Photo: Sabrina Ionescu avec Kobe et Gigi Bryant.
Après Masha Kirilenko, Miriam Poterbin, Jelisaveta Orašanin-Teodosic et Juste Jocyte, nous poursuivons notre série sur les femmes influentes du basket international avec Sabrina Ionescu (1,80m, 22 ans). La n°1 de la draft WNBA 2020 est une féroce compétitrice. Elle veut aussi régner en dehors des terrains. Etre à New York, la capitale financière et médiatique des Etats-Unis, et être parrainée par Nike sont des atouts majeurs.
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Le dictateur Nicolae Ceausescu et sa femme se faisaient trucider après un jugement sommaire et Dan Ionescu ne supportait plus l’air vicié de la Roumanie en cette fin des années quatre-vingt. Il parvint à convaincre sa femme Liliana de le laisser s’envoler pour les Etats-Unis à qui il demanderait l’asile politique, espérant y découvrir un monde meilleur, et lui dit de prendre soin de leur fils Andrei. Il estimait leur temps de séparation à six mois, ce fut une longue traversée en solitaire de cinq ans. Liliana a dû élever son fils seule en Roumanie quasiment sans nouvelles de son mari qui en Californie passait nuit et jour à conduire pour récolter l’argent nécessaire à leurs retrouvailles. Il parvint à diriger une entreprise de limousine, ce qui lui permit de réunir de nouveau sa famille puis de l’agrandir.
« Je n’ai que des mots de remerciement pour mes parents. Ils ont toujours tout fait pour moi et maintenant je le fais pour eux. Pour mettre un toit et une assiette de nourriture pour ma famille », a déclaré leur fille Sabrina, née bien plus tard en 1997. Sabrina a eu un jumeau, Eddy, qui vit le jour 18 minutes après elle et leur mère dû rester alitée pendant six semaines tant il s’agissait de gros bébés. Bien que l’anglais fut leur principal outil de communication à la maison, les deux langues étaient parlées et Sabrina et Eddy, inséparables, ont même utilisé le roumain pour se moquer parfois de quelqu’un afin qu’il ne comprenne pas.
Dès qu’ils ont eu trois ans, les jumeaux ont commencé à jouer au basket pour suivre leur aîné Andrei, qui a neuf ans de plus. Le père a vu ce qui devenait une passion avec un vif intérêt. « Je n’avais vraiment pas envie d’avoir des enfants qui me sautent sur la tête à la maison. Je me disais : « puis-je me détendre et regarder de la télévision ? Alors fatiguons-les. » Inséparables, les jumeaux hantaient les terrains de Larkey Park du matin au crépuscule. Parfois, le soir, le père braquait les phares de sa voiture en direction du cercle afin que ses enfants puissent terminer un match. Pendant ces longues journées d’été, ils jouaient avec tous ceux qui les mettaient au défi. Ils se souviennent avoir battu au HORSE des adolescents bien plus âgés. Sabrina emportait sa paire de baskets partout où elle allait et quand les garçons avaient besoin d’un joueur supplémentaire, elle levait le doigt.
« J’ai commencé à jouer au basket-ball à l’âge de 3 ans, même si je ne faisais que lancer le ballon. J’ai acquis beaucoup d’expérience en jouant sur le cercle de 10 pieds (3,05m) de mes frères. J’ai utilisé mon frère aîné comme source d’inspiration pour continuer à m’améliorer. Ça n’a pas toujours été facile, mais je me suis amélioré parce c’était plus difficile de jouer avec lui… Ma famille a toujours été là pour trouver l’inspiration pour continuer à me pousser et devenir un jour une joueuse de WNBA. Si nous nous y mettions vraiment, vraiment, il y avait du sang, quelqu’un pleurait. Il y avait des combats. C’était assez intense. S’il gagnait, nous jouions à nouveau. Quoi qu’il en soit, si je devais être à la maison pour le dîner à 8 heures, nous jouions jusqu’à 9 heures, jusqu’à ce que je gagne, puis je me disais : « très bien, nous pouvons rentrer chez nous maintenant. » » a raconté Sabrina à ESPN. « Je ne l’ai pas traitée comme une fille », explique Eddy. « Je donnais des coudes. Nous nous battions. Nous nous donnions des coups de poing. Elle était comme mon frère jumeau. »
La Reine du triple double
Sabrina a appris à lire le jeu des autres joueurs et à les empêcher de deviner le sien. Elle a perfectionné la passe sans regard, délivrant parfaitement le ballon à ses coéquipières, qui parfois n’avaient pas réalisé qu’elles étaient libres. En défense, elle était un petit être nuisible, agitant constamment ses bras et obligeant ses adversaires à commettre des erreurs. Plus d’une décennie plus tard, le lien fraternel demeure solide entre les deux jumeaux. Eddy, 1,98m, a joué deux saisons au City College de San Francisco avant de déménager en 2018 en Oregon, où il a été enrôlé par l’équipe masculine. Dès son arrivée à Eugene, Eddy a repris l’entraînement avec sa sœur. « La Steph Curry à son Klay Thompson », plaisante-t-il.
