Vendredi, un match de la saison régulière de NBA se tiendra à Paris-Bercy: Charlotte Hornets vs Milwaukee Bucks. Une grande première. Il y a trois décennies, en octobre 1991, la capitale française accueillait  pour la première fois une équipe de la ligue américaine, les prestigieux Los Angeles Lakers de Magic Johnson dans le cadre de l’Open McDonald’s. Le Limoges CSP et la Joventut Badalona avaient été invités à leur donner la réplique. Un tournoi pour l’Histoire. Quelques jours plus tard, Magic annonçait qu’il était porteur du virus du SIDA. L’onde de choc fut mondiale et les fans français incrédules. Comment un tel héros pouvait être touché par une maladie potentiellement mortelle ?

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« Ce n’est pas vrai, m’sieur? » Pas Magic… Pas lui… » Le gamin avait des trémolos dans la voix. Il ne voulait pas croire ce que les radios avaient ressassé le matin à son réveil et ce que ses copains lui avaient confirmé à son arrivée à l’école. Il a 12 ans. Il a téléphoné à la Rédaction de Maxi-Basket, espérant que tout cela était des blagues, une mauvaise plaisanterie. Nous, on le savait depuis la veille au soir. La rumeur avait couru tout au long de la journée du 7 novembre aux Etats-Unis, et les joueurs américains évoluant en France en avaient été les premiers informés par leurs familles. Un peu après minuit, heure française, la chaîne d’information CNN avait interrompu ses programmes pour diffuser, en direct du Forum, la conférence de presse de Magic. «Parce que je suis infecté par le virus HIV (Human Immunodeficiency Virus). Je quitte aujourd’hui même les Lakers.» Magic avait souri. Son sourire magique. Et nous aussi, incrédules, on avait dit: «Pas Magic… Pas lui…»

«J’ai l’intention d’aller de l’avant, j’ai un plan pour vivre longtemps, et je vais continuer à vous embêter comme je l’ai toujours fait»

Les faits: c’est dès son retour de Paris et du McDonald’s, le 20 octobre, que Magic avait ressenti un état de fatigue général. Le 25, il était parti en déplacement avec les Lakers à Salt Lake City, mais était revenu précipitamment à L.A dans la journée. Lors des premiers jours de novembre, le staff médical du club avait annoncé officiellement que Magic avait le flu, la grippe. Il avait ajouté que le meneur des Lakers ne se sentait pas dans son assiette, qu’il avait maigri, qu’il avait été sujet à des malaises. Après être resté à la maison lors des deux derniers matches d’exhibition, Magic avait été dispensé des trois premières rencontres de la saison régulière. Les Lakers en avaient perdu deux.

En fait, parallèlement à son état grippal, Magic avait passé un examen sanguin, fin octobre. Il souhaitait contracter une assurance-vie. Or, depuis trois ans, les compagnies d’assurances américaines exigent un dépistage systématique du virus du SIDA. C’est donc à cette époque que Magic a eu connaissance du terrible verdict, et le mercredi 6 novembre qu’il en a eu confirmation à la suite d’un examen plus approfondi. «Sa grippe n’avait rien à voir avec le virus HW», précisera, plus tard, son agent Lon Rosen.

Sitôt le diagnostic confirmé, Magic en informa sa famille, son club, la ligue, son ancien coach Pat Riley -aujourd’hui aux Knicks-, Michael Jordan et Larry Bird. Il décida également de rendre la nouvelle publique et de faire une conférence de presse, en y conviant, à la tribune, David Stern le patron de la NBA, Kareem Abdul-Jabbar son vieux copain des Lakers, Jerry West le GM du club, et Cookie son sweetheart du Michigan avec laquelle il s’est marié le 14 septembre dernier.

Les 300 journalistes présents dans la salle de presse du Forum, les millions de téléspectateurs à travers le Monde, furent encore une fois fascinés. Cet homme de 32 ans, reconnu comme le plus grand basketteur des années 80, riche à millions, qui venait d’apprendre, quelques jours auparavant, qu’il portait en lui le germe d’une maladie mortelle plaisantait, parlait d’avenir, roulait ses grands yeux rieurs sur l’assistance et souriait.

Son sourire. Son sourire éternellement magique. De sa voix douce, il confia: «soyons tout de suite clair: je n’ai pas le SIDA mais le virus HIV. J’ai l’intention d’aller de l’avant, j’ai un plan pour vivre longtemps, et je vais continuer à vous embêter comme je l’ai toujours fait. La vie continue, et je vais être un homme heureux. (…) C’est un nouveau challenge. C’est comme lorsque vous êtes le dos au mur, il faut swinguer pour s’en sortir. C’est ce que je vais faire.»

Magic souriait et pourtant il savait. Il savait que depuis 1981, date à laquelle il a été identifié, le virus a infecté officiellement de 8 à 10 millions d’adultes sur toute la planète, et même davantage car le dépistage est loin d’être systématique. Que si ce virus n’est pas immédiatement synonyme de SIDA, TOUS les séropositifs sont amenés à le développer. Que c’est juste une question de temps. De mois ou d’années. Il faut, d’après les dernières estimations, dix ans et demi, en moyenne, pour passer d’un stade à l’autre. Que le SIDA conduit invariablement à la mort. Qu’il n’y a toujours pas, en 1991, de remède magique.

Les toubibs l’avaient également prévenu que ni sa force athlétique, ni son régime de vie de sportif ne sont, vraisemblablement, en mesure de ralentir le processus de la maladie.

Que la poursuite de son activité de basketteur risquerait même d’accélérer la dégradation de son système immunitaire. C’est pourquoi Magic a choisi d’arrêter la compétition, «même si le jeu va me manquer.»

Magic n’a pas attrappé un sale virus pour rien. Il va désormais mener la bataille contre le SIDA

Magic n’a pas déclaré avec qui il pensait avoir contracté le virus. Il a seulement précisé que sa femme Cookie, enceinte de sