Si l’Euro 2017 sera déterminant pour savoir où l’équipe de France se situe désormais à l’échelle européenne sans Tony Parker, Mike Gelabale et Flo Piétrus, d’autres problématiques se posent à moyen terme.
Le nouveau calendrier international, un casse-tête pour les fédérations
Par la suite, d’autres échéances toutes aussi importantes se présenteront pour les équipes nationales et ce sera compliqué de travailler dans la stabilité. En effet, il y a quatre ans, la FIBA a eu la « bonne » idée de modifier son calendrier et de décaler les dates d’organisation de la Coupe du Monde de basket d’un an afin d’éviter la concurrence de son homologue du football. Ainsi, la prochaine Coupe du Monde se tiendra en 2019, soit cinq ans après celle de 2014 et non pas en 2018, comme prévu initialement.
Or, à cette occasion, elle a mis en place un nouveau système de qualification pour cette compétition et celui-ci pose de gros problèmes pour les fédérations. Désormais, les qualifications à la Coupe du Monde s’étendent sur deux ans
- 20 au 28 novembre 2017
- 19 au 27 février 2018
- du 25 juin au 3 juillet 2018
- du 10 au 18 septembre 2018
- 26 novembre au 4 décembre 2018
- 18 au 28 février 2019
En quoi est-ce problématique ? Certaines de ses périodes, notamment novembre et février, chevauchent les ligues nationales et internationales : NBA, Euroleague, LNB, etc… Certes, la plupart des ligues nationales vont mettre en place des trêves à l’image de ce qui se déroule dans le foot, avec la FIFA mais ce ne sera pas le cas de la NBA et de l’Euroleague. De fait, la question de la disponibilité des joueurs se pose évidemment : il faudra ainsi probablement faire sans Nicolas Batum, Boris Diaw, Rudy Gobert pour ces phases de qualification.
« On le sait depuis 2012/13, ça allait être de plus en plus difficile de solliciter et d’avoir les joueurs NBA. » nous explique Jean-Pierre Siutat. « On savait que le contrat TV allait rentrer en activité, c’est un contrat énorme et comme les salaires ont flambé, et c’est difficile pour les propriétaires des franchises de lâcher les joueurs pour des qualifications. Ça, on le savait depuis le début. »
Une équipe de France composée de joueurs de Pro A et de Champions League pour les qualifications ?
Dans ces conditions, Vincent Collet devra s’appuyer sur des joueurs du championnat français et de Champions League. Au sein du dernier groupe France, Charles Kahudi et Flo Piétrus étaient les seuls joueurs du championnat de France. Avec le départ de ce dernier, Charles Kahudi devrait être le seul élément reconduit de la sélection pour les qualifications. Un seul membre sur douze, c’est peu.
Or, pour diverses raisons, le vivier de joueurs de niveau international en Pro A reste très limité.
« En Pro A, il n’y aura pas suffisamment de joueurs de niveau international qui ont de l’expérience dans des compétitions majeures, telles que l’Euroleague. » nous confirme Claude Bergeaud, ex-sélectionneur de l’équipe de France et consultant chez SFR Sport.
Il y a bien des solutions, même si celles-ci ne sont guère toutes rassurantes : à l’extérieur, des joueurs comme Pape Sy et Jérémy Leloup (SIG) ou Nobel Boungo-Colo (Khimki) sont des éléments en mesure de se retrousser les manches. À la mène, les anciens internationaux que sont Andrew Albicy (Andorre, Liga Endesa) ou Steed Tchicamboud (sans club) peuvent être des atouts en termes d’expérience.
Mais l’une des pistes les plus intéressantes pour ces périodes internationales sont sans doute à chercher du côté de la jeunesse.
« Cela donnera des opportunités à de jeunes joueurs de jouer en équipe nationale et de glaner de l’expérience en prenant part à des matchs de haut niveau. » a récemment déclaré Sergio Scariolo, coach de l’équipe d’Espagne.
Si les équipes de Pro A sont toujours réticentes à responsabiliser les jeunes, il y en a tout de même qui frappent à la porte de cette équipe de France, notamment à l’intérieur avec Mam Jaiteh (Strasbourg) et Louis Labeyrie (Paris-Levallois). Chez les meneurs, le jeune Benjamin Sene (Nancy) s’est distingué cette saison et le second tour des Clippers, David Michineau (Hyères-Toulon) sera observé de près. Quant à Boris Dallo, incontestablement talentueux, il doit encore se trouver un club.
N’oublions pas non plus que la fédération française a relancé l’équipe de France A’ il y a plusieurs années sous l’impulsion de Claude Bergeaud et si nombre de ses membres sont avant tout là pour progresser et engranger de l’expérience, d’autres peuvent aussi prétendre à accéder à l’échelon supérieur.
« Aujourd’hui, je ne vois pas comment un mec qui n’est pas passé par les A’ pourrait monter chez les A. » estime Claude Bergeaud. « Tous les gars comme Adrien Moerman, Mam Jaiteh sont passés par l’équipe de France A’. De ce que j’ai vu à l’heure actuelle chez les A’, ce n’est pas mal, notamment le cas de Moustapha Fall. Il faut compter dessus sur l’avenir, avec ce qu’il a fait avec son équipe d’Antibes, du temps de jeu et des responsabilités, c’est une rotation future, voire titulaire dans quatre ou cinq ans. »
Outre les 2m18 de Moustapha Fall, l’intérieur Wilfried Yeguete (Le Mans) ou l’ailier Yakuba Ouattara (Monaco) sont des joueurs de A’ éventuellement intéressants pour les phases de qualification.