L’impact de Sabrina Ionescu aux Ducks d’Oregon peut se voir au nombre de fans dans les tribunes, passés de 1 500 la première année à plus de 6 500 la troisième. Autre chiffre révélateur : Nike a signé avec l’université en 2007 un contrat à hauteur de 88 millions de dollars pour les 11 prochaines années. L’autre unité de mesure, c’est le nombre considérable de triple double qu’elle a réalisé : 26 alors qu’elle mesure à peine 1,80m. Un record absolu en NCAA. Elle est devenue le premier joueur (hommes et femmes confondus) à cumuler 2 000 points, 1 000 rebonds et 1 000 passes en milieu universitaire.
L’une des forces de Sabrina, c’est sa faculté à améliorer ses points faibles. Ainsi son frère Eddy l’avait provoquée en lui disant : « ma main gauche est meilleure que la tienne. » Sabrina n’a pas utilisé sa main droite pendant des jours, tirant toujours de la gauche, « et maintenant, j’utilise ma main gauche plus que ma droite. » « Pour l’apprécier, concentrez-vous uniquement sur elle, mais pendant un certain temps », explique Kelly Graves sa coach à Oregon. « Elle bouge toujours. Elle cherche toujours un angle. Elle fait toujours quelque chose. Ce n’est pas l’enfant le plus rapide mais elle ne se repose jamais. Par conséquent, son défenseur ne se repose jamais. Elle a toujours une longueur d’avance sur tout le monde. »
Les compliments pleuvent aussi du côté des coaches adverses. Ainsi Geno Auriemma, celui de U-Conn, qui a vu défiler des bataillons d’as du basket féminin, la compare à Sue Bird dans le fait qu’elle n’est pas la plus grande, la plus rapide, la plus costaude mais que ses points forts sont vraiment forts. « Ensuite, vous commencez à réaliser l’incroyable compétitivité qu’elle a, le niveau de compétence qu’elle a, la ténacité physique et mentale dont elle dispose. C’est un excellent modèle pour les autres enfants à regarder et pour se dire : « cette gamine le fait, pas seulement par la vitesse, la force ou l’agilité du pied donnée par Dieu, elle le fait parce qu’elle est juste qualifiée ». Elle y a travaillé. Elle est implacable. Ce sont des choses que les enfants peuvent acquérir ; ils n’ont pas besoin d’être nés avec ces choses-là. C’est ce que j’admire le plus chez elle. »
On la compare aux meilleurs. Ainsi Steve Kerr, le coach des Golden State Warriors, a déclaré : « En raison de sa mentalité et de son agressivité, Ionescu me rappelle (Diana) Taurasi. » L’entraîneur de l’équipe masculine de l’université de l’Oregon, Mark Campbell, puise ses références dans un listing de stars de la NBA. « Elle voit et anticipe des choses comme personne d’autre. Je la comparerais à (Gary) Payton, (Danny) Manning ou Steph Curry ou Steve Nash. »
Fan de Stephen Curry, mentor de Gigi Bryant
Sabrina Ionescu était liée aux Bryant. Kobe lui avait fait la surprise de venir à l’un de ses matches en janvier 2019 et il était accompagné de sa fille Gianna. Depuis elles ne se sont jamais quittées, s’entraînant ensemble l’été à la Mamba Sports Academy. Sabrina était devenue une source d’inspiration pour Gigi.
Lors du service commémoratif qui a eu lieu au Staples Center de Los Angeles, un mois après la mort de Kobe et Gigi et de sept autres personnes dans un accident d’hélicoptère, Sabrina Ionescu fut l’un des rares membres de la communauté du basket à prendre la parole. C’était une demande de Vanessa, l’épouse de Kobe. C’est le soir même que Sabrina a réalisé 21 points, 12 passes et 12 rebonds face à Stanford bouclant ainsi son record de 2 000 points, 1 000 passes et 1 000 rebonds. La Californienne était arrivée 90 minutes avant l’entre-deux, malade, forcément émue par la cérémonie, et elle n’avait rien mangé de la journée.
« C’était pour lui » a-t-elle répondu au micro d’ESPN. « Le faire le 24 février est énorme. Nous en avions parlé ensemble en présaison. Les mots me manquent pour en parler. Il m’observe et il est vraiment fier de moi, et je suis vraiment heureuse de ce moment avec mon équipe. » Une autre superstar de la NBA était lui dans les tribunes, Stephen Curry. Il voulait assister à cet exploit. « Je n’ose imaginer ce qu’elle a ressenti, » commenta t-il. « C’était tellement émouvant dans la salle. C’est incroyable, à son âge, avec tout ce qu’elle a vécu, ses liens avec Kobe et Gigi, de prononcer un tel discours devant 19 000 personnes en deuil. »
Sabrina Ionescu dit aimer voir des gamins tout excités portant son maillot venir la voir après les matches, car elle se souvient d’avoir eu les mêmes sensations. « J’adore avoir une relation avec Stephen Curry, juste pouvoir me souvenir quand j’étais petite, je le regardais et je l’imitais dans mon jeu après, pour pouvoir maintenant l’appeler ou lui envoyer des SMS à tout moment où j’ai besoin d’aide pour quelque chose. »
Egérie de Nike
Sabrina Ionescu aurait probablement été le premier choix de la WNBA dès l’an dernier après avoir mené les Ducks au Final Four mais elle a choisi d’accomplir son année senior afin de remporter un titre NCAA. Tous les indicateurs étaient au vert : 31 victoires en 33 matches, une attaque à 86 points en moyenne, et une victoire de prestige sur l’équipe nationale des Etats-Unis (93-86). Une seule fois en 44 matches Team USA avait été vaincu par une équipe universitaire, Tennessee, et c’était il y a vingt ans. « Cela montre simplement que vous n’êtes jamais trop vieille pour apprendre des leçons. Cette fois, nous avons dû l’apprendre à la dure, mais félicitations à Oregon pour avoir joué un grand match », déclara Sue Bird. Ionescu planta 30 points et fit 7 passes, ce qui provoqua les compliments de son aînée : « Elle est manifestement incroyablement talentueuse. Pour moi, la partie préférée de son jeu en ce moment est sa nature compétitive. Elle est incroyablement implacable. Même quand vous pensez que vous l’avez arrêtée, elle continue de venir vers vous. «
La pandémie de coronavirus a privé Oregon de la possibilité d’un titre national mais pas Sabrina Ionescu de tous les trophées de Joueuse Universaire de l’Année et de la place de numéro 1 de la draft WNBA 2020. Elle a été choisie par le New York Liberty qui a été racheté par le milliardaire chinois Joseph Tsai, co-fondateur du géant du commerce électronique Alibaba et déjà propriétaire à 49% des Brooklyn Nets. Cela devrait permettre à la franchise de rebondir après des années sans playoffs et alors que les joueuses ont été expulsées du légendaire Madison Square Garden pour jouer leurs matches à 40 kilomètres de Manhattan, à White Plains. Ionescu devait être ainsi l’équipière de Marine Johannès, faire probablement partie de l’équipe US aux Jeux Olympiques de Tokyo -si ce n’est en 5×5 au minimum en 3×3 qu’elle a déjà pratiqué avec réussite- et galvaniser une WNBA qui a augmenté son calendrier de diffusion télévisée et aussi les salaires de ses joueuses. Le coronavirus a bouleversé ses plans mais on va tout de même la voir à l’oeuvre dans la ligue américaine à partir de ce week-end.
« Je suis ravi de défendre quelque chose de plus que d’être une joueuse de basket-ball dans cette ville et de l’utiliser à des fins plus importantes. Je veux pouvoir utiliser ma plateforme et ma voix pour représenter quelque chose de plus. J’espère que je pourrai aider à apporter appréciation et valeur au jeu quel que soit votre sexe. Essayer d’utiliser le sport pour changer la façon dont la société nous perçoit dans son ensemble », a déclaré la Californienne.
Sabrina Ionescu n’a pas perdu son temps. Elle a signé un contrat lucratif avec l’équipementier Nike, préféré à Under Armour malgré le fait que Stephen Curry soit son joueur de référence. De toute évidence, se retrouver dans une école de l’Oregon, fief de la marque à la virgule, et connaître personnellement son proprio, Phil Knight, a joué énormément dans la balance. « Alors que les négociations se poursuivaient en mars et en avril, Ionescu, 22 ans, a obtenu des offres valant plusieurs fois son salaire WNBA attendu, selon des sources de l’industrie. Les offres de la société dépassaient même la valeur des dernières offres de joueuses de niveau MVP de la finale de la WNBA », a écrit ESPN.
Bien que la jeune femme ait depuis embauché l’agence WME pour gérer d’autres accords de promotion marketing, tels que celui avec la société d’écouteurs Beats By Dre, elle a navigué seule dans les discussions avec les marques de chaussures, élaborant des plans et des campagnes potentielles au cours d’une série de vidéoconférences et appels téléphoniques. Elle a également embauché l’agent expérimenté Bill Duffy -celui de Luka Doncic- pour gérer ses besoins en matière de contrat avec la WNBA, Duffy servant aussi de conseiller tout au long du processus de fabrication de chaussures. « Je pense qu’avoir une chaussure à mon nom ça serait vraiment cool, tout comme une ligne de vêtements ou quelque chose. Ce serait génial juste parce que je suis tellement habitué à acheter les chaussures des autres et à les admirer. »
La réussite de Sabrina Ionescu permet aussi un éclairage sur un pays bien mystérieux pour les Américains, la Roumanie. Le basket n’est pas là-bas un sport majeur. L’équipe nationale ne s’est pas qualifiée pour les Jeux Olympiques depuis 1952, hommes et femmes confondus. Deux Roumains ont toutefois connu du succès en NBA : Ernie Grunfeld, émigré aux Etats-Unis avec ses parents à l’âge de 8 ans, qui gagna l’or avec Team USA aux JO de Montréal et qui fut un solide joueur dans la ligue US puis un cadre administratif, et le géant Gheorghe Muresan (2,31m) passé par Pau. Alors que Ionescu entamait sa carrière internationale avec les U17 de l’équipe américaine en République Tchèque, les médias roumains ont commencé à s’intéresser à elle. Elle est au courant car des membres de sa famille qui vivent là-bas publient les liens sur facebook. Mais elle n’est pas dupe de la connaissance de ceux-ci. « La plupart des gens de ma famille n’y connaissent toujours rien au sport », a-t-elle déclaré. « Ma mère m’a demandé l’autre jour pourquoi parfois je tire un lancer-franc et pourquoi d’autres fois c’est deux. Je n’ai pas pu m’empêcher de rire. Cela me rappelle juste d’où je viens. »
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Le dictateur Nicolae Ceausescu et sa femme se faisaient trucider après un jugement sommaire et Dan Ionescu ne supportait plus l’air vicié de la Roumanie en cette fin des années quatre-vingt. Il parvint à convaincre sa femme Liliana de le laisser s’envoler pour les Etats-Unis à qui il demanderait l’asile politique, espérant y découvrir un monde meilleur, et lui dit de prendre soin de leur fils Andrei. Il estimait leur temps de séparation à six mois, ce fut une longue traversée en solitaire de cinq ans. Liliana a dû élever son fils seule en Roumanie quasiment sans nouvelles de son mari qui en Californie passait nuit et jour à conduire pour récolter l’argent nécessaire à leurs retrouvailles. Il parvint à diriger une entreprise de limousine, ce qui lui permit de réunir de nouveau sa famille puis de l’agrandir.
« Je n’ai que des mots de remerciement pour mes parents. Ils ont toujours tout fait pour moi et maintenant je le fais pour eux. Pour mettre un toit et une assiette de nourriture pour ma famille », a déclaré leur fille Sabrina, née bien plus tard en 1997. Sabrina a eu un jumeau, Eddy, qui vit le jour 18 minutes après elle et leur mère dû rester alitée pendant six semaines tant il s’agissait de gros bébés. Bien que l’anglais fut leur principal outil de communication à la maison, les deux langues étaient parlées et Sabrina et Eddy, inséparables, ont même utilisé le roumain pour se moquer parfois de quelqu’un afin qu’il ne comprenne pas.
Dès qu’ils ont eu trois ans, les jumeaux ont commencé à jouer au basket pour suivre leur aîné Andrei, qui a neuf ans de plus. Le père a vu ce qui devenait une passion avec un vif intérêt. « Je n’avais vraiment pas envie d’avoir des enfants qui me sautent sur la tête à la maison. Je me disais : « puis-je me détendre et regarder de la télévision ? Alors fatiguons-les. » Inséparables, les jumeaux hantaient les terrains de Larkey Park du matin au crépuscule. Parfois, le soir, le père braquait les phares de sa voiture en direction du cercle afin que ses enfants puissent terminer un match. Pendant ces longues journées d’été, ils jouaient avec tous ceux qui les mettaient au défi. Ils se souviennent avoir battu au HORSE des adolescents bien plus âgés. Sabrina emportait sa paire de baskets partout où elle allait et quand les garçons avaient besoin d’un joueur supplémentaire, elle levait le doigt.
« J’ai commencé à jouer au basket-ball à l’âge de 3 ans, même si je ne faisais que lancer le ballon. J’ai acquis beaucoup d’expérience en jouant sur le cercle de 10 pieds (3,05m) de mes frères. J’ai utilisé mon frère aîné comme source d’inspiration pour continuer à m’améliorer. Ça n’a pas toujours été facile, mais je me suis amélioré parce
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