Champion d’Europe et vice-champion olympique avec les Bleus, double vainqueur de l’Euroleague avec le CSKA Moscou, passé par l’Espagne et la NBA, Nando De Colo mène sans aucun doute l’une des plus carrières les plus brillantes de l’histoire du basket français. Le Nordiste raconte ses choix de carrière, l’importance de sa famille et de ses proches dans un entretien à Basket Europe.
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Il a beau être le basketteur le plus capé en activité en équipe de France (185 sélections), le numéro un à l’évaluation cumulée dans l’histoire de l’Euroleague – qu’il a remporté deux fois -, avoir brillé partout où il est passé en Europe, Nando De Colo sait que sa reconnaissance en France souffre de la médiatisation plus faible du basket européen par rapport à la NBA. Mais le doyen des Bleus (35 ans) n’a aucun regret concernant ses choix. Comme le disent et répètent tous les grands joueurs européens, il vaut mieux avoir une grande carrière et un rôle en Europe « plutôt que d’aller en NBA et attendre que les saisons passent ».
Dans un entretien en deux parties accordé à Basket Europe, et après être revenu sur la décision de son forfait à l’EuroBasket 2022, le Nordiste explique dans un second temps le rôle important joué par sa famille dans l’équilibre de sa carrière, les raisons de son échec en NBA, ses liens avec Gregg Popovich depuis son départ des Spurs, son investissement envers le club du Portel mais aussi ses secrets de longévité et de professionnalisme.
Estimez-vous avoir moins de reconnaissance en France car vous n’avez fait que 119 matches en NBA ?
« Oui, je pense, sans que cela m’énerve d’ailleurs, je le comprends aussi. J’ai une médiatisation qui est moindre que d’autres et ma carrière n’a peut-être pas été évaluée à sa juste valeur. Je pense surtout aux deux titres d’Euroleague (NDLR : 2016 et 2019) et au titre de MVP de la saison (2016). Il faut aussi souligner que je n’ai pas joué en France depuis 2009, que j’ai gagné ces trophées dans des clubs européens, et que la médiatisation française pour les championnats européens n’est pas forcément la même que ce qu’elle peut être en NBA, clairement. Le plus important, c’est que ma famille et mes proches sachent ce que j’ai pu accomplir et ce par quoi je suis passé. Ils savent ce que ça signifie. Aujourd’hui, c’est souvent quand on prend sa retraite qu’on se rend compte finalement de ce que certains joueurs ont pu accomplir. D’ici là, je continue ce que j’ai à faire de mon côté, en essayant toujours de faire mieux. »
Au-delà du fait que vous avez décliné des offres pour retourner en NBA ces dernières années, qu’est-ce qu’il vous a manqué pour faire une carrière en NBA à la Evan Fournier selon vous ?
« C’est comme tout dans la vie, il faut être au bon endroit et au bon moment. Même si l’ensemble du staff des Spurs voulait que je rejoigne l’équipe en m’expliquant qu’il y avait une place pour moi, je ne suis pas sûr qu’il y en avait vraiment une. Avec du recul, je ne suis pas sûr que Gregg Popovich savait exactement qui j’étais à ce moment-là, où et comment m’utiliser pour que je sois performant. Je suis tombé dans une équipe très structurée, où j’ai appris énormément, mais qui avait déjà une hiérarchie, et je ne parle pas du Big Three (NDLR : Tony Parker, Tim Duncan, Manu Ginobili), je parle de toute l’équipe. Même si la première année a été intéressante, je n’ai pas forcément tout compris, et certains choix n’ont pas été en ma faveur, je n’ai pas eu l’opportunité de montrer ce que j’étais capable de faire. Même si je pense qu’à chaque fois que j’ai eu un peu de temps de jeu, j’ai pu montrer ce dont j’étais capable. C’est comme ça, cela fait partie du jeu. Après, je suis parti à Toronto pour me donner une chance de continuer ma carrière en NBA. C’est ce que j’avais demandé à coach Pop à l’époque en lui expliquant que je comprenais la situation, qu’elle était difficile pour moi, que c’était aussi difficile pour lui de me trouver du temps de jeu et que, si c’était possible d’avoir ce temps de jeu dans une autre équipe, j’étais prêt à partir. Je savais que je quittais à ce moment-là une équipe qui pouvait gagner le titre mais je pensais avant tout à mon futur. Et mon futur, ça aurait dû se passer à Toronto. Sauf que l’été arrivait, les discussions ont traîné, et le CSKA Moscou s’est proposé, et ça s’est fait. »
Vous n’avez pas de regrets ?
