Quand un joueur approche de votre record, avez-vous peur qu’il vous efface des tablettes ?
Pas du tout. Quand on bat un record, on sait qu’un jour quelqu’un le battra à son tour. Bon, pour l’instant personne ne l’a dépassé. Comme il est haut placé, ça va peut-être être difficile de le battre surtout avec les mentalités qui ont changé.
C’est plus difficile aujourd’hui de faire beaucoup de passes décisives car les défenses sont plus durs et il y a moins de points marqués ?
Tout à fait. Les shooteurs sont aussi moins brillants. Et puis, moi, je contrôlais le ballon, je l’avais pratiquement 90% du temps. Les gars bougeaient et je fais une passe. Il n’y avait qu’une passe, la mienne. Maintenant, il y a plus de passes entre joueurs avant de faire la passe décisive.
Quel joueur étiez-vous ? Un meneur extrêmement collectif, qui shootait peu, qui jouait pour les autres ?
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Photos: ASVEL et Maxi-Basket