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Point de vue – Jeep Elite, la mauvaise tentation de la fermeture

Une saison à trois descentes, des bastions traditionnels en danger et resurgit le débat sur la fermeture possible de la Jeep Elite. Pourquoi est-ce une très mauvaise idée ?

Une saison à trois descentes, des bastions traditionnels en danger et resurgit le débat sur la fermeture possible de la Jeep Elite. Pourquoi est-ce une très mauvaise idée ?

Romuald Coustre, manager général du BCM Gravelines, Laurent Vila coach de Pau-Lacq Orthez ont récemment pris position pour la fermeture de la première division de la ligue nationale de basket. Difficile de séparer cette prise de position de la posture fâcheuse dans laquelle se trouvent leurs clubs respectifs, menacés de relégation sur cette saison de Jeep Elite il est vrai très tendue avec le passage de 18 à 16 clubs. Comment tenter de faire passer un intérêt très particulier – sauver sa tête – pour une décision d’intérêt général ?

Quels sont les arguments principaux de cette revendication : apaiser, rassurer des clubs et leurs partenaires pour construire, se développer. En fait, cet argument ne tient pas la route. Dans le modèle sportif européen, ce mouvement de croissance s’est toujours fait en regardant vers le haut, jamais en s’asseyant confortablement sur un plancher bien solide.

Deux exemples. Le club de la JL Bourg connait ces dernières années un des développements économiques et sportifs les plus spectaculaires de la Jeep Elite. Et pourtant, après l’entrée en 2014 dans Ekinox, la nouvelle salle, la descente en Pro B à l’été 2015 n’a finalement pas contrarié un projet par ailleurs particulièrement structuré et solide. Au contraire même d’après les acteurs du club.

A l’inverse, dans l’histoire moderne du basket français, il existe un exemple d’engagement garanti pour des clubs, indépendamment des résultats sportifs. A l’échelle européenne certes, mais la comparaison est intéressante. Entre 2003 et 2006, les clubs de Pau-Orthez et de l’ASVEL ont obtenu un ticket de trois saisons garanties en Euroleague. Le bilan de cette sécurité ? Développement et croissance ? Non, tout l’inverse. Baisse de standing, résultats historiquement bas. 11e place au championnat en 2004, cinq saisons sans finale pour l’ASVEL entre 2003 et 2008. Dégringolade et relégation en Pro B en 2009 pour l’Elan béarnais. Espérons que le même destin n’attende pas l’ASVEL, qui dispose depuis cette saison de deux ans garantis en Euroleague et qui vient de lâcher la première place du championnat à Dijon et Monaco.

Ce qui créé le développement dans le sport européen, c’est l’envie d’aller jouer plus haut, les rivalités au sommet. La compétition. L’essence du sport.

De plus, fermer la division d’élite entrainerait des conséquences catastrophiques pour tous les étages inférieurs. Mort clinique de tous les clubs de Pro B, des ambitions de tous les clubs semi-professionnels. Le système actuel n’est pas parfait mais il permet un dynamisme et des ambitions saines, sans même parler des histoires fantastiques à la Nanterre. Et quid de la formation ? Sans Pro B, pas de parcours à la Evan Fournier, Adrien Moerman, Edwin Jackson et bien d’autres.

Pourquoi alors la NBA s’est autant développée en étant une ligue fermée ? La question est-elle pertinente ? Est-ce que ce développement est uniquement lié à cette caractéristique de fermeture ? La culture et l’économie du sport américain sont complètement différents. Et la formation repose sur le système totalement hypocrite du sport universitaire. La NCAA génère des revenus dignes d’une ligue pro sans reverser le moindre centime aux acteurs. Combien de temps ce système va durer d’ailleurs ? L’augmentation des salaires en G-League laisse entrevoir que la NBA a saisi cette évolution et qu’une deuxième division sera bientôt indispensable. Au final, la NBA a pris une place de leader incontestable sur le marché dans les années 80 surtout grâce au travail et à la vision de David Stern, allié au talent des superstars sur le parquet.

Et comme l’explique Pierre Rondeau, économiste du sport, dans cette interview : « ce n’est pas la ligue fermée qui permet de générer de l’argent, c’est la situation de monopole. La NBA est richissime parce qu’elle a un monopole symbolique au niveau du basket. C’est LA ligue de basket dans le monde. » Voilà également pourquoi, selon lui, l’Euroleague, qui ne concurrence jamais la NBA pour cette place de leader mondial du basket, n’a rien à espérer au niveau économique à se couper du reste du basket européen. Si ce n’est se mettre à dos l’ensemble des ligues nationales de basket, comme en atteste le fait que l’ULEB s’est récemment joint à la plainte déposée auprès de la Commission Européenne contre la politique d’ECA, l’entreprise qui gère l’Euroleague et l’EuroCup. Un combat où Alain Béral, le président de la LNB, est en pointe depuis quelques années. Une ligue française de basket dont le développement et la croissance économique sont très intéressants depuis quelques années. Pas besoin de fermeture pour la vitalité.

Finalement, au niveau national comme au niveau européen, les tentatives de cloisonnement n’ont toujours pas démontré de réelle efficacité dans le développement économique (voir les déficits abyssaux des clubs de l’élite européenne) alors que les problèmes et les catastrophes identifiés sont très grands. L’Europe du basket n’est pas la NBA. Et ne le sera jamais. Il est temps de l’assumer et de se retrousser les manches pour faire grandir ce modèle européen au profit de tous et non de s’enferrer dans une idéologie de fermeture qui ne sert que des intérêts particuliers au détriment de tous les autres acteurs du milieu.

Photo: Ekinox, JL Bourg

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