« Je préfère clairement avoir la carrière que j’ai en Europe plutôt que d’être d’aller en NBA et attendre que les saisons passent. Alors, oui, quand on a l’occasion d’aller chercher un titre NBA, c’est autre chose, mais je n’ai pas de regrets. Ça a été clair très vite dans mon esprit. Et même après deux ans à Moscou, quand j’ai dû choisir entre prolonger et retourner en NBA, ça ne m’intéressait pas d’aller là-bas sans avoir d’assurance que j’aurais un rôle majeur dans une équipe. Encore aujourd’hui, j’ai ce caractère de vouloir aller chercher des titres, et je suis fier des choix que j’ai pris car ma carrière représente quelque chose au final. »
Qu’est-ce que Gregg Popovich vous a glissé à l’oreille à l’issue de la finale olympique l’été dernier ?
« Ce qui est marrant, c’est que j’ai l’impression d’avoir plus de rapports avec coach Pop depuis que je suis parti de San Antonio et depuis qu’on les a battus en équipe de France que quand j’étais sur place. Concernant son mot après la finale, il n’y a pas eu grand-chose. Il était seulement content de nous voir en finale contre eux, et d’un autre côté désolé que ça soit notre équipe qu’il venait de battre pour aller chercher la médaille d’or, il aurait préféré que ça soit une autre équipe. Il a eu les mots habituels pour savoir si tout allait bien de mon côté, et je lui ai posé la même question en retour concernant sa vie privée. En tout cas, même si ça n’a pas fonctionné pour moi aux Spurs, ça fait plaisir de pouvoir avoir ce contact avec lui quand on se rencontre. »
« Un jour, Laurent Sciarra m’a dit : « N’oublie pas qu’être bon une saison, n’importe quel bon joueur est capable de le faire, mais être bon sur toute une carrière, c’est autre chose ». Et c’est vraiment quelque chose qui est toujours resté dans ma tête »
En juin 2020, vous êtes devenu ambassadeur du Portel, dans la ville où votre père a joué en Pro B et où l’une de vos soeurs vit toujours. Qu’en est-il aujourd’hui ?
« À la base, le fait d’être ambassadeur était surtout lié à l’image du club afin de montrer qu’un gars comme moi, un gars du coin, était capable d’avoir une carrière internationale. C’est Eric Girard qui m’avait proposé cette idée liée à tout le passé qui me relie à ce club. C’est évidemment quelque chose qui m’intéresse, notamment de pouvoir redonner au basket français ce qu’il m’a apporté quand j’étais plus jeune. C’est quelque chose que j’avais à l’époque essayé de faire avec Nanterre, et qui n’avait pas très bien fonctionné. Par la suite, il y avait aussi l’envie de se positionner sur la génération qui suit, notamment au niveau des camps basket qui pourraient intervenir là-bas. Ça a été compliqué de les organiser dès l’été dernier pour des questions d’accueil et d’après-Covid, mais se projeter sur un partenariat que l’on peut faire évoluer reste l’idée principale. L’idée, c’est d’organiser des camps pour que les jeunes puissent s’entraîner comme moi je m’entraînerais. Dès que la saison commence, c’est toujours plus compliqué d’être en contact et d’organiser certaines choses. Cet été, on aura le temps de se revoir pour discuter de la suite des événements. D’ici là, j’espère évidemment que le club pourra se maintenir en Betclic Elite (15e, 9-16 avant un déplacement à l’ASVEL ce dimanche). »
Vous avez porté un temps le nom De Colo-Letien en début de carrière. Un hommage à votre mère ?
