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Portrait: Lisa Berkani, la pépite de Mondeville

Les journalistes américains, qui rentrent dans les salles avec le laissez-passer de leur carte de presse, ont l’habitude d’écrire comme compliment ultime qu’ils seraient prêts à payer leur place pour voir jouer Stephen Curry, LeBron James ou Kevin Durant. A notre niveau, on peut utiliser la même exp

Les journalistes américains, qui rentrent dans les salles avec le laissez-passer de leur carte de presse, ont l’habitude d’écrire comme compliment ultime qu’ils seraient prêts à payer leur place pour voir jouer Stephen Curry, LeBron James ou Kevin Durant. A notre niveau, on peut utiliser la même expression pour Marine Johannes, la petite fée de Bourges. Et Lisa Berkani.

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A grand renfort de cross over, de fade away, de step back, de dribbles démoniaques, la Mondevillaise (1,75m, 20 ans) donne d’agréables frissons et son style tranche avec celui de ses congénères qui est généralement sobre, classique, parfois un peu robotisé.

Question prioritaire : de quels joueurs s’inspire-t-elle sachant que le mimétisme s’est développé depuis la naissance d’Internet avec des millions de vidéos qui circulent sur toute la surface du globe, spécialement dans le sens Etats-Unis/Europe ?

« Il y a des gestes qui viennent vraiment instinctivement », répond-elle. « Il y en d’autres que j’ai pu recopier surtout ceux de Kobe Bryant qui est mon joueur préféré depuis que je suis petite. D’autres se sont révélés au fil des années. Stephen Curry, Kyrie Irving et Russell Wesbrook, ce sont trois meneurs que je suis beaucoup. Magic Johnson aussi. Il y a aussi des joueurs d’Euroleague de plein de nationalités comme Milos Teodosic. Je peux tomber sur des vidéos sur des réseaux sociaux sur un joueur que je ne connais pas du tout. Je vois qu’il fait des choses intéressantes et j’essaye de les reproduire. »

Dompteuse de balles

Des arrières françaises qui ont marqué leur génération en apportant ce supplément d’âme par un style d’avant-garde, il y en a eu quelques-unes comme Jacky Chazalon, Cathy Malfois, Edwige Lawson et la encore très jeune Olivia Epoupa. Lisa Berkani est dans cette catégorie. On ne parle pas de rentabilité immédiate, Céline Dumerc est toujours la numéro 1, ni du côté meneuse de femmes que symbolisait si bien Yannick Souvré, mais de l’aspect artistique, du pouvoir de créativité.

Romain Lhermitte, qui s’occupe à l’USO Mondeville de la destinée de l’Auvergnate après avoir eu en couveuse Marine Johannes, est sans détour quand il annonce qu’il ne connaît pas en France, en Europe ni même au monde une meneuse de jeu avec un tel talent.

« J’ai cherché et je ne vois pas de filles capables de créer autant ses situations, ses tirs. Même les Américaines, comme Maya Moore, ce sont des qualités athlétiques pures qui les distinguent. La seule qui peut créer ses propres shoots comme ça c’est Candice Parker mais qui est une intérieure. Des meneuses de jeu, je n’en vois pas ou en tout cas, je n’en connais pas. Comme j’ai une joueuse qui joue en WNBA, je l’ai beaucoup regardé cet été et en fait je n’ai pas vu de filles aussi à l’aise balle en main. Lisa maîtrise vraiment très, très bien le ballon beaucoup plus que 95% des garçons. Elle est techniquement dans la catégorie des meilleurs meneurs garçons. D’ailleurs le plus grand regret de sa vie, à mon avis, c’est de ne pas pouvoir jouer avec des garçons. Son rêve serait d’envoyer des garçons à des alley oop. J’en parlé hier avec elle et je lui disais que si elle jouait à Golden State avec Kevin Durant, elle ferait cinquante alley oop par match », dit-il en riant. « C’est vrai que chez les filles c’est parfois un peu frustrant. Elle peut jouer les pick and roll et faire des passes aux intérieures, c’est moins spectaculaire, ça prend plus de temps et c’est moins fiable. »

En discutant du sujet avec le coach normand, on est tombé d’accord sur le fait que la joueuse qui possède le même feeling est l’Espagnole Laia Palau revenue à Bourges dont chaque geste est imaginatif, chaque tentative audacieuse. Romain Lhermitte n’est pas du genre à manier la langue de bois. Il est conquis par Lisa Berkani et il le dit.

