En allant chercher la victoire face à Nanterre (104-107) dans un derby parisien électrique, le Paris Basketball s’est donné un peu d’air frais. Son maintien en Betclic Elite est une obligation pour ce club qui sort des standards nationaux.
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Chacun peut mesurer le chemin parcouru en si peu de temps. Pour son premier match de Pro B, en 2018, le Paris Basketball naissant avait réuni sept spectateurs à Rueil dans les Hauts-de-Seine. Il s’est depuis installé à la Halle Georges-Carpentier. En janvier, il avait déjà investi l’AccorHôtel Arena pour un match anonyme de Pro B contre Aix-Maurienne et rassemblé 5 400 spectateurs. Le week-end dernier, ce sont 8 117 personnes qui sont venus, au même endroit, pour apprécier un match de gala face à Monaco. Un record d’affluence de la saison en Betclic Elite alors qu’il n’y avait que 4% d’invités avec des places allant de 12 à… 300 euros pour les sièges Jack Nicholson, en référence à l’acteur américain longtemps proche du banc des Los Angeles Lakers, au Forum d’Inglewood puis au Staple Center.
Le public a pu constater que ce club champignon est passé très vite dans la dimension supérieure sous la houlette de ses propriétaires américains, David Kahn et Eric Schwartz, qui ont fait leurs armes en NBA et qui ont l’imagination fertile. Le Paris Basketball absorbe l’univers urbain de la capitale française et le reproduit sur le parquet sous la forme d’entertainment. Ainsi, le match face à Monaco était placé sous le thème « Women’s day », avec des danseuses, des lancers de tee-shirt, un show de Ronisia, un voyage à New-York à gagner, et dans le parterre, on notait la présence de plusieurs rappeurs et influenceurs et la médaillée olympique d’escrime Ysaora Thibus. L’atmosphère à Paris est unique. Même les jeunes supporters du Kop Parisii sont électriques et se différencient de la plupart de ceux de province, disons plus traditionnels, et font une belle concurrence à celui de Nanterre réputée pour son punch.
A la rentrée 2023, le Paris Basketball déménagera dans la future aréna de la Porte de la Chapelle et ses 8 000 places. Le club est très ambitieux et ne peut à terme que viser l’Euroleague. « Le basket est un sport qui est organiquement populaire, au-delà de ce que vous pouvez imaginer. Ma croyance ferme est que dans cinq ans, il y aura le PSG en foot, le Paris Basketball, et le reste. En tout cas, on n’arrêtera pas avant d’en arriver là », a assuré David Kahn dans les colonnes du quotidien L’Equipe. Mais le boss reconnaît que son équipe ne respecte pas tout à fait le plan de marche.
Une rivalité saine
« Dès notre accession en Jeep Elite, une rivalité s’est créée car ce sont des équipes de Paris », rappelle Juhann Begarin, à pros de la deuxième édition du derby face à Nanterre. « Le match aller a été très serré. Les deux publics étaient l’un à côté de l’autre et à deux doigts de se battre. On essaie de répondre présent pour faire plaisir à nos supporters et honorer le maillot que l’on porte. »
Un Nanterre-Paris, comme un Nanterre-Metropolitans, n’a absolument rien à voir pour autant avec un Olympiakos-Panathinaikos où il est depuis longtemps impossible de réunir les fans de chaque équipe dans la même salle. « Je ne sais pas si c’est une rivalité, mais c’est très sain », insiste le coach parisien, Jean-Christophe Prat. « Je vais trahir un secret : en 1999, on a passé le BE2 ensemble avec Pascal Donnadieu. Ce soir, c’est une super promotion pour le basket francilien. Pour la première année du derby, Nanterre-Paris Basketball, il y a eu deux superbes matches. Il y a eu de l’intensité ce soir bien qu’il y ait eu beaucoup de points, ça a quand même défendu un petit peu. Si vous me dites que vous n’avez pas kiffé un match comme ça, il faut faire du rugby, du tennis, mais pas du basket (rires). Comme la rivalité est très saine avec Boulogne-Levallois. J’ai eu la chance d’aller en Turquie et à l’époque, il y avait six clubs à Istanbul en première division. Dans un bassin économique où il y a 13 millions d’habitants, pourquoi n’y aurait-il pas un 4e club qui soit dans le 93 ou dans le 78 ? Il y a vraiment de la place. »
Grâce à un Kyle Allman incandescent dans le premier quart-temps (15 points à 100 % en 8 minutes), une défense agressive et plus du double de rebonds que son adversaire, Paris a mené très vite de 15 points (11-26), mais Benjamin Sene et Adam Mokoka, et leurs salves à trois-points, ont impulsé le retour de Nanterre, au point de le faire passer en tête à la 28e minute (41-40).
