On tombe parfois sur des trésors photographiques. En voici un car il permet d’expliquer d’un coup d’œil comment c’était dans l’ancien temps… Il s’agit d’un Bagnolet-Berck du début des années soixante-dix et le meneur de jeu berckois de l’époque, Pierre Galle, nous a confirmé que sur la ligne des lancers-francs, c’est son équipier Jean Caulier qui arme son tir. Il pense même que son équipe avait gagné ce soir-là.
Surpris sinon choqué de voir des gens avec la clope au bec ? C’est oublier qu’en ces temps-là fumer était autorisé, banalisé, que ce soit lors de débats en direct à la télévision ou dans des salles de basket étroites et obscures remplies à ras-bord. La santé des joueurs ? Qui y songeait ? Beaucoup fumait eux-mêmes y compris parfois à la mi-temps des matches. C’est oublier aussi que dans les années cinquante Joe Lapchick allumait clope sur clope sur le banc des New York Knicks, que le coach des Celtics Red Auerbach sortait un gros cigare quand il sentait la victoire assurée et que son meneur de jeu Bob Cousy faisait de la publicité pour la marque Kent.
C’est à la toute fin des années quatre-vingts que les salles de NBA sont devenues peu à peu des « no smoking area ». Comme dans les avions, les chambres d’hôtel et tous les lieux publics. Aujourd’hui en griller une petite conduirait le criminel directement à Rikers Island dans la cellule fréquentée quelques jours par DSK. Il y a cinquante ans, 42% des adultes américains étaient fumeurs, ils n’étaient plus que 18 % en 2016 et ce sont des parias. La France, l’Europe –sinon quelques résistants au Sud- n’ont fait qu’emboiter le pas à l’Amérique.
« Des arbitres ont été jetés dans l’Orne, la froide rivière qui longe la salle »
Auboué, Denain, Grand-Fort
On vous l’accorde le plus étonnant c’est de voir ces gens agglutinés autour du shooteur et de l’arbitre. Visiblement, les tribunes se sont vidées, les fans ont envahi le parquet et c’est alors qu’il n’y a plus de temps de jeu au compteur que les deux lancers ont été tentés.
Ça fiche quand même la trouille… Il faut rappeler qu’il n’y avait pas alors que le tabac qui était nocif dans les salles de basket. L’alcool aussi. Pas mal de supporters s’enivraient avant, pendant et après les matches. D’ailleurs il en existait un célèbre à Bagnolet qui hurlait en solitaire et dont la télévision assura la promotion. Des débordements il y en eut et pas qu’une fois. Il fallait même être kamikaze pour arbitrer. Evoquant la salle Salusse-Santoni, l’ancien arbitre et président de la FFBB Yvan Mainini rapporte dans l’ouvrage « Géants » :
« Il y avait une femme au fond qui tapait sur les panneaux publicitaires avec son parapluie et qui essayait d’attraper les jambes des arbitres avec la crosse du parapluie quand on passait. C’était amusant. C’est vraiment une autre époque de l’arbitrage. »
Un soir de défaite, il était fréquent, pour ne pas dire systématique, que plusieurs individus surchauffés fassent le pied de grue à la sortie des vestiaires des hommes en gris pour les pendre haut et court. Dans ces cas là, les clubs faisaient appel à des fourgons de police pour les ramener à la gare.
Ça brûlait à Denain, Grand-Fort Philippe et encore plus à Auboué, en terre minière de Lorraine. Les spectateurs étaient des intimes des joueurs. C’étaient leurs collègues, leurs copains, leurs frères. C’était leur honneur qui était en jeu. Une décision arbitrale mal perçue et c’était l’étincelle. Des matches se sont mal terminés, des coups portés et même des arbitres jetés dans l’Orne, la froide rivière qui longe la salle.
« Les fans expriment leurs ressentiments sur les réseaux sociaux plus en crachant sur les arbitres »
Féminisé, aseptisé, civilisé
A cause de ces problèmes d’insécurité, en janvier 1975, les arbitres se mirent en grève (on parla en fait d’indisponibilité car le basket était « amateur »). Ils obtinrent satisfaction. A partir de là, des représentants officiels au sein du club furent chargés d’aller les chercher à la gare, de les ramener le lendemain et de les accompagner au restaurant après le match. Un service de sécurité avec des gens clairement identifiés avec brassard ou blouson fut institué. Plus tard, des tunnels furent installés.
Il y a encore parfois des exactions dans les divisions inférieures, plus en Pro A. Ou si peu. Seuls les VIP –et à Cholet où l’on sert du vin local- ont droit à l’alcool et en quantité raisonnable. Les fans expriment leurs ressentiments sur les réseaux sociaux plus en crachant sur les arbitres. L’univers du basket s’est féminisé, complètement aseptisé. Ce ne sont plus les potes des spectateurs qui sont sur le terrain mais des Américains dont ils n’ont pas le temps d’apprendre le nom.
Cette photo est vraiment d’un autre temps quand il y avait d’autres mœurs. On peut regretter la passion qui parcourait les tribunes en ces temps-là, un certain folklore. Mais c’est quand même mieux que le basket soit devenu un sport civilisé.
PS :
La vidéo ci-dessous ne concerne pas le basket français, mais les fans Grecs. Ceux de l’Aris Salonique. C’est ce que l’on fait de mieux (ou de pire, c’est selon) dans le genre. Comme quoi tout n’est pas encore formaté aux standards NBA en Europe.