Le fils Luka (2,01 m, 23 ans) officie à la JL Bourg (Jeep Elite). Le père Neno (55 ans) coache à Évreux (Pro B). Le premier a obtenu la nationalité française et son statut de JFL en 2018, le second compte la demander après une quinzaine d’années passées dans l’Hexagone. D’origine serbe et ayant tous deux le passeport autrichien, le duo père-fils Asceric se retrouve cette année en LNB. Fort de leur éthique de travail et de leur confiance mutuelle, le duo se nourrit d’une expérience multiculturelle.
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Dans l’histoire du basket français, il y a des duos intergénérationnels incontournables : les Monclar, les Diaw-Riffiod, les Gobert-Bourgarel, les Lauvergne, les Beugnot, les Jackson, les Fauthoux, les Rupert… Désormais, il y a les Asceric. Si vous ne remarquez aucune consonance française dans leur nom de famille, c’est bien normal. La France n’a pas toujours été au centre de leur vie. Les Asceric ont une histoire particulière, leur histoire.
Tout débute dans les années 1970 dans un petit village assez pauvre de Yougoslavie, Sasinci, entre Novi Sad et Belgrade. Pour s’occuper, le jeune Nedeljko, alias Neno, a deux échappatoires : l’école et le sport. Si sa famille n’a aucune appétence pour le sport, lui joue au football, au tennis de table, au volley, aux échecs… À l’âge de 16 ans, il commence à jouer sérieusement au basket, parfois en extérieur, parfois dans l’une des salles construites après le championnat du monde 1970 en Yougoslavie. Dès lors, l’enthousiaste Serbe ne quittera plus jamais le basket, son premier amour, sauf pendant son service militaire. En 1989, il s’expatrie en Autriche, à Sankt Polten, alors en deuxième division, et découvre le monde semi-professionnel. En l’espace de neuf ans, l’ailier (1,98m) monte en première division, remporte cinq titres de champion d’Autriche, découvre la coupe d’Europe, devient international autrichien et MVP de Bundesliga en 1997… Il passe un palier sportif, donc, mais pas que. Pendant la décennie, Neno devient père. Avec sa femme Sanja, ils ont deux enfants. Une fille, Jovana, née en Serbie en 1992, puis un fils, Luka, né en Autriche en 1997.
Tombés amoureux de la France
La vie de la famille Asceric prend un tournant à l’été 1998. « J’ai eu des propositions en Italie mais j’ai choisi la France parce que je voulais jouer pour le très grand entraineur Boza Maljkovic. C’était quelque chose d’extraordinaire pour moi de le rejoindre au PSG Racing », confie Neno Asceric. Boza, la légende serbe qui a mené le CSP Limoges au titre européen cinq ans auparavant, en 1993, le troisième de ses quatre titres en Euroleague (Split 1989 et 1990, Panathinaïkos en 1996). À Paris, Maljkovic est finalement très vite remercié. Nedeljko découvre tout de même la capitale, sans le coach mythique. Il y reste deux saisons, durant lesquelles il côtoie notamment Laurent Sciarra… et un certain Tony Parker, fraichement sorti de l’INSEP. C’est à cet instant que son fils Luka arbore les parquets pour la première fois.
