Pour sa première saison hors d’Italie, Massimo Cancellieri réalise un exercice fantastique avec le Limoges CSP. À bientôt 50 ans, le coach italien se raconte à Basket Europe.
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Il réalise aves ses joueurs une saison bien au-delà des attentes au Limoges CSP. Arrivé l’été dernier dans l’un des temples du basket français, l’Italien Massimo Cancellieri a été adopté par une ville et une équipe. Ses inspirations, ses expériences passées, sa personnalité, son identité défensive… Le coach de 49 ans s’est livré. Entretien.
Qu’est-ce qui vous a décidé à partir pour la première fois de votre carrière à l’étranger, à près de 50 ans ?
C’est seulement une question d’opportunité car je voulais partir avant la cinquantaine mais ça n’a jamais été possible. C’est la seule véritable opportunité que j’ai eu d’aller à l’étranger jusqu’à présent. Et je l’ai prise tout de suite. J’ai 50 ans, je me sens encore assez en forme, c’était le bon moment… Et je touche du bois.
D’autant que vous aviez donné votre accord à un club italien avant de vous engager ici cet été…
Vous êtes bien informé (rires). Avant de venir ici, j’ai eu un accord oral avec une autre équipe. Même si Limoges était bien sûr une meilleure opportunité, j’ai décidé de dire oui à cet autre club. Mais heureusement ou non, les choses se sont immédiatement passées relativement mal avec l’autre club. C’était simple, on a eu une discussion quelques jours après l’accord et à la fin de cette discussion, on a compris qu’on n’était pas fait l’un pour l’autre. Et donc j’ai recontacté Crawford (Palmer) pour lui expliquer que j’étais toujours disponible pour cette opportunité à Limoges. J’ai eu de la chance qu’elle soit encore là.
Vous êtes à Limoges depuis une saison maintenant, on commence à vous connaître…
(Il coupe) Je pense que oui, je dis ce que je pense !
C’est vrai, vous êtes quelque peu… atypique ?
J’essaie d’être « everything like insane », entier, et même fou. Je suis comme ça, j’essaie d’être entier. A 50 ans passés, comme me le disait un de mes anciens préparateurs physiques à Biella : « Tu es la meilleure estime de toi-même ». J’ai découvert qu’il valait mieux être soi-même et faire découvrir aux autres les différents traits de ma personnalité plutôt que faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Je veux montrer tout ce que je suis, c’est ce que je pense. Je suis comme je suis. J’essaie parfois de me contrôler mais souvent, je fais simplement ce que je pense.
Vous avez déjà proposé à Hugo Invernizzi de prendre une cigarette à l’entraînement… quelle est votre marque de fabrique pour gérer votre groupe ?
Il n’y a pas de marque déposée. Je pense que la relation se construit à l’intérieur du groupe. Et c’est un très bon groupe de l’intérieur, selon moi. Ils connaissent le basket et pour moi, c’est suffisant pour construire une bonne relation. Et donc, un jour, si je vois quelqu’un qui s’endort 1-2 minutes, je le vois et je dis « OK, si tu veux dormir, je te donne un cocktail et une cigarette ». Et comme on plaisante beaucoup ensemble, il a dit « OK, files en une » et je lui ai mis une cigarette à l’oreille » Je lui ai aussi apporté des roses pour son anniversaire. C’est juste amusant.
« Une partie de Limoges aime ma façon d’être quoi qu’il en soit, pas tout le monde mais une partie l’aime »
Estimez-vous que votre tempérament colle avec celui des Ultras du CSP ?
Je l’espère. Ce qu’ils montrent y ressemble. Pour être honnête, ce que j’aime, c’est que je ne le fais pas exprès, je ne joue pas un rôle. Je ne le savais pas avant de venir ici, mais ce sont les résultats qui m’ont aidé. Si j’ai un gros tempérament et que nous perdons, ils pourraient dire que je suis trop dur, et ça pourrait être un désastre. Imaginez… Mais ça marche parce que je suis dur de manière générale avec les joueurs et ça nous permet de gagner des matchs. Je ne pense pas que les Limogeauds seraient contents si on ne gagnait pas, personne ne le serait. Ce qui m’aide, c’est de gagner des matches. Mais je pense qu’une partie du peuple de Limoges aime ma façon d’être quoi qu’il en soit, pas tout le monde mais une partie l’est.
Au-delà de votre attitude, vous êtes en charge de la meilleure défense du championnat. D’où vous viennent vos inspirations tactiques ?
