Inconnu en début de saison dernière, le meneur du Portel s’est révélé au point d’être nommé dans les trois meilleurs jeunes de Betclic Elite. Une éclosion provoquée par une éthique de travail irréprochable.
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« Il faudrait être malhonnête ou prétentieux pour dire que ce garçon allait passer de zéro minute en début de saison à être dans le cinq de départ et réaliser ce qu’il a fait. » Même son entraîneur, Éric Girard, l’avoue. Ce que Nadir Hifi (1,84 m, 20 ans) a produit durant la seconde partie de saison équivaut au surnaturel. C’est pourtant un juste retour des choses, le parcours d’un jeune meneur investi qui s’est donné à 200 % pour avoir une opportunité de montrer son talent. Celle-ci est juste arrivée plus vite que prévu.
Fin janvier, Le Portel coule à Dijon, alors Nadir Hifi entre en jeu en deuxième période. « Je crois que nous étions à – 25 ou – 30 à la mi-temps, je ne sais plus trop (NDLR : 49-32 en réalité, mais l’écart montera à plus de 30). Le coach assistant, Arnaud Ricoux, vient me voir et me dit : « Tu vas renter sur le terrain, prépare toi ». Dans ma tête, je me dis que c’est le moment de tout donner. J’ai réalisé de bonnes défenses, j’ai pu marquer quelques paniers. Il n’y avait rien à perdre dans ce match », se remémore l’intéressé, qui termine déjà à 8 points, 3 rebonds et 1 passe en douze minutes.
Dès lors, pour son entraîneur, le choix de renouveler sa confiance en son jeune meneur a été rapide à faire. « Nous n’étions pas bons, l’équipe ne défendait pas, confie Éric Girard. Nous avions à l’époque un Américain qui avait joué à Monaco (Lazeric Jones), j’ai perdu son nom tellement il a été insignifiant chez nous… Ce joueur avait du mal à monter la balle sous la pression de Dijon. Avec un écart important, je me suis dit « autant lancer des jeunes que des joueurs qui n’ont pas spécialement envie ». Nadir est entré et il a porté défensivement l’équipe, c’est aussi simple que cela. Il a emmené l’équipe sur une dimension d’intensité, d’agressivité qui a même surpris Dijon. À partir de ce moment-là, les choses étaient claires pour moi, ce gamin avait envie. »
Un chemin de traverse…
L’envie, Nadir en a toujours possédée. Natif de la région de Strasbourg, le jeune alsacien d’origine algérienne par ses parents l’a d’abord montré à la SIG amateur. Il pensait alors pouvoir gravir les échelons et pourquoi pas devenir professionnel dans son club, sa région. Mais la SIG en a décidé autrement en optant pour d’autres profils. « La SIG Strasbourg ne croyait pas en moi ou bien je ne faisais pas partie du profil qu’ils recherchaient, tout simplement. C’est dommage de ne pas avoir réalisé cette éclosion dans la ville où j’ai grandi, mais cela ne change en rien de l’avoir fait avec Le Portel. Ils ont été là dès le début pour moi », avoue Nadir Hifi.
À 16 ans, Nadir Hifi est alors parti dans le Nord, à Lille, pour assouvir ses rêves professionnels. Mais là aussi, des portes se sont fermées. « Au LMB, c’était très compliqué parce que je ne m’entendais pas forcément bien avec le coach et puis c’était dur pour mes parents de financer l’expérience. Je suis revenu à la SIG amateur où j’ai fait tout mon cursus région là-bas, minimes/benjamins et j’ai pu jouer en U15 France », souligne l’Algérien qui a soufflé sa 20e bougie en juillet dernier, et qui ne manque pas de saluer à plusieurs reprises ses anciens coachs (Daniel Meyer, entraîneur pré-nationale à la SIG association et Franck Martinez, préparateur physique) durant notre entrevue.
C’est seulement après un passage en Nationale 3 qui le jeune algérien est repéré, là encore dans le Nord de la France, mais cette fois-ci sur la Côte d’Opale. En 2020, Bertrand Van Butsele, responsable de la formation au Portel, décide d’enrôler Nadir Hifi. Et tout s’enchaîne. Le meneur ne perd pas de temps. Il travaille individuellement, collectivement avec les Espoirs ou plus tard avec le groupe pro, quitte à en faire trop. « Il voulait s’entraîner tout le temps, à en omettre la récupération des fois. Ce n’était pas rare que, malgré le fait que nous l’ayons entraîné le matin, nous arrivions à la salle et il tire seul ou avec un collègue, d’où le fait que nous devions parfois le freiner. Il voulait être pro, il n’a pas eu le parcours typique d’un joueur pro donc il n’a rien laissé au hasard pour le devenir », accentue Kevin Poinsot, assistant coach au centre de formation, en charge des séances individuelles.
… récompensé par une éthique de travail à toute épreuve
Une éthique de travail que ne laisse rien au hasard. « Globalement, c’est une philosophie où tout ce qu’il réalise est toujours réfléchi pour être meilleur au basket. S’entraîner individuellement, s’alimenter du mieux possible, les heures de coucher », expose Kevin Poinsot. « J’ai toujours eu cette éthique où je me disais : « Il faut que je sois prêt pour que, dès qu’une porte s’ouvre, je fonce ». Même quand c’était dur, que je sentais que j’avais réalisé une bonne semaine d’entraînement, Kevin me disait de ne pas perdre espoir. Je croyais en moi, lui aussi et ce n’est pas le seul au Portel. Éric Girard croit en moi donc je ne voulais pas lâcher le coup et cela a payé », détaille le jeune homme.
Un fort caractère avec un mental bien forgé, voilà pourquoi Nadir Hifi a su s’extirper après tous ces échecs. Il a d’ailleurs impressionné son entraîneur dans cet aspect. « Il y a toujours des moments où je teste les joueurs pour voir s’ils sont capables de tenir mentalement. Si c’est le cas, on ne va pas dire que le plus dur est fait mais pas loin. Il a montré qu’il avait réellement envie. Il n’a jamais baissé les yeux, il n’a jamais bronché, toujours répondu présent dans des moments plus difficiles pour lui. » Une exigence qui ne lui a pas fait peur, bien au contraire. « Éric a été tellement exigent avec moi et le sera encore longtemps je pense, que je ne peux qu’évoluer et progresser. Je suis très reconnaissant et c’est en grande partie grâce à lui que j’ai pu passé ce cap là », remarque-t-il.
Malgré tout, certains axes ont dû être peaufinés lorsque le meneur a posé ses bagages sur le front de mer. « En arrivant (il rigole), il ne supportait pas d’échouer. Sur les premiers entraînements, dès qu’il ratait un tir à trois points, il pouvait hurler. C’était assez dingue à voir, je venais d’arriver au club, je ne le connaissais pas. Il pouvait en mettre dix de suite, il manquait le onzième et cela ne lui allait pas. En match Espoirs, on remarquait qu’il pétait des câbles sur un tir manqué alors qu’il était à trente points. Les temps d’échange ont donc beaucoup mené sur cette gestion de la frustration », raconte Kevin Poinsot.
Un shooter qui s’est imposé par sa défense
Des points, Nadir a su les inscrire chez les Espoirs. Un talent offensif qui ne voyait « que son jeu à travers son tir » à son arrivée au Portel. C’est avec Kevin et l’équipe professionnelle que l’Algérien a développé d’autres qualités. « Il a mis du temps à se diversifier alors qu’il avait les qualités pour. Il l’a compris en fin de saison dernière (2020-2021) notamment quand il a commencé à côtoyer le monde pro. Comprendre le jeu de pick-and-roll, qu’il était capable de défendre fort, ce sont des armes qu’il pouvait ajouter à son panel. On le voit sur ses stats espoirs, ce n’était qu’un shooter. Il était très longtemps à moins d’une passe. À force de parler avec lui, d’évoquer le rôle de meneur qu’il n’avait pas et qu’il a acquis, il a assimilé tout cela. Il créait énormément mais il ne faisait pas de passes. Il est monté en puissance où cette saison, il a explosé là-dessus en étant à un moment le meilleur passeur chez les Espoirs (NDLR : 15,4 points avec 7,5 passes de moyenne) », énonce Kevin Poinsot.