« J’emmenais Luka à l’entraînement. Il était tout petit, il avait deux ans. Je le mettais sur le banc pendant deux heures, il ne bougeait pas ! Il regardait très attentivement l’entraînement, se souvient Neno Asceric avec passion. Quand Tony Parker et les autres venaient lui taper dans la main, il était très content. C’était la fête pour lui. Dès qu’il rentrait à la maison, il imitait les gestes des joueurs pro, comment ils se présentaient. Et il a fait la même chose au Mans. Il faisait rire tout le monde. » Luka, lui-même, se souvient de ces moments privilégiés : « Il me mettait sur le banc, je devais être calme. C’est là où tout a commencé. »
Hormis une demi-saison à l’Étoile Rouge de Belgrade en 2000, tronquée par une blessure et un changement de régime politique, Neno poursuit sa carrière de joueur en France. Il y met un terme après des passages au Mans (2000-2003), à Hyères-Toulon (2003-2005) et à Vichy (2005-2006). Toute la famille met pied à terre dans l’Hexagone. « J’ai vécu une belle enfance. J’ai vu tous les côtés de la France, explique Luka. Même si ce n’était pas toujours facile d’arriver et de repartir, je le vois d’une manière très positive. J’ai pu découvrir différentes cultures, ça aide dans la façon de penser. Nous parlions le serbe à la maison, le français dans la vie quotidienne. »
« Pour ma femme et moi, le plus important, c’était l’éducation »
Débute ensuite une carrière d’entraîneur pour Neno. D’abord en France, à Bourg-en-Bresse (Pro A, 2006-2007), puis à Saint-Quentin (Pro B, 2007-2008). De 2008 à 2013, Neno poursuit son tour du monde. Mexique, Autriche, Hongrie… Le tout en prenant les rênes de la sélection autrichienne. C’est à cette époque que Luka et sa sœur Jovana repartent vivre en Autriche pour poursuivre leurs études. « Pour ma femme et moi, l’éducation, c’était le plus important. Je voulais que mes enfants finissent leurs études. Ils ont toujours carburé à l’école. Luka était très motivé. Je lui ai toujours dit de finir ses études, puis il a fait son choix tout seul », dévoile Neno. Basketteuse prometteuse à l’adolescence, Jovana décide de ne pas prendre le chemin du ballon orange pour se consacrer à ses études de pharmacie. « Ma fille était très talentueuse mais elle a bien fait de suivre sa voie », acquiesce le père de famille.
Quant à Luka, il intègre le lycée français de Vienne et obtient son bac S, mention très bien, conciliant basket et études, comme son père avant lui. « On ne m’a jamais imposé de faire du basket. Jusqu’au bac, c’était d’abord l’école. Après, c’était à moi de choisir. Ma sœur et moi, on a toujours eu le choix », concède Luka. Il décide d’ailleurs de poursuivre après le bac avec une licence en génie mécanique à Lille, là où son père coache les pros depuis 2014. Entre 2015 et 2017, il oscille entre équipe réserve (NM2), équipe fanion (Pro B) et université. Sur les parquets, il découvre l’exigence du haut niveau, poussé par son père lors de sa première saison. « À Lille, c’était difficile pour lui. J’étais peut-être trop exigeant », concède Neno. Son fils complète : « J’étais jeune. Ça a pu parfois être compliqué. Après un match ou un entraînement, si c’était moyen, il me le disait. Mais je préfère ça. Quand on est exigeant avec soi-même, c’est comme ça que l’on progresse, ça nous pousse plus loin. Sa vision du basket, je la partage. Il donne beaucoup de confiance aux jeunes et adapte son jeu par rapport aux joueurs qu’il a, c’est le plus important. » Lors de sa deuxième saison, son père est évincé, mais le jeune homme affiche une ligne de stats prometteuse (7,2 points, 3,1 rebonds, 2,2 passes, 6,7 d’évaluation en 23,7 minutes de moyenne). Côte à côte, l’un comme l’autre ont appris.
« Le modèle à suivre, sur et en dehors du terrain »
Il faut dire que le duo s’apprécie et partage les mêmes valeurs. « Luka, c’est un très bon garçon. Il est très positif, souriant, très social… Il a toujours de bonnes relations avec tout le monde, il s’est adapté très facilement partout où il a été », analyse le père. « Côté basket, mon père a toujours été exigeant, c’est la mentalité serbe. Il est bosseur et ambitieux. Il est parti d’un petit village pour arriver où il est. Il pense basket, il mange basket, il est totalement dédié à ce sport, parfois même un peu trop. Mais c’est comme ça qu’il est. Pendant mon enfance, j’ai pu voir son éthique, son travail, son hygiène de vie… Tout ce qu’il faut faire pour arriver au haut niveau. Pour moi, c’est le modèle à suivre, sur et en dehors du terrain. C’est une source d’inspiration », juge de son côté le fils.
Un exemple ? Lorsque la famille Asceric passe ses vacances d’été en Serbie, Luka, alors âgé de 16 ans, et son père, approchant la cinquantaine, décident de se tester sur un playground en extérieur, en 3 vs 3. « En Serbie, ça joue fort dans la rue. On s’était dit qu’on allait jouer ensemble. Ce jour-là, nous avons gagné au moins huit matchs d’affilée. Tant qu’on n’en pouvait plus, on jouait, malgré la fatigue. Je me rappelle que même à cet âge-là, il avait cette flamme pour gagner », se remémore Luka Asceric. « Je n’avais pas joué depuis longtemps, poursuit son père. Mais on a gagné ! Je voulais lui montrer qu’il fallait avoir du caractère. Il a gagné de la confiance ce jour-là. »
La base de cette relation de confiance : le dialogue. « Entre lui et moi, c’est vraiment très ouvert, exprime le polyvalent Luka, capable de jouer sur plusieurs postes notamment grâce à la rigueur des fondamentaux inculquée par son père. Je n’ai jamais eu honte ni peur de lui demander quelque chose. Il est toujours de bon conseil. Il m’a inculqué que, par le travail, on peut accomplir beaucoup. Il me dit parfois (NDLR, en serbe dans le texte) : on ne force pas quelqu’un à aller prier s’il ne veut pas aller à l’église. » Plus qu’un duo, la famille Asceric est très soudée. « On est très proches tous les quatre, on a toujours eu du mal à se séparer quand je changeais de club, reprend Neno. Mon épouse m’accompagne depuis 30 ans, c’est le pilier de notre famille. Quand j’étais absent, elle s’est toujours occupé des enfants, elle a fait énormément de sacrifices. » Sur ce point, Luka acquiesce : « Ma sœur et ma mère nous supportent, elles sont toujours là. Le côté instinctif féminin est meilleur pour ces choses-là. C’est ma mère qui tient la famille et fait le travail que personne ne voit. » Aujourd’hui, ils savent apprécier les moments partagés, même éloignés les uns des autres.
« Ce qui manque à Luka, c’est qu’il devienne plus conscient de ses qualités et de son talent »
Pour cause, Luka vole depuis Lille de ses propres ailes. En 2017, il découvre la Pro A à Hyères-Toulon puis s’envole vers la Serbie, seul, au Mega Bemax, club réputé pour faire émerger des talents prometteurs. À l’été 2020, le néo-JFL (il a obtenu le statut en 2018) décide de revenir dans l’Hexagone, que son père n’a jamais quitté après un passage à l’Hermine de Nantes en 2017, et un poste fraîchement obtenu à la tête de l’ALM Évreux en mars dernier. L’arrière aux trois nationalités choisit finalement la JL Bourg. « Il m’a demandé conseil. Malgré d’autres offres, notamment de l’étranger, je l’ai orienté vers Bourg, explique l’ex-entraîneur de la Jeu. Ici, il a des responsabilités, un rôle plus important. » Un autre aspect a pu entrer en jeu dans cette décision. Savo Vucevic, coach d’origine yougoslave. « Le rôle de coach est toujours très important. Sans Boza, je n’aurais jamais signé au PSG en 1998 », se remémore encore Neno Asceric. D’autant que la JL se nourrit d’un effectif à consonance slave. Alen Omic, Danilo Andjusic, Luka Asceric… « Entre nous, on en rigole pas mal ! »
Soit, le père attend de son fils qu’il s’épanouisse totalement dans l’Ain. « Chaque été, il travaille beaucoup individuellement, notamment en Serbie près de Novi Sad. C’est un joueur technique, très talentueux, avec un très grand potentiel. Ce qui lui manque pour l’instant, d’être un peu plus fou sur le terrain. Il faut qu’il devienne plus conscient de ses qualités et de son talent. Il est encore jeune et ça va venir petit à petit avec la maturité ».