« Lorsque j’étais plus jeune, Laia Palau était venue jouer à Mondeville, je l’ai vu et avant le match je la voyais s’entraîner et c’est vrai qu’elle a une dextérité hors normes pour une jeune fille. Mais je pense que Lisa est passée au niveau du dessus. C’est un peu comme chez les garçons avec Stephen Curry qui a amené le basket dans une autre dimension, à shooter de très loin, à dribbler dans tous les sens. Avant il y avait Isiah Thomas, Allen Iverson, Curry amène le basket à un niveau au-dessus et c’est ce que Lisa et Marine sont en train de faire en ce moment. »

MVP européenne en 3×3

Lisa a toujours été précoce. Elle n’a pas été enrôlé en U15 mais directement en U16. Cela tombe bien puisqu’elle se dit plus à l’aise avec des filles plus âgées.

En U18, en tant que leader offensif des Bleues (14,8 points par match), elle s’est retrouvée incluse dans le cinq idéal de l’Euro, en même temps que Alexia Chartereau, qui a marché en double double et aussi que l’Espagnole Angela Salvadores était élue une fois de plus MVP.

« En équipe de France, j’ai souvent été battue en quart de finale contre l’Espagne », dit-elle. « Il y a une très grosse génération aussi bien en 96 qu’en 97 avec l’équipe espagnole et c’était compliqué chaque été de jouer contre elles. A la fin c’était une hantise. C’est mieux de les retrouver en finale ou en demi-finale. Etre éliminées en quarts de finale, c’est frustrant. »

Ni les Espagnoles, ni même les Américaines ne sont parvenues en revanche à stopper Lisa au championnat du monde 3×3 juniors en 2015, à Debrecen, en Hongrie. Elle faisait équipe avec Alexia Chartereau, Maeva Djaldi Tabdi et Francesca Dorby et le quatuor se paya la tête des Etats-Unis en finale. C’est Lisa qui scora le lancer de la gagne et qui se vit décerner le trophée de MVP.

« Dans le 3×3 parfois les pays n’envoient pas les mêmes équipes car ça tombe en même temps que les autres compétitions alors que là c’était les meilleures joueuses. On ne s’attendait pas du tout à battre les Etats-Unis, on se disait que c’était super de gagner la médaille d’argent. Il y avait de très bonnes joueuses avec moi. C’est un souvenir pour toute ma vie. »

Le 3×3, discipline exigeante, qui demande d’avoir des poumons en acier, un grand esprit de corps et qui laisse davantage le champ libre à l’expression individuelle, a-t-il forgé le style de Lisa Berkani ?

« J’étais déjà un peu fofolle avant le 3×3 mais ça m’a incité à faire ça surtout qu’il y a plus d’espace dans le 3×3. Je peux vraiment faire des choses que je ne peux pas faire dans le 5×5. Au début, je ne faisais pas attention au fait que ça puisse être artistique vis-à-vis de joueuses qui ne font pas la même chose que moi. C’est venu comme ça et je ne m’en rendais pas forcément compte. Je le sais de plus en plus parce que beaucoup de personnes me le répète mais au départ, c’était normal. »

Pour Lisa, le 3X3 c’est du passé. Son statut de presque internationale lui commande désormais de se consacrer exclusivement au 5×5.

Un rat de gymnase

Ce qui caractérise aussi la meneuse de Mondeville, c’est sa puissance. Romain Lhermitte compare Marine Johannes à Stephen Curry –ses équipières ne l’a surnomment pas pour rien Stéphanie Curry- et Lisa Berkani à Kyrie Irving.

« Marine est une ballerine en fait. Lisa est plus au sol. Elle a de bonnes cuisses, une puissance physiques, de solides appuis, de gros changements de direction, ça va très vite, et par contre quand elle pénètre, elle ne saute pas très haut », analyse Romain Lhermitte.