Du tout début de ma carrière. C’était un processus. Généralement, les entraîneurs apprennent les bases puis apprennent à développer ces bases. Pour ma part, au début, ce n’était pas linéaire, j’avais beaucoup de choses tactiques et puis j’ai appris les bases pour apporter cette part d’expérience. Mais je l’utilise quand j’en ai besoin. Peut-être que l’année prochaine, j’entraînerai une équipe avec que des bons défenseurs donc je n’aurai pas besoin de l’utiliser. J’ai une tablette dans mon sac à dos, et si j’en ai besoin, je l’utilise. Parfois c’est du travail, parfois non. C’est une façon d’essayer de gagner des matchs.
Vous êtes resté six ans à Milan en tant que numéro deux de Jasmin Repesa, Luca Banchi, Simone Pianigiani entre 2013 et 2019 et maintenant, vous êtes numéro un depuis trois ans…
(Il interrompt) C’est différent. Avoir des responsabilités est la plus grande partie du job. Si vous aimez ce travail, c’est probablement que vous aimez ce poste. Quand tu es sur le banc et que tu gagnes, il n’y a pas de meilleure position. Mon expérience à Milan a complètement changé ma vision et mon approche de tout : le basket, l’éthique du travail, la communication, ce que ça fait d’avoir le basket dans sa vie… Ça a tout changé.
Avez-vous le sentiment d’être bien accepté par vos collègues français ?
Quand je parle avec eux, ils sont bienveillants envers moi. Je n’en ai pas vu un seul discuter avec moi sans être au moins curieux de me connaître. J’ai eu de très bons retours et quand j’ai commencé à établir des liens avec certains d’entre eux, je pense qu’ils étaient honnêtes. Si quelqu’un vous dit que vous faites du bon travail… il n’a pas à le dire s’il ne pense pas et s’il n’aime pas ce que je fais. Donc, pour moi, « jusqu’ici tout va bien » avec mes collègues entraîneurs. Gagner des matchs dans ce championnat est difficile. Chaque match est une grande bataille.
Que pensez-vous du championnat de France ?
Pour le moment, nous sommes à 19-12 et nous ne sommes pas encore qualifiés pour les playoffs. C’est la meilleure réponse que je puisse vous donner. Je ne suis pas le mieux placé pour évaluer le championnat mais je vois au quotidien une grande compétition homogène. Avec 19 victoires et 3 matchs à jouer, nous ne sommes pas encore en playoffs. Bien sûr nous sommes en bonne position mais nous ne le sommes pas encore mathématiquement. Ce n’est pas anodin. Le niveau moyen est très élevé. En Italie, certaines équipes font les playoffs avec un bilan négatif. Mais ça s’explique aussi car il y a 18 équipes en France et 16 en Italie.
Que pensez-vous des joueurs français comparativement aux Italiens ?
Ne me laissez pas dire comparer. Les Français sont bons mais ils sont aussi davantage en termes de nombre. Il suffit de compter le nombre de joueurs français en NBA… bien sûr, la qualité est bonne. Et aussi, j’ai deux gros joueurs français et nous sommes Limoges, nous sommes maintenant dans une très bonne position mais nous n’étions pas censés être là. Cela signifie quelque chose.
Connaissiez-vous Frédéric Forte avant de venir ? Quels sont vos relations avec sa femme Céline et sa fille ?
Je n’ai pas eu le plaisir de le rencontrer personnellement mais il a joué en Italie durant sa carrière. Je le sais parce l’un de mes entraîneurs renommés l’a entraîné et lui a montré un grand respect pour ce qu’il a fait dans la dernière partie de sa carrière. Et ma relation avec la famille Forte est juste. On ne se parle pas beaucoup parce que c’est normal, mais c’est juste. Je me sens plus que bien dans cette relation.
Où en sont les négociations pour une prolongation de votre contrat avec le CSP ?
Les négociations sont en cours. C’est la seule chose que je peux vous dire.
Savoir que le CSP est le club qui a le plus usé de coaches en 30 ans en France ne vous fait pas peur ?
Cela ne me fait pas peur. Je comprends la pression liée à ma position mais je m’en fiche complètement car cela fait partie de notre travail. J’aurais peut-être dû avoir peur d’accepter de travailler. Mais maintenant que je suis dedans, je me bats tous les jours. Vous voyez que je « n’abandonne pas le combat « , comme l’a dit Bob Marley (littéralement « I don’t give up the fight »). Ce club a remporté beaucoup de titres. J’ai été à Milan par le passé, je connais ce genre d’ambiance. Quand vous gagnez des titres, vous ne pouvez pas vous présenter sur le parquet et dire « nous voulons juste rester dans la ligue ». Mais en même temps, vous devez aussi gérer le reste, surtout le budget. L’année dernière, la situation était difficile pour chaque équipe de survivre avec le Covid et sans le soutien des supporters.
On connaît votre parcours d’entraîneur mais pas celui de joueur…
(Il coupe) Je ne sais pas pourquoi vous (les journalistes) continuez à me poser des questions à ce sujet. J’ai souvent dit que j’étais nul au basket. Je n’étais même pas près d’être un joueur pro, j’étais à des lustres. C’est pourquoi, pour le respect du basket, je ne joue plus. Je ne sais pas si je respecte le basket en tant qu’entraîneur mais je suis sûr à 100% qu’en tant que joueur, je n’étais pas fait pour ce sport. Alors j’ai arrêté très vite. J’étais si soft. C’est pourquoi je continue de dire que je déteste les joueurs softs parce que j’en étais un. Mais je suis sur le banc maintenant.
Votre signe distinctif est la barbe. Depuis quand la portez-vous ? Pourquoi ?
C’est un truc avec ma belle-mère. Un jour, on était chez belle-mère, on habitait en haut, ils habitaient en bas. J’avais l’habitude de porter une barbe plus courte et un jour, j’ai juste coupé la barbe. Et je suis descendu dire à ma belle-mère « Tu vois comme je suis beau ? » et elle s’est moquée de moi et m’a dit « Non, tu étais beau avec la barbe, pas maintenant ». J’étais tellement bouleversé que le lendemain je me suis dit « OK je vais vous montrer qui je suis », j’ai commencé à laisser pousser ma barbe. Dès que je me suis senti à l’aise avec, je l’ai gardée. Je n’imite personne, c’est juste le résultat d’une bagarre entre moi et ma belle-mère (rires).
Il parait que vous mangez « pour survivre », vous suivez un régime sans viande ni poisson. C’est vrai ?
Ce choix vient du passé. Je suis né en 1962 dans un petit village, une ville pauvre sans restaurant ni grande nourriture de manière général. Nous avions l’habitude de cuisiner ce que nous avions sur le lieu où nous vivions. Je me souviens que ma mère faisait une sorte de menu de la semaine. J’ai donc grandi en ne sortant pas beaucoup et en ne mangeant pas de nourriture gastronomique. Je suis un italien typique, et bien sûr j’aime la nourriture, mais je préfère boire une bonne bière que de manger des plats gastronomiques au restaurant. A 31 ans, j’en avais juste assez de manger de la viande et du poisson, alors j’ai arrêté. Mais ça ne me coûte pas car je n’aime pas manger en général. Si vous m’invitez, emmenez-moi au bar (rires).
Vous rêviez également d’être journaliste ou professeur de lettres classiques, c’est bien ça ?
Ouais, j’ai commencé à étudier les lettres classiques quand j’étais jeune mais j’ai arrêté par amour pour le basket. Mais j’essaie toujours d’enseigner, c’est le même métier mais dans un sport et pas à l’école.
Vous aviez promis d’apprendre le français. Où en êtes-vous ?
Ça va de mieux en mieux mais c’est toujours difficile pour moi. Je prends des cours… mais je n’étudie pas (rires). J’ai beaucoup de connaissances mais je ne m’en souviens pas. Je suis confiant pour combler l’écart pendant l’intersaison. Comparé au premier jour où j’étais ici, j’ai progressé. Mais je dois encore travailler.
Vous êtes malgré tout capable de dire « Crusol, je t’aime » (en référence à une victoire alors qu’il était absent, cause Covid)…
(Rires) C’était la première et dernière fois, juste parce que je n’en avais pas fini avec le Covid !
Avez-vous eu le temps de faire un peu de tourisme en France ?
Non, zéro. Je ne connais rien à part les salles, les hôtels et les routes. Mais j’aurai peut-être la chance de le faire. J’espère rester longtemps dans ce pays. Je m’y sens très bien. Donc si je reste ici, l’été prochain sera une grande opportunité pour le faire.
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Il réalise aves ses joueurs une saison bien au-delà des attentes au Limoges CSP. Arrivé l’été dernier dans l’un des temples du basket français, l’Italien Massimo Cancellieri a été adopté par une ville et une équipe. Ses inspirations, ses expériences passées, sa personnalité, son identité défensive… Le coach de 49 ans s’est livré. Entretien.
Qu’est-ce qui vous a décidé à partir pour la première fois de votre carrière à l’étranger, à près de 50 ans ?
C’est seulement une question d’opportunité car je voulais partir avant la cinquantaine mais ça n’a jamais été possible. C’est la seule véritable opportunité que j’ai eu d’aller à l’étranger jusqu’à présent. Et je l’ai prise tout de suite. J’ai 50 ans, je me sens encore assez en forme, c’était le bon moment… Et je touche du bois.
Quelle est votre façon d’être ?
J’essaie d’être « everything like insane », entier, et même fou. Je suis comme ça, j’essaie d’être entier. Comme me le disait un de mes anciens préparateurs physiques à Biella…
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Photo : Massimo Cancellieri (Jacques Cormarèche)