Paradoxalement, c’est grâce à son nouveau talent défensif que Nadir a ensuite pris davantage de considération aux yeux d’Éric Girard. « Il était dans ma philosophie c’est-à-dire l’intensité, l’agressivité défensive, l’état d’esprit et ce sont ces aspects qui lui ont fait gagner sa place. Nous savions qu’en attaque, il avait du talent qu’il était capable de faire des choses correctes. Mais défensivement, c’est là qu’il s’est imposé à mes yeux », acquiesce son entraîneur.
Avec cet investissement défensif et le match face à Dijon, Nadir Hifi ne manque plus une rencontre de Betclic Élite (19 dont 14 dans le cinq de départ) sur la fin de saison 2021-2022. En lutte pour le maintien, Le Portel arrache le précieux sésame une journée avant la fin. Et les Portelois ont notamment enchaîné quatre victoires de suite avec le jeune homme en trombe (Cholet, Champagne Basket, Le Mans, Bourg-en-Bresse), où il a pu éclore aux yeux du basket français. « C’était incroyable parce que personne n’attendait cela de nous : de prendre des gros matches à l’extérieur, gagner au Mans, à Cholet… Nous avons eu une cohésion et une solidarité indéniable sur cette fin de saison. Je pense que c’était la clé afin de remporter de telles rencontres. Ces équipes-là avaient des choses à jouer. Cholet se battait pour les playoffs, Le Mans aussi et c’est peut-être à cause de nous qu’ils ne les ont pas joués. »
Le maintien et la réussite de son « poulain », les dirigeants portelois pouvaient difficilement faire mieux. Éric Girard se félicite d’avoir pris le risque de faire débuter un gamin dans l’élite, en plein coeur de la bataille du maintien. « Je l’ai lancé d’une parce qu’il a une éducation irréprochable. C’est quelqu’un de poli, correct, de travailleur, motivé. Ce n’est pas de la fierté que j’éprouve mais du plaisir d’avoir récompensé un jeune qui le mérite. C’est un plaisir pour tout ceux qui ont oeuvré pour Nadir, je pense à Kevin Poinsot. Nous jouions notre survie. Être capable de lancer ce gamin de cet âge-là, dans le cinq de base et qu’il termine les matches quand on joue le maintien. C’est un risque payant pour un bon gamin. »
L’été 2022, le show Hifi
Une autre récompense arrive également en fin de saison. Cette fois, de plus haut. La LNB le nomme dans les trois meilleurs jeunes de Betclic Élite. Même s’il n’a pas été nommé vainqueur, la fierté est de mise. « Je ne m’y attendais pas forcément. On m’en avait déjà parlé de cela mais c’est une très belle reconnaissance de la part de la Ligue qui a vu mon travail sur le terrain. Mais honnêtement, je n’étais pas du tout concentré sur cela à ce moment-là puisqu’il y avait une saison à conclure. Pouvoir concurrencer le futur numéro 1 de la draft et un joueur déjà drafté l’an passé, c’est une chance. »
Et alors que tout le monde était parti en vacances, le show Nadir Hifi ne faisait que débuter cet été. Sélectionné avec l’équipe d’Algérie, il a découvert les Jeux Méditerranéens à Oran (25 juin au 5 juillet). Là-bas, sur la compétition 3×3, le meneur est en pleine représentation avec deux buzzer beaters. « C’était une bonne expérience, l’ambiance était folle. Toute l’Algérie était derrière nous. Même si nous sommes déçus du résultat avec cette cinquième place (défaite en quart face à l’Espagne 21-18), nous avons prouvé que l’Algérie pouvait concurrencer les grandes nations comme la Croatie, l’Italie, l’Espagne », s’est-il félicité, lui qui a débuté en 2016 ses expériences internationales avec l’Algérie.
Ensuite, du repos ? Toujours pas. Le show n’en est qu’à sa première fulgurance. La seconde arrive le week-end suivant. À Paris, pour le Quai 54, tournoi de street basket juste devant la Tour Eiffel, le meneur remporte le tournoi et encore plus : il est nommé MVP. Sa tournée de juillet se poursuit avec le camp Upsilon (où il terminera MVP aussi) et le Capela Game, rencontre organisé par le Suisse Clint Capela, joueur NBA. « J’ai été invité par lui en personne à son match de gala (rires). C’est vraiment fou d’être appelé par un joueur NBA ! », glisse-t-il.