Ce fut ensuite un chassé-croisé avec un final haletant. Chris Horton était inarrêtable (25 points dont 19 en deuxième mi-temps, à 10/11 aux shoots, 11 rebonds, 36 d’évaluation !), mais c’est Ismaël Kamagate qui a eu les deux premières balles de match, sur la ligne des lancers-francs. Dans un boucan du diable, il en a transformé qu’un seul et on fut bon pour une prolongation. C’est là où Juhann Bégarin a planté deux trois-points de suite. Sur la dernière possession parisienne, le seul (presque) chauve du Paris Basketball, Ryan Boatright a gelé le ballon puis accéléré pour aller déposer la balle dans le filet, quand il en a décidé du timing. 104-107. Rideau.
« A l’aller, on avait perdu de peu et on savait comment les battre. On a appliqué les consignes du coach, on s’est donné à fond, on a eu un peu de réussite et ça s’est bien passé. Cette réussite, c’est dû à beaucoup de travail », souligne Juhann Begarin. « Cela a une saveur particulière d’autant que c’est une équipe de Paris. Il y a une concurrence qui se créer et forcément ce sont des matches que l’on n’a pas envie de perdre. Quand on arrive à de matches hyper compliqués comme ça, c’est encore plus savoureux car on sait qu’on a sué. On est dans la deuxième partie de la saison. On n’a plus d’excuses maintenant. Il faut montrer notre agressivité, que l’on a de bons joueurs, une bonne équipe. »
Le Paris Basketball a d’autant du mérite d’avoir gagné ce derby qu’il était privé de son international, Axel Toupane, blessé au mollet contre Monaco et qui sera absent entre deux et quatre semaines. « Nanterre, c’est la meilleure équipe en jeu de transition et de contre-attaques de la Ligue Nationale de Basket », souligne Jean-Christophe Prat. « Ce soir, excepté les quelques pertes de balle que l’on a eu en première mi-temps, ils n’ont quasiment pas eu de jeu rapide. Je suis très fier du respect du plan de jeu des joueurs. On avait fait un choix stratégique fort : nos postes arrières, 1-2 et même 3, on les envoyait directement au repli. Personne n’allait au rebond, excepté Dustin (Sleva) ou Isma (Kamagate). On a fait un gros travail pour contrôler ce jeu-là. Au-delà des points qu’ils marquent, ils se nourrissent de cette euphorie-là. En plus, c’est une équipe, quand elle marque des points, elle se met à défendre. »
Le MVP du match, ce n’est ni Kyle Allman, ni même Chris Horton – il a perdu -, mais Juhann Begarin, auteur de 29 points obtenus aussi bien à trois-points (6/9) qu’en percussion, et qui joue chaque minute avec une énorme intensité. « Je suis content pour Juhann car à l’AccorHôtel Arena, il a eu 4 tirs à trois-points importants ouverts pour peut-être nous faire revenir, et il ne les a pas mis. Je sais que c’est un joueur adroit, mais parfois il psychote un peu. Ce soir, il a montré pourquoi il a été drafté. Si j’alignais Juhann, Ismaël et Milan en espoirs, je pense que l’on pourrait être champion de France ! », sourit Jean-Christophe Prat. « C’est très polyvalent, il y a beaucoup de talents. C’est vrai que c’est atypique », note Adam Mokoka. « Même s’ils sont en bas de tableau, je ne pense pas que ça reflète vraiment leur équipe sur le papier. C’est le fait que c’est leur première saison en Betclic Elite qui fait qu’ils se retrouvent à cette position. »
« Vous verrez que Dustin deviendra un joueur d’Euroleague »
Paris Basketball, c’est une équipe qui a aligné les victoires de prestige (ASVEL, Boulogne-Levallois, Bourg, Pau) et les échecs couteux face à des équipes moins bien achalandées, comme deux fois face au Portel. Si bien que si l’équipe des propriétaires américains n’a pas une tête de condamnée à la Pro B, elle demeure encore au classement dans les sables mouvants. Elle paye le revers de la médaille, c’est-à-dire sa jeunesse. Juhann Begarin à 19 ans, Milan Barbitch 20, Ismaël Kamagate 21, et encore Kyle Allman et DJ Funderburk 24, Gauthier Denis, en aura 25 en avril. Et aussi la mauvaise intégration de l’ancien NBAer Kyle O’Quinn, qui ne donnait pas l’impression d’être toujours à fond, et qui ne justifiait pas son énorme salaire – pour la Betclic Elite – de 350 000 euros annuels.
En provenance de Avtodor Saratov, son remplaçant, DJ Funderburk a un profil très différent. Pour sa première parisienne, il a fait preuve de sa bonne volonté sur 10 minutes. « On n’a que deux intérieurs. Je ne vais pas vous dire qu’il va nous apporter du muscle, il est comme ça, » indique son coach du doigt. « Mais sur les dix minutes qu’il a joué, il nous a apportés du rebond, un peu de verticalité. Il est un peu dans le même profil qu’Ismaël. Ce soir, je l’ai essentiellement utilisé en 5. Je l’ai mis en 4 quand Dustin avait des fautes, on a vu que c’était moins bien dans les exécutions. Il n’a fait que quatre entraînements collectifs. Il va nous ramener une rotation supplémentaire. C’est un super garçon. Il est à l’écoute. » Qu’Amara Sy revienne de blessure ou non d’ici la fin de saison, DJ Funderburk sera conservé car Kamagate et Dustin Sleva sont très esseulés dans la peinture.
Ces deux-là méritent toute notre attention. Long, souple, tonique, Ismaël Kamagate (2,11 m) possède aussi de solides fondamentaux avec un shoot à quatre mètres qui fait mouche, et le ciel est sa limite comme disent les Américains. « Ismaël, vous le mettez en Pro B, il a des stats, en Pro A, il a des stats. Vous le mettez où vous voulez l’année prochaine, il aura des stats. Il a cette capacité à s’adapter très vite au niveau », juge Jean-Christophe Prat.
Lequel Prat ne tarit pas d’éloges sur Dustin Sleva, qui est de l’aventure parisienne depuis ses débuts en 2018. « Je vais être franc avec vous. Dustin, quand je l’ai pris il y a quatre ans, ça a été un coup de cœur. Il avait 22 ans. Il venait de 2e division universitaire. C’était un cheval sauvage. On sentait qu’il avait du potentiel, mais par contre, il courait dans tous les sens ! Quand je vois ce qu’il fait aujourd’hui, avec constance. J’avais dit la première année qu’il me faisait penser à Justin Dollmann que j’avais eu quand j’étais assistant de Philippe Hervé (à Orléans). Philippe avait dit : « vous verrez, ce joueur-là fera l’Euroleague. » Tout le monde avait rigolé. Dustin a fini MVP de l’ACB et il a joué à Valence, Barcelone et Efes. Vous verrez que Dustin deviendra un joueur d’Euroleague. J’espère que ce sera avec nous si on atteint cet objectif-là. Il a 26 ans, il parle français comme vous est moi. Il a dit, je vais me payer mes cours de français et avec mes droits à la formation, quand j’aurais fini ma carrière, je vais rester en France et faire des études. C’est juste magique. Si vous en connaissez d’autres, je les prends ! »
Club atypique, suivi par la France entière car situé dans la capitale, équipe brillante mais inconstante, le Paris Basketball n’est pas encore tiré d’affaires, mais sur la bonne voie. « C’est effectivement important de battre les adversaires directs, notamment Champagne Basket, Fos et Orléans. Je crois que l’on connait la recette. Il va falloir répéter avec beaucoup d’intensité. On va tout donner et montrer que l’on a passé un cap », résume Juhann Begarin. « Forcément, il faut un peu de temps pour s’acclimater car on vient de monter dans la division, on ne savait pas comment ça fonctionnait. Maintenant, on connaît mieux. Il faut donner le meilleur de soi. »
Les matches contre Roanne (8 avril), Fos (12), Orléans (1er mai) et Châlons-Reims (3 mai) seront moins glamour que ceux contre Monaco et Nanterre, mais encore plus cruciaux pour le devenir du basket parisien. Et quelque part national.
A Nanterre,
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Chacun peut mesurer le chemin parcouru en si peu de temps. Pour son premier match de Pro B, en 2018, le Paris Basketball naissant avait réuni sept spectateurs à Rueil dans les Hauts-de-Seine. Il s’est depuis installé à la Halle Georges-Carpentier. En janvier, il avait déjà investi l’AccorHôtel Arena pour un match anonyme de Pro B contre Aix-Maurienne et rassemblé 5 400 spectateurs. Le week-end dernier, ce sont 8 117 personnes qui sont venus, au même endroit, pour apprécier un match de gala face à Monaco. Un record d’affluence de la saison en Betclic Elite alors qu’il n’y avait que 4% d’invités avec des places allant de 12 à… 300 euros pour les sièges Jack Nicholson, en référence à l’acteur américain longtemps proche du banc des Los Angeles Lakers, au Forum d’Inglewood puis au Staple Center.
Le public a pu constater que ce club champignon est passé très vite dans la dimension supérieure sous la houlette de ses propriétaires américains, David Kahn et Eric Schwartz, qui ont fait leurs armes en NBA et qui ont l’imagination fertile. Le Paris Basketball absorbe l’univers urbain de la capitale française et le reproduit sur le parquet sous la forme d’entertainment. Ainsi, le match face à Monaco était placé sous le thème « Women’s day », avec des danseuses, des lancers de tee-shirt, un show de Ronisia, un voyage à New-York à gagner, et dans le parterre, on notait la présence de plusieurs rappeurs et influenceurs et la médaillée olympique d’escrime Ysaora Thibus. L’atmosphère à Paris est unique. Même les jeunes supporters du Kop Parisii sont électriques et…
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Photo : Juhann Begarin (Thomas Savoja)