Présélectionné en équipe nationale de Serbie
À 23 ans, Luka peut d’ores et déjà se targuer d’avoir été appelé par Igor Kokoskov, sélectionneur de l’équipe nationale serbe, lors des fenêtres internationales de février 2020. S’il n’a pas été conservé dans les douze et n’a pas encore joué en match officiel, il semble avoir apprécié cette expérience : « Je me sens plus proche de la culture serbe, même si je n’y ai pas vécu longtemps et que je suis imprégné par toutes ces cultures. Chaque été, on y passe des vacances. C’est ma langue maternelle, celle de mes parents. » Il n’a pour le moment pas encore choisi sa sélection nationale et dit ignorer le règlement. « Je laisse le futur décider à ma place », ébruite-t-il. Qui sait, peut-être le verra-t-on un jour sous le maillot de l’équipe de France ? Son père affirme « ne rien à devoir lui conseiller » même si « cela devrait se jouer entre la Serbie et la France ». Au sujet de l’Autriche, Luka ajoute : « J’y suis né, j’ai vécu une bonne partie de ma vie là-bas, j’y ai joué mes premiers matchs en pro, j’y ai de très bons souvenirs. »
Quant au cosmopolite et adaptable Neno, son cœur « battra toujours pour la Serbie » mais il se sent « comme à la maison » en France. « Mes enfants ont grandi en France. J’y ai passé 15 ans de ma vie. Je suis très heureux ici ». Raison pour laquelle il souhaite obtenir la nationalité française, avec sa femme. Et pourquoi pas coacher un jour son fils, dans un grand club français ? « J’aimerais bien avoir l’occasion de le coacher au plus haut niveau un jour, peut-être quand il jouera dans un très grand club… Je me suis préparé toute ma vie pour ça, alors, avec Luka, pourquoi pas ? », rigole-t-il. En France ou à l’étranger, le duo ne risque pas de perdre son amour pour le basket. « Dans notre famille, personne d’autre que Luka et moi ne s’intéresse au sport. Je ne sais pas pourquoi. Simplement, on adore ça, c’est notre marque de fabrique. » Serbe, Autrichien ou Français… Le duo Asceric a des raisons de faire valoir sa triple culture. Et démontre bien qu’il n’y a pas besoin d’avoir une famille de sportifs pour avoir le basket dans le sang.
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Dans l’histoire du basket français, il y a des duos intergénérationnels incontournables : les Monclar, les Diaw-Riffiod, les Gobert-Bourgarel, les Lauvergne, les Beugnot, les Jackson, les Fauthoux, les Rupert… Désormais, il y a les Asceric. Si vous ne remarquez aucune consonance française dans leur nom de famille, c’est bien normal. La France n’a pas toujours été au centre de leur vie. Les Asceric ont une histoire particulière, leur histoire.
Tout débute dans les années 1970 dans un petit village assez pauvre de Yougoslavie, Sasinci, entre Novi Sad et Belgrade. Pour s’occuper, le jeune Nedeljko, alias Neno, a deux échappatoires : l’école et le sport. Si sa famille n’a aucune appétence pour le sport, lui joue au football, au tennis de table, au volley, aux échecs… À l’âge de 16 ans, il commence à jouer sérieusement au basket, parfois en extérieur, parfois dans l’une des salles construites après le championnat du monde 1970 en Yougoslavie. Dès lors, l’enthousiaste Serbe ne quittera plus jamais le basket, son premier amour, sauf pendant son service militaire. En 1989, il s’expatrie en Autriche, à Sankt Polten, alors en deuxième division, et découvre le monde semi-professionnel. En l’espace de neuf ans, l’ailier (1,98m) monte en première division, remporte cinq titres de champion d’Autriche, découvre la coupe d’Europe, devient international autrichien et MVP de Bundesliga en 1997… Il passe un palier sportif, donc, mais pas que. Pendant la décennie, Neno devient père. Avec sa femme Sanja, ils ont deux enfants. Une fille, Jovana, née en Serbie en 1992, puis un fils, Luka, né en Autriche en 1997.
Tombés amoureux de la France
La vie de la famille Asceric prend un tournant à l’été 1998. « J’ai eu des propositions en Italie mais j’ai choisi la France parce que je voulais jouer pour le très grand entraineur Boza Maljkovic. C’était quelque chose d’extraordinaire pour moi de le rejoindre au PSG Racing », confie Neno Asceric. Boza, la légende serbe qui a mené le CSP Limoges au titre européen cinq ans auparavant, en 1993, le troisième de ses quatre titres en Euroleague (Split 1989 et 1990, Panathinaïkos en 1996). À Paris, Maljkovic est finalement très vite remercié. Nedeljko découvre tout de même la capitale, sans le coach mythique. Il y reste deux saisons, durant lesquelles il côtoie notamment Laurent Sciarra… et un certain Tony Parker, fraichement sorti de l’INSEP. C’est à cet instant que son fils Luka arbore les parquets pour la première fois.
« J’emmenais Luka à l’entraînement. Il était tout petit, il avait deux ans. Je le mettais sur le banc pendant deux heures, il ne bougeait pas ! Il regardait très attentivement l’entraînement, se souvient Neno Asceric avec passion. Quand Tony Parker et les autres venaient lui taper dans la main, il était très content. C’était la fête pour lui. Dès qu’il rentrait à la maison, il imitait les gestes des joueurs pro, comment ils
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