Pendant l’intersaison, Nadir signe aussi un contrat avec un sponsor. Depuis début août seulement, le jeune meneur de 20 ans prend du temps pour lui après ces huit derniers mois de folie, qui auraient pu lui faire perdre la tête. « Il y a beaucoup de gens qui me disent que je ne me rends pas compte de ce que je réalise actuellement, d’où je suis maintenant. Mais je ne change pas. Je reste la même personne que j’étais au début. Je ne vois pas pourquoi je changerais pour ce qui m’arrive. Cela pourrait même m’être fatal de prendre le melon, on peut tout perdre du jour au lendemain. Je n’oublie pas d’où je viens. Je sais que pour venir jusqu’ici, c’était très compliqué. Je ne perdrai pas ces moments. »
Des moments qui ont forgé un jeune alsacien où rien ne lui a été donné dès le début. Tout seul, épaulé par ses parents sans qui il ne jouerait pas au basket, Nadir Hifi a pu découvrir ce qu’il voulait tant : le haut-niveau. En travaillant beaucoup sur son physique cet été, le meneur sait que le plus dur reste à faire. Il sera attendu par toutes les bases arrières de Betclic Élite. « J’espère continuer sur cette lancée, être plus constant. Je vais être attendu, je travaille pour cela. Je ne m’inquiète pas pour la saison à venir, je suis très confiant et je suis certain que nous allons faire une bonne saison. »
Son entraîneur approuve le point de vue. « Les choses sont simples : il va devoir confirmer. C’est à lui de repartir sur les mêmes bases et ne pas se prendre pour ce qu’il n’est pas. Même s’il a réalisé quatre-cinq mois de très bonne facture, il va être attendu. Il va être scouté donc il ne va pas falloir qu’il veuille que briller en attaque sinon, évidement, son temps de jeu va être réduit. Mais s’il garde la même intensité, il n’y a pas de raison. »
La saison prochaine sera donc placée sous le signe de la confirmation où plus que la Betclic Élite aura un oeil sur lui. Outre-Atlantique, des franchises NBA scrutent le jeune meneur, des scouts sont mêmes venus en fin de saison dernière. La draft n’est pas « forcément un objectif » pour lui mais pourrait le devenir. Et qui sait, marquer l’histoire, en devenant le premier Algérien drafté dans la grande ligue américaine.
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« Il faudrait être malhonnête ou prétentieux pour dire que ce garçon allait passer de zéro minute en début de saison à être dans le cinq de départ et réaliser ce qu’il a fait. » Même son entraîneur, Éric Girard, l’avoue. Ce que Nadir Hifi (1,84 m, 20 ans) a produit durant la seconde partie de saison équivaut au surnaturel. C’est pourtant un juste retour des choses, le parcours d’un jeune meneur investi qui s’est donné à 200 % pour avoir une opportunité de montrer son talent. Celle-ci est juste arrivée plus vite que prévu.
Fin janvier, Le Portel coule à Dijon, alors Nadir Hifi entre en jeu en deuxième mi-temps. « Je crois que nous étions à – 25 ou – 30 à la mi-temps, je ne sais plus trop (NDLR : 49-32 en réalité, mais l’écart montera à plus de 30). Le coach assistant, Arnaud Ricoux, vient me voir et me dit : « Tu vas renter sur le terrain, prépare toi ». Dans ma tête, je me dis que c’est le moment de tout donner. J’ai réalisé de bonnes défenses, j’ai pu marquer quelques paniers. Il n’y avait rien à perdre dans ce match », se remémore l’intéressé, qui termine déjà à 8 points, 3 rebonds et 1 passe en douze minutes.
Dès lors, pour son entraîneur, le choix de renouveler sa confiance en son jeune meneur a été rapide à faire. « Nous n’étions pas bons, l’équipe ne défendait pas. Nous avions à l’époque un Américain qui avait joué à Monaco, j’ai perdu son nom tellement il a été insignifiant chez nous…
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Photo : Nadir Hifi (Thomas Savoja)