« Sur le papier, je crois que j’ai porté ce nom pendant mes trois années à Cholet. J’avais fait la demande auprès du manager général Thierry Chevrier. C’était un moyen de remercier mes parents, qui étaient avec moi à la signature de mon premier contrat. On avait évoqué le fait d’utiliser le nom de ma mère en plus de celui de mon père, sachant qu’elle avait été joueuse de haut niveau et que ça lui faisait plaisir avant tout. Sur mes maillots, j’ai gardé « De Colo ». En revanche, sur ma deuxième sélection au All-Star Game, j’avais mis les deux noms. Ce n’est pas quelque chose que j’ai gardé en soi, c’était vraiment le clin d’oeil du moment pour remercier mes parents lors de mon premier contrat pro. »
Dans le dernier Basket Le Mag, Laurent Sciarra parle « d’histoire de cœur, de famille » avec vous. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
« C’est marrant parce que ça remonte vraiment au tout début de ma carrière. À la base, c’était une connaissance de mon père. Il l’avait rencontré dans un stage de basket. A ce moment-là, j’étais espoir et lui était à Paris. Tu sais comment ça fonctionne, les parents te présentent une connaissance qui est déjà dans le milieu du basket, toi tu es jeune, tu restes poli. Je savais évidemment qui était Laurent Sciarra, on avait tous suivi l’épopée de Sydney 2000. C’était très agréable de faire sa connaissance, mais j’étais aussi très timide du fait que ma mère en parlait beaucoup dès qu’on se rencontrait. Dès le début, ça a été quelqu’un de très sympa, il m’a pris sous son aile. On s’est vu à Paris, à Cholet. Une fois, je l’attendais après un match pour lui dire bonjour, et j’avais un sac avec moi. Il m’a dit « c’est ton sac ? » Hop, il a ouvert le sien et m’a mis des paires de basket, des maillots… Il était sponsorisé par And One et c’est donc lui qui m’a décroché mon premier contrat équipementier avec And One, que j’ai porté pendant trois ans. Par la suite, on est toujours restés en contact. On ne s’appelle pas tous les jours mais le contact a évolué, et c’est devenu quelqu’un que j’apprécie beaucoup. J’adore recevoir des messages de sa part. »
En quoi vous a-t-il servi de parrain dans votre carrière ?
« Il y a deux conseils de début de carrière dont je me souviens toujours, l’un vient de mon père, l’autre de Laurent. J’avais fait une demi-saison en pro, tout le monde commençait à s’affoler un peu autour de moi, et Laurent qui me représentait entre guillemets n’avait pas pu gérer la suite des événements me concernant, c’est la raison pour laquelle il m’a mis en rapport avec un agent, qui est toujours mon agent aujourd’hui d’ailleurs (NDLR : Wassim Boutanos). Au final, c’est Laurent qui m’a quand même le plus aidé sur des aspects hors basket. Et je me souviens de l’année qui suit, où je gagne le titre de MVP du All-Star Game et de la Semaine des As, et le titre de MVP français de la saison, et il m’a dit. « N’oublie pas qu’être bon une saison, n’importe quel bon joueur est capable de le faire, mais être bon sur toute une carrière, c’est autre chose ». Et c’est vraiment quelque chose qui est toujours resté dans ma tête. A partir de là, j’ai toujours gardé contact avec lui. Aujourd’hui, il n’est pas comme mes deux meilleurs potes où on s’écrit tous les jours, mais je sais que je peux toujours compter sur lui quoi qu’il se passe dans ma vie personnelle. C’est génial. Je me souviens d’ailleurs que j’ai eu l’occasion de faire mon dernier All-Star Game avec lui. »
« Ce n’est pas en claquant des doigts qu’on arrive à faire des miracles »
Pour faire suite à ce conseil et à votre carrière, quels conseils pouvez-vous donner pour durer, au niveau de l’hygiène de vie, de la diététique, et du mental ?
« C’est compliqué à expliquer parce que ça dépend vraiment des uns et des autres. Certains sont plus travailleurs que d’autres, certains ont plus de qualités naturelles. On n’a pas tous forcément les mêmes besoins, les mêmes qualités. Le plus important, c’est de savoir clairement ce qu’on veut. Comme je l’expliquais, une saison ne se joue pas du jour au lendemain. Ce n’est pas en claquant des doigts qu’on arrive à faire des miracles. Parfois, on y arrive, mais très peu. Et une saison, ça se prépare dès le mois d’août, et on fait évoluer les choses au fur et à mesure. Si on pense qu’on peut laisser filer un entraînement par ci par là, ce n’est évidemment pas comme ça que je vois les choses. C’est un travail de chaque jour. Parfois, c’est fatigant physiquement et mentalement, on enchaîne les entraînements, les déplacements, les matches. Par exemple, on vient de jouer quatre matches en six jours, et c’est dur. Mais au-delà de ça, si on est honnête avec soi-même et qu’on fait les choses sérieusement au quotidien, ça finit toujours par payer. Une des choses les plus importantes, c’est qu’il faut se mettre en tête qu’une saison est très longue. C’est un marathon. Il y aura des hauts, des bas, et c’est le joueur le plus stable sur la saison qui s’en sortira le mieux. Si on a des ambitions élevées, ça passe par du sacrifice et le professionnalisme compte énormément au jour le jour. Et comme je le disais précédemment, j’ai toujours fait la différence entre ce qui se passe sur le terrain et ma vie privée, c’est aussi ce qui me permet d’avancer car quand c’est dur sur le terrain, la vie de famille permet de décompresser, et quand c’est un peu plus compliqué à la maison, il y a le terrain qui permet de tout lâcher. »
Vous possédez une panoplie de gestes tout à fait originaux : des passes aveugles ou dans le dos, des dribbles et changements de direction venant de toutes parts… Sont-ils travaillés ? Quelles sont vos inspirations ?
« Je ne suis pas sûr qu’ils soient vraiment travaillés. Evidemment, il y a certains gestes qui sont répétés à l’entraînement, mais je n’arrive pas à l’entraînement en me disant « je vais travailler la passe dans le dos ». Je pense surtout que j’ai eu la chance quand j’étais jeune d’avoir des personnes, notamment mon père, qui m’ont expliqué les bases et les fondamentaux qui ensuite m’ont permis de développer certains gestes avec un peu plus de facilité. Mais ce qui se passe sur le terrain n’est jamais prémédité. J’en parlais dernièrement avec mon intérieur Devin Booker, qui était derrière moi après mon geste derrière le dos entre les jambes sur une action où les deux défenseurs étaient devant moi (voir ci-dessous). En fait, je fais au feeling. J’ai juste fait passer le ballon derrière le dos parce qu’un joueur voulait me prendre la balle et comme je ne pouvais pas ramener la balle d’une manière ou d’une autre, je l’ai passée entre mes jambes. Ce n’était pas recherché pour être « fancy », j’ai eu quelques coachs comme ça, heureusement pas beaucoup, qui m’interdisaient ce genre de choses. Mais je pense que ça fait partie du basket en général. Pour moi, il est parfois plus facile de faire une passe dans le dos si la position du défenseur m’empêche de faire une passe normale plutôt que de faire une passe classique. Tout ça vient des fondamentaux, et derrière d’avoir le feeling pour le jeu. Mais évidemment, il y a une part de travail dans un sens où, si tu fais tout à deux à l’heure à l’entraînement, ça va être difficile à reproduire en match où le rythme est plus élevé. Il faut faire évoluer les choses. »
Le top 3 des créations originales de Nando De Colo (Fenerbahçe) – Saison 2021-2022
Mars 2022 – Dribble dans le dos puis entre les jambes et passe, contre Besiktas
Décembre 2021 – Dribble dans le dos puis passe aveugle, contre le Maccabi Tel Aviv
Novembre 2021 – Passe aveugle de dos, contre Yalova
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Il a beau être le basketteur le plus capé en activité en équipe de France (185 sélections), le numéro un à l’évaluation cumulée dans l’histoire de l’Euroleague – qu’il a remporté deux fois -, avoir brillé partout où il est passé en Europe, Nando De Colo sait que sa reconnaissance en France souffre de la médiatisation plus faible du basket européen par rapport à la NBA. Mais le doyen des Bleus (35 ans) n’a aucun regret concernant ses choix. Comme le disent et répètent tous les grands joueurs européens, il vaut mieux avoir une grande carrière et un rôle en Europe « plutôt que d’aller en NBA et attendre que les saisons passent ».
Dans un entretien en deux parties accordé à Basket Europe, et après être revenu sur la décision de son forfait à l’EuroBasket 2022, le Nordiste explique dans un second temps le rôle important joué par sa famille dans l’équilibre de sa carrière, les raisons de son échec en NBA, ses liens avec Gregg Popovich depuis son départ des Spurs, son investissement envers le club du Portel mais aussi ses secrets de longévité et de professionnalisme.
Estimez-vous avoir moins de reconnaissance en France car vous n’avez fait que 119 matches en NBA ?
« Oui, je pense, sans que cela ne m’énerve d’ailleurs, je le comprends aussi. J’ai une médiatisation qui est moindre que d’autres et ma carrière n’a peut-être pas été évaluée à sa juste valeur. Je pense surtout aux deux titres d’Euroleague (NDLR : 2016 et 2019) et au titre de MVP de la saison (2016). Il faut aussi souligner que…
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Photo : Nando De Colo (FIBA)