Là où Marine Johannes n’avait connu que Mondeville et sa Normandie de naissance avant de rejoindre Bourges, Lisa l’Auvergnate a fait le centre de formation de Bourges où elle était déjà une grosse scoreuse, a transité par Lattes-Montpellier –cela lui a permis dans un rôle mineur d’être championne de France avec les deux équipes- avant de signer à Mondeville.

« Durant mes deux années à Bourges j’étais souvent avec l’équipe professionnelle. A la base je devais signer à Tarbes, un club de milieu de tableau qui pouvait faire confiance aux jeunes. Je n’ai pas pu y aller puisque le club a eu des problèmes financiers et a été rétrogradé en Ligue 2. Je suis allée à Montpellier sans le vouloir vraiment. Ça s’est fait tardivement, il n’y avait plus de place au sein des effectifs des autres clubs. C’était une très grosse équipe et même si les autres joueuses m’ont vraiment épaulé, je voulais encore plus de temps de jeu et j’ai préféré aller à Mondeville où justement ils font confiance aux jeunes. »

En explorant son comportement, on apprend que Lisa est ce que les Américains appellent un rat de gymnase. Elle apporte sa grosse enceinte, met sa musique et shoote.

« J’aime bien m’entraîner le matin, l’après-midi, le soir. Quand j’ai accès à la salle, j’y vais. C’est pour ça que je cherche des clubs où le terrain est libre, pas occupé par des écoles ou d’autres sports. »

Une telle dépendance à la balle orange, Romain Lhermitte n’a tout simplement jamais vu ça.

« Depuis sept ans que je suis en ligue féminine, c’est la première qui passe autant de temps à la salle. Ce n’est pas encore la plus professionnelle. Tim Gaucher par exemple arrive toujours en avance, repart après les autres. Lisa c’est différent, elle a besoin d’être dans la salle, de son odeur. Je pense que si elle pouvait avoir son appartement dans le gymnase, ça serait parfait pour elle. Parfois elle n’y fait pas grand-chose mais elle est là. Les filles font leurs deux entraînements par jour et après elles s’en vont. Un lundi on a fini de s’entraîner à 18h30, elle est partie après 21h. Elle avait regardé l’entraînement des séniors garçons. C’est inédit chez une jeune fille. »

Fille et sœur de basketteurs, Lisa est tout simplement passionnée par ce qu’elle fait. Le genre a surfé sur les sites de basket, à lire les magazines, à regarder les matches à la TV, à avoir eu, gamine, comme modèles Tony Parker et Allen Iverson. Son obsession peut parfois créer quelques petits phénomènes de rejet auprès de ses équipières.

« Il y en a qui me demandent de les lâcher car elles en ont marre, » confie-t-elle en riant. « Il y en a d’autres qui me prennent, entre guillemets, comme je suis et ça leur fait plaisir. Si je peux aider certaines joueuses… Comme je suis toujours à la salle, elles me demandent de venir avec moi. Quand on travaille beaucoup, on a plus de chances de réussir ».

Un pétard ambulant

Lisa se voit sur les deux postes d’arrière, comme combo. Son coach a un avis plus tranché.

« C’est la question que je lui ai posée quand je l’ai recrutée, si elle voulait jouer meneuse ou deuxième arrière. Je pense que c’est une meneuse de jeu et chez nous elle ne joue qu’à la mène. Elle a besoin du ballon dans les mains, remonter le ballon, enclencher les systèmes, elle sait faire. Quand elle est deuxième arrière, ça veut dire qu’on l’utilise plus comme shooteuse et elle perd de son agressivité. Il y en a qui ne sont pas d’accord avec moi. Je ne suis pas très objectif car j’aimerais que Lisa et Marine soient très performantes l’une avec l’autre. Et si elle joue deuxième arrière, Lisa ne pourra pas jouer avec Marine », dit-il dans un clin d’œil.

Nous le disions, alors que nombre de joueuses françaises développent un jeu très sage parfois trop stéréotypés, celui de Lisa Berkani est à risques. C’est une sorte de pétard ambulant. Pas facile de trouver le bon compris entre des initiatives individuelles improvisées trop hasardeuses, hors timing, à faire perdre les cheveux à un hippie, et celles qui donnent le coup de booster nécessaire pour la gagne.

« J’avoue que ça, c’est très compliqué », constate Romain Lhermitte. « J’en parle avec mes assistants. Contre La Roche, on a une possession pour être à plus cinq points à cinq minutes de la fin du match. On intercepte la balle. Une joueuse de La Roche est loin derrière et on s’est très bien qu’elle ne va pas la rattraper. Lisa décide de faire un step back et de tirer à trois-points ! Ça fait gamelle. Derrière La Roche met un trois-points et revient à égalité. Et là on se dit, pourquoi elle a pris autant de risques ? Mais en même temps, dans le troisième quart-temps, deux fois La Roche mène de deux points, deux fois elle prend un shoot à trois-points en première intention et deux fois on passe à +1. Oui elle prend des shoots qu’elle ne doit pas prendre. Sauf que lorsqu’elle est tellement dans l’agressivité, que l’on a envie de gagner, elle fait ce qui lui passe par la tête. Je pense que si elle réfléchit, elle n’arrivera plus à rien. C’est ce que j’avais décidé avec Marine. Fait et au bout d’un moment tu arriveras à savoir ce qu’il faut faire ou pas. Il faut prendre sur soi et accepter les défauts et les avantages de chacun. Quand je vois les joueurs NBA qui ont le même style de jeu, ils font les mêmes erreurs. Stephen Curry fait exactement la même chose. On se dit « mais pourquoi il prend ce tir là ? »

Le plus difficile pour un coach, c’est de faire accepter par le groupe que Lisa est différente, qu’elle peut se permettre des gourmandises interdites aux autres bouches. Il est évident que son jeu, c’est souvent du quitte ou double.

« C’est ça. Parfois ce n’est pas simple pour ses coéquipières, il faut suivre. On n’a pas l’habitude dans le basket féminin. Il faut apprendre à la connaître. L’avantage là, c’est qu’elle joue avec des joueuses comme Kim Gaucher qui était déjà là la saison dernière. Lisa avait été performante et ça légitime son jeu. Quand Lisa allait dans les débordements, on avait l’année dernière KB Sharp qui est une meneuse plus classique, qui était là pour réguler tout ça. Cette année, on n’a que Lisa comme meneuse de jeu et parfois il faut s’accrocher », commente Romain Lhermitte en riant.

Sur son année et demie à Mondeville, Lisa Berkani en est à 58/185 à trois-points, soit du 31,3% de réussite. Par comparaison, la Landaise Céline Dumerc est cette saison à 27,2%. C’est surtout le nombre de balles perdues de Lisa qui est excessif : 3,25 pour 4,13 passes décisives. Un ratio insuffisant. Celui de Céline Dumerc est de 1,5/4,7.

« Dans le dernier quart-temps, je dois réguler un minimum », promet l’intéressée.

Dans le sas de la WNBA

James Wade, mari de l’ancienne internationale Edwige Lawson, s’occupait du centre de formation de Lattes-Montpellier lorsque Lisa Berkani était membre de l’équipe professionnelle. Elle a apprécié les nombreux entraînements individuels qu’il lui a offert. Le Franco-Américain a eu un parcours riche et singulier puisqu’il est devenu l’été assistant en WNBA, aux San Antonio Stars et au Minnesota Lynx et l’hiver à Ekaterinbourg, la référence européenne. C’est évidemment lui qui a mis le Lynx, quatre fois champion WNBA en sept ans, peuplé de superstars, de Maya Moore à Sylvia Fowles en passant par Lindsay Whalen, sur la piste de la Française.

Au printemps dernier, Lisa s’est retrouvé draftée en 24e position.

« Elle est tellement mature dans son jeu et elle travaille très très dur. C’est une joueuse qui est meilleure que la plupart des joueuses draftées à partir du 10e pick », a commenté James Wade à Ladyhoop.
« James m’avait prévenu que mon nom sortirait surement au niveau de la draft 2017. On a regardé la draft avec des coéquipières mais on s’est endormi vers 2-3 heures au niveau de la 18e ou 20e joueuse car on pensait que mon nom ne sortirait plus. Et mon nom est sorti en 24e position. Dans la nuit j’ai reçu des textos, des appels », se remémore Lisa.

La Mondevillaise n’est encore jamais allée aux Etats-Unis et ses rapports avec la franchise se limitent à ceux qu’elle entretient avec James Wade et Edwige Lawson. Lisa Berkani sera-t-elle la 12e Française à rejoindre la ligue américaine ? La suite donnée à cette draft est encore un mystère mais pour Romain Lhermitte, pas de doute : sa joueuse a un style qui doit plaire aux Américains.

« Je le pense complètement. De toutes façons, beaucoup de Françaises pourraient jouer en WNBA. On voit que la NBA vient chercher des garçons chez nous. Mais on sait très bien que le calendrier de l’équipe de France ralenti le processus pour les filles. Lisa a des qualités athlétiques pour tenir en WNBA. Elle peut supporter les grosses pressions défensives. Elle va aussi vite qu’elles. Elle peut leur amener « un » basket. Chez les filles, ils ne connaissent pas trop ça. Ça peut être une révolution si jamais elle perce là-bas. Malheureusement, il y a beaucoup de Françaises qui risquent ensuite de partir car ça a peut être un déclencheur. Ils connaissent déjà Marine. »

Et quand on lui fait remarquer que la WNBA est encline à faire du protectionnisme, qu’il est difficile pour une Européenne de s’y faire son trou, Romain Lhermitte poursuit :

« Je pense que le basket féminin a vingt ans de retard sur le basket masculin. C’était le cas en NBA il y a vingt ans et maintenant ils ont ouvert leurs frontières. Comme être entraîneur en NBA, ils ont encore du mal à ouvrir leurs portes. Je pense qu’en fille ça va arriver mais je crois que la fédération française n’a pas envie que ça arrive trop vite. Ça poserait des soucis énormes. »

Quand on lui demande si depuis cette annonce elle s’est jetée sur les retransmissions de matches de la ligue US, Lisa fait une réponse surprenante :

« Pas spécialement justement. J’ai forcément regardé des matches de filles, je ne veux pas partir sans savoir où je vais. Mais je connais plus de joueurs que de joueuses. Je préfère quand même la NBA ! »

https://www.youtube.com/watch?v=SWugyALhxzE

Sur-émotivité

L’autre facette de Lisa, c’est sa sur-émotivité. Elle travaille avec un préparateur mental qui lui conseille de prendre les choses moins à cœur.

« Ce n’est pas le premier à me le dire. Parfois je suis trop émotive. C’est parfois une qualité, parfois un défaut. »

L’une des faiblesses de Lisa, c’est de bouder après un échec et cela a le don d’agacer ses équipières.

« C’est normal. Moi-même quand je vois quelqu’un qui fait la tête, qui s’énerve, ce n’est pas agréable mais quand je n’ai pas fait une bonne prestation et qu’en plus on a perdu, les jours qui suivent, il ne faut pas trop s’approcher. Le temps de me remettre en question et de passer à autre chose. Avant c’était pire, maintenant ça va beaucoup plus vite. On a perdu samedi, le dimanche ça a commencé à aller mieux. »

Romain Lhermitte confirme la sensibilité à fleur de peau de la jeune femme :

« Elle est constamment dans l’émotion. Quand on perd un match, tout s’effondre. C’est ça qu’il va falloir qu’elle apprenne à contrôler. Le jour où elle le fera, elle sera tout simplement plus mature et ça sera plus facile pour elle. Quoi qu’il se passe dans sa vie elle est toujours aux extrêmes. Si un jour elle ne sent pas le ballon, elle va décider de ne pas tirer. Elle va se retrouver seule à trois-points et elle ne va pas le prendre. Elle va vouloir faire une passe et elle va faire perte de balle. Alors que le match d’après, elle va sentir le ballon et même si elle rate, elle va continuer à shooter. Et elle est exactement la même sur le terrain qu’en dehors. C’est une grande différence avec Marine qui n’est pas du tout la même sur et en dehors. »

Et les Bleues?

Dernier épisode : l’équipe de France. Avec son ancienne partenaire de Mondeville, Marième Badiane, Lisa Berkani a fait partie des dernières recalées lors de l’Euro 2017. Elle n’a pas encore revêtu le maillot bleu. Pas de retard, Céline Dumerc ne l’a fait qu’à 21 ans accomplis.

« Quand elle appelle 18, 16 ou 14 joueuses, comme le sélectionneur le dit souvent, toutes ont leur place au final. C’est peut-être un problème de complémentarité, peut-être plus d’expérience en Ligue Féminine sur le poste 1, mettre rapidement les pieds en Euroleague ou en Eurocup pour aller plus vite. Faire tout ce qui est possible pour plaire à Valérie et au groupe, » analyse t-elle.

La coach des Bleues ne l’avait pas inscrite dans les « 14 » pour les matches contre la Slovénie et la Finlande en février. Une rupture de l’aponévrose plantaire l’a conduit à la fin de l’automne à deux mois d’absence préjudiciables. Mais la blessure de Hhadydia Minte lui a ouvert la porte en dernière minute. Qu’en sera-t-il cet été si d’aventure elle était appelée par le Lynks ? Et pour ce qui en est de sa carrière en France, elle qui est en fin de contrat en mai avec Mondeville ?

« C’est sûr que j’aimerais jouer dans un club d’Euroleague. Je ne sais pas du tout ce que je vais faire, justement je suis jeune. Ça serait peut-être mieux de rester dans un club où il n’y a pas de coupe d’Europe pour travailler encore plus. Quand il y en a les filles sont énormément en déplacement et elles ne s’entraînent presque pas. Il ne faut pas brûler les étapes, parfois il faut savoir prendre son temps. Il faut que je réfléchisse bien à ça. »

Lisa n’a encore que 20 ans, c’est ce qu’il ne faut jamais oublier.

« Elle est vraiment super en avance sur tout le monde. Elle est vraiment impressionnante. Et déjà l’an dernier à 19 ans, elle était à 12 points de moyenne », rappelle Romain Lhermitte.

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A grand renfort de cross over, de fade away, de step back, de dribbles démoniaques, la Mondevillaise (1,75m, 20 ans) donne d’agréables frissons et son style tranche avec celui de ses congénères qui est généralement sobre, classique, parfois un peu robotisé.

Question prioritaire : de quels joueurs s’inspire-t-elle sachant que le mimétisme s’est développé depuis la naissance d’Internet avec des millions de vidéos qui circulent sur toute la surface du globe, spécialement dans le sens Etats-Unis/Europe ?

« Il y a des gestes qui viennent vraiment instinctivement », répond-elle. « Il y en d’autres que j’ai pu recopier surtout ceux de Kobe Bryant qui est mon joueur préféré depuis que je suis petite. D’autres se sont révélés au fil des années. Stephen Curry, Kyrie Irving et Russell Wesbrook, ce sont trois meneurs que je suis beaucoup. Magic Johnson aussi. Il y a aussi des joueurs d’Euroleague de plein de nationalités comme (Milos) Teodosic. Je peux tomber sur des vidéos sur des réseaux sociaux sur un joueur que je ne connais pas du tout. Je vois qu’il fait des choses intéressantes et j’essaye de les reproduire. »

Dompteuse de balles

Des arrières françaises qui ont marqué leur génération en apportant ce supplément d’âme par un style d’avant-garde, il y en a eu quelques-unes comme Jacky Chazalon, Cathy Malfois, Edwige Lawson et la encore très jeune Olivia Epoupa. Lisa Berkani est dans cette catégorie. On ne parle pas de rentabilité immédiate, Céline Dumerc est toujours la numéro 1, ni du côté meneuse de femmes que symbolisait si bien Yannick Souvré, mais de l’aspect artistique, du pouvoir de créativité.

Romain Lhermitte, qui s’occupe à l’USO Mondeville de la destinée de l’Auvergnate après avoir eu en couveuse Marine Johannes, est sans détour quand il annonce qu’il ne connaît pas en France, en Europe ni même au monde une meneuse de jeu avec un tel talant.

« J’ai cherché et je ne vois pas de filles capables de créer autant ses situations, ses tirs. Même les Américaines, comme Maya Moore, ce sont des qualités athlétiques pures qui les distinguent.

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Photos: FIBA et Hervé Bellenger/FFBB

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