Dans un autre championnat, cette fois en Ligue Adriatique (et prochainement en Champions League), l’intérieur Alpha Kaba sera aussi suivi de près : à bientôt 20 ans, l’intérieur de 2m08 a montré de très belles choses l’an passé avant sa blessure au genou.
Quoi qu’il en soit, la fédération française assure qu’elle préparera ces échéances le plus tôt possible, notamment en intégrant les éléments les plus concernés dès la préparation de l’Euro 2017, afin de les confronter rapidement aux matchs qualificatifs.
« On a l’intention d’avoir un groupe élargi, par la force des choses, qui va travailler sur plusieurs échéances à la fois et compte tenu du fait que la sélection aura un profil différent en fonction de la période, on va associer tout le monde au même travail. » nous confie Patrick Beesley, le DTN de la FFBB. « De façon très globale, le début de la préparation de l’été prochain, de l’Euro 2017, comprendra des joueurs qui participeront directement au championnat d’Europe et d’autres qui seront très certainement appelés sur l’échéance du mois de novembre 2017 pour les premiers matchs de qualification de la Coupe du Monde.Il faudra faire un mix, on ne va pas partir qu’avec des jeunes potentiels inexpérimentés. Il faudra se reposer sur certains joueurs qui sont déjà en équipe de France et qui sont en Pro A et compléter avec des jeunes joueurs potentiels. Il faudra être pragmatique. »
L’espoir d’un accord salvateur
Pour l’heure, compte tenu des circonstances précédemment évoquées, ces qualifications pour la Coupe du Monde 2019 semblent bien davantage tenir du traquenard que de la promenade de santé. Pas de joueurs NBA, sans doute pas de joueurs Euroleague non plus, l’équipe de France paraît alors désossée mais tout n’est pas perdu : il reste encore plusieurs mois pour que la FIBA trouve un compromis avec les dirigeants de l’Euroleague ; cette dernière pourrait accepter un compromis.
« Les dirigeants de l’ECA (la structure privée qui détient l’Euroleague) ne sont pas prêts à composer avec ce calendrier. » déplore Jean-Pierre Siutat. « Moi, et d’autres, pensons qu’il va falloir trouver une solution car la France n’est pas la seule concernée mais aussi la Russie, la Turquie, la Serbie, même l’Espagne, je ne sais pas avec quels effectifs ces pays vont jouer les qualifications. C’est donc un problème qui concerne l’Europe mais aussi l’Afrique, car il y a beaucoup d’Africains qui jouent dans les clubs européens. C’est pour cela qu’on se bagarre depuis le début pour trouver une harmonie. Moi, je n’ai rien contre l’Euroleague et je veux que l’Euroleague progresse mais qu’elle progresse en respectant les calendriers mondiaux. J’espère qu’on aura réglé ce problème d’ici 2017, la saison de la première fenêtre de qualifications.
Entre les lignes, Jean-Pierre Siutat rappelle que les fédérations des clubs phare de l’Euroleague ont tout intérêt à accepter un consensus. Plus frontalement, Patrick Beesley rappelle ainsi que sans un Rudy Fernandez ou Sergio Llull, deux joueurs d’envergure en Euroleague, l’Espagne pourrait faire elle-aussi moins bonne figure.
« Si le contexte n’était pas solutionné en 2017, il faut rappeler que nous ne serions pas les seuls dans ce cas. » explique le DTN français. « Il y aura un impact pour la France mais je n’ose même pas imaginer l’Espagne sans ses joueurs de Barcelone, du Real Madrid et d’autres, les Turcs, etc… Si c’est le cas, ce sera dommageable pour le basket mais nous ne serions pas les seuls. Tout le monde sera logé à la même enseigne et j’aurais tendance à dire que nous, plus que d’autres, on a un réservoir potentiel de joueurs qui nous permet de faire face. En effet, si jamais il n’y avait pas les joueurs Euroleague, on aurait d’autres joueurs en réserve.
L’inquiétude n’est pas encore de mise
Enfin, outre l’éventualité d’un accord au sujet du calendrier, une vérité est bonne à rappeler : les matchs de qualification ne sont… que des matchs de qualification. En Europe, ce sont 32 équipes qui se battront pour un strapontin, dont certaines très faibles et pour la plupart, toutes dénuées de leurs meilleurs talents si la situation reste en l’état.
« Il faut aussi ne pas se tromper, les prochaines rencontres qualificatives pour la prochaine Coupe du Monde ne vont pas être du même niveau de ce que l’on vient de vivre ces dernières années, on ne va pas jouer la Serbie, ni l’Espagne. » constate Patrick Beesley. « Il faut bien sûr respecter l’adversaire, il ne s’agit pas de les sous-estimer mais dans la phase de qualification de cette coupe du Monde qui va concerner 32 équipes, on ne va plus jouer sur le même niveau. »