En 1989, nous avons assisté à un évènement unique qui ne s’est plus jamais reproduit depuis: un joueur n’appartenant pas à la ligue a participé au NBA All-Star Week-end de Houston, au cours de tirs à trois-points: le Lituanien Rimas Kurtinaitis (1,96m, 29 ans) que l’on qualifiait encore et plus pour longtemps de Soviétique.
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C’est le Commissionner David Stern qui eu l’idée (de génie, une de plus) d’inviter le blond Rimas qui portait alors une coupe mulet et une moustache totalement ringardes. L’arrière lituanien a été champion olympique avec l’URSS qui agonisait un an auparavant à Séoul avec ses compères Arvydas Sabonis et Sarunas Marciulionis. C’était un shooteur d’élite.
La NBA a alors déjà accueilli quelques étrangers dont le Bulgare Georgi Glouchkov mais ce n’est pas encore une ligue globale. Ses images ne circulent pas encore tout autour de la planète à la vitesse de la lumière. En amont, Rimas Kurtinaitis recevra une cassette vidéo du concours à trois-points de l’édition précédente afin qu’il se familiarise avec les règles. C’est donc un pionnier, de part son origine -l’URSS est sur le plan politique un ennemi des Etats-Unis- et du fait qu’il n’appartient donc pas à la NBA. D’ailleurs sa présence ne fut pas appréciée de tous. Ainsi le meneur du Utah Jazz, Johnson Stockon, lâcha au cours du week-end:
« J’estime que c’est une injustice. C’est un événement NBA, et il doit être réservé aux joueurs de la NBA.»
Il n’empêche que cette incartade servira grandement les intérêts économiques et sportifs de la ligue américaine, démontrant son ouverture aux autres pays dont les communistes. Lors de la saison suivante, les Soviétiques Alexander Volkov et Sarunas Marciulionis et les Yougoslaves Drazen Petrovic et Vlade Divac franchiront le pas. Pas le trop unidimensionnel Kurtinaitis qui partira tout de même ensuite à l’étranger dont à Chalon pour la saison 1996-97 avant plus tard de devenir pendant quatre ans Ministre des sports de la Lituanie et d’embrasser une solide carrière de coach avec trois victoires en Eurocup; il est actuellement celui du Khimki Moscou.
Rimas Kurtinaitis a complètement craqué lors de ce concours, se classant 9e avec seulement 9 points. C’est son parcours historique ce jour-là à Houston que nous vous racontons ci-dessous. Il faut avoir conscience que ce texte a été écrit il y a plus de trente ans avec la vision que pouvait avoir un journaliste français qui vivait alors son premier All-Star Weekend.
« C’est le Summitt (16 279 places) qui accueillait les spectacles de ce samedi: Gatorade Slam-Dunk Championship, American Airlines/Sheraton Long Distance Shootout, et Schik Legends Classic.
Le Schick Legends Classic, c’est le match des anciens. Anciens? Sur le parquet, plus de la moitié des joueurs invités étaient quand même plus jeunes que Kareem Abdul Jabbar, qui va avoir bientôt 42 ans.
Il y avait là quelques uns de ceux qui ont écrit les plus belles pages de l’Histoire de la ligue. Rick Barry, le plus fantastique tireur de lancers-francs jamais vu sur terre, Elvin Hayes et ses 1 303 matches en NBA, Earl Monroe la «perle» des Knicks, ou encore Oscar Robertson, MVP en 1964, un monument, qui eut droit à une chaleureuse ovation de la part du public texan.
Certains sont encore de la tête aux pieds dans le basket, tel Don Chaney, l’actuel coach des Houston Rockets, ou Paul Westphal, qui appartient au staff des Phoenix Suns. D’autres ont changé de direction. Earl Monroe est directeur d’une maison de disques; Tom McMillen est sénateur du Maryland.
Quasiment tous sont encore en forme. Ce ne fut pas une rencontre de pantouflards. Il y avait du rythme, de l’engagement physique comme l’attesta ce choc entre Rick Barry et Bobby Jones, qui laissa Barry sur le carreau.
Certains de ceux-là ont toujours des jambes d’enfer. Calvin Murphy, 1.75m, fut élu MVP, et ce Murphy, à 40 ans, aurait certainement sa place dans notre 1A française. Mieux même? C’est ce qu’estimait Jack McMahon, le coach de l’Est: «Je proteste. Murphy n’aurait pas dû participer à ce match. Il appartient encore à la NBA. Je suis sûr que 20 équipes de la ligue pourraient le faire signer!» Murphy venait de scorer 26 points dont 17 en première mi-temps, et d’expédier dans le filet, à la dernière seconde, un tir à trois points qui avait permis à l’Ouest de l’emporter 54-53. «Je n’ai jamais pensé revenir en NBA, je suis juste en bonne forme» commenta Murphy en se marrant derrière sa moustache.
Un qui ne rigolait pas, c’est notre pote Kourtinaïtis*.
Rappelons les modalités du concours de tirs à trois points. 1) La ligne est à 7.25m. 2) Les compétiteurs ont 25 ballons à disposition. Ceux-ci sont répartis dans 5 «stations» disposées autour de la ligne à égale distance. 3) Chaque panier réussit vaut 1 point. Sauf le dernier ballon de chaque «station», peint en bleu blanc rouge, qui vaut le double. 4) Le temps maximum accordé est 1 minute… 5) D’ordinaire Larry Bird se désigne vainqueur d’office. 6) Cette fois, donc, il n’était pas là.
Bon. Le premier tour rassemblait neuf joueurs. Un seul essai de 60 secondes pour chacun, et quatre d’entre-eux se retrouvaient qualifiés pour les demi-finales. Michael Adams de Denver se lança le premier à l’eau et obtint 12 points. Très moyen. Gerald Henderson de Philadelphie en totalisait 17. Pas mal. Vint donc le tour de Kourtinaïtis.
Un coup de sirène. Musique à fond. C’était parti. Rimas lançait son premier ballon, raté. Le deuxième, raté. Troisième, raté. Quatrième, raté…
En fait, il devait en transformer 7 sur 25. Comme deux étaient primés, il récoltait 9 points. Le score le plus faible obtenu cet après-midi là. Par comparaison, Cedric Hodges établissait un record avec 20 points lors de ce 1er round.
Rimas Kourtinaïtis retourna sur son banc en effectuant un geste d’impuissance avec ses mains à l’adresse de Jon Sundvold des Miami Heat. «J’étais nerveux» commenta t-il. «Pas à cause de la foule ou de la musique. Je n’entendais rien. C’était psychologique.» L’ailier de Kaunas a failli sous le poids de la pression. Il était le premier joueur FIBA invité à ce All-Star Weekend, et c’est un honneur qu’il n’est pas évident d’assumer. Il nous semble aussi qu’il faille insister sur deux points fondamentaux. 1) La ligne se situe un mètre plus loin qu’en Europe. Positionnez-vous à 7.20m et des poussières. Prenez un ballon. Shootez. Vous verrez… 2) 25 shoots, plus les déplacements, en 60 secondes, c’est de la démence. Il n’est pas question de constater si son tir est entré ou pas. A peine le fouetté de poignet effectué, il faut illico presto attraper le ballon suivant. Le rythme est infernal. C’est ça, la NBA, que ce soit dans les déplacements en avions, dans les matches, dans les shoots, le rythme est toujours infernal.
En 1986, Larry Bird avait enchaîné 11 paniers sur 11 tirs. C’était tout simplement DINGUE.
Dale Ellis (19 points contre 15 à Hodges, en finale) inscrivit finalement son nom au palmarès de l’épreuve. Ellis? Voilà peut-être bien un nom dont vous n’aviez jamais entendu parler. C’est un guard, noir, de 2 mètres, qui officie aux Seattle Supersonics. Il a 28 ans, a fait sa scolarité à Tennessee, et a 6 saisons en NBA derrière lui. Et c’est l’un des shooteurs les plus prolifiques de la ligue depuis 3 ans.
L’année dernière, il fut le second de maître Bird lors de ce concours de tirs à trois points. Ellis shoote à 7.25m en suspension. D’un geste souple, parfait. Il ne fait pas que ça. La preuve: il était sélectionné pour le match du dimanche dont il aurait été probablement élu le MVP si Karl Malone n’avait pas fait des siennes. »
- A l’époque on écrivait Kourtinaitis. Beaucoup de noms étrangers ont été ensuite anglicisé du fait de la mondialisation.
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C’est le Commissionner David Stern qui eu l’idée (de génie, une de plus) d’inviter le blond Rimas qui portait alors une coupe mulet et une moustache totalement ringardes. L’arrière lituanien a été champion olympique avec l’URSS qui agonisait un an auparavant à Séoul avec ses compères Arvydas Sabonis et Sarunas Marciulionis. C’était un shooteur d’élite.
La NBA a alors déjà accueilli quelques étrangers dont le Bulgare Georgi Glouchkov mais ce n’est pas encore une ligue globale. Ses images ne circulent pas encore tout autour de la planète à la vitesse de la lumière. En amont, Rimas Kurtinaitis recevra une cassette vidéo du concours à trois-points de l’édition précédente afin qu’il se familiarise avec les règles. C’est donc un pionnier, de part son origine -l’URSS est sur le plan politique un ennemi des Etats-Unis- et du fait qu’il n’appartient donc pas à la NBA. D’ailleurs sa présence ne fut pas appréciée de tous. Ainsi le meneur du Utah Jazz, Johnson Stockon, lâcha au cours du week-end:
« J’estime que c’est une injustice. C’est un événement NBA, et il doit être réservé aux joueurs de la NBA.»
Il n’empêche que cette incartade servira grandement les intérêts économiques et sportifs de la ligue américaine, démontrant son ouverture aux autres pays dont les communistes. Lors de la saison suivante, les Soviétiques Alexander Volkov et Sarunas Marciulionis et les Yougoslaves Drazen Petrovic et Vlade Divac franchiront le pas. Pas le trop unidimensionnel Kurtinaitis qui partira tout de même ensuite à l’étranger dont à Chalon pour la saison 1996-97 avant plus tard de devenir pendant quatre ans Ministre des sports de la Lituanie et d’embrasser une solide carrière de coach avec trois victoires en Eurocup; il est actuellement celui du Khimki Moscou.
Rimas Kurtinaitis a complètement craqué lors de ce concours, se classant 9e avec seulement 9 points. C’est son parcours historique ce jour-là à Houston que nous vous racontons ci-dessous. Il faut avoir conscience que ce texte a été écrit il y a plus de trente ans avec la vision que pouvait avoir un journaliste français qui vivait alors son premier All-Star Weekend.
« C’est le Summitt (16 279 places) qui accueillait les spectacles de ce samedi: Gatorade Slam-Dunk Championship, American Airlines/Sheraton Long Distance Shootout, et Schik Legends Classic.
Le Schick Legends Classic, c’est le match des anciens. Anciens? Sur le parquet, plus de la moitié des joueurs invités étaient quand même plus jeunes que Kareem Abdul Jabbar, qui va avoir bientôt 42 ans.
Il y avait là quelques uns de ceux qui ont écrit les plus belles pages de l’Histoire de la ligue. Rick Barry, le plus fantastique tireur de lancers-francs jamais vu sur terre, Elvin Hayes et ses 1 303 matches en NBA, Earl Monroe la «perle» des Knicks, ou encore
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Article paru dans Maxi-Basket en mars 1989.
Photo: Les participants au concours à trois-points du all-Star Game 1989. Rimas Kourtinaitis porte le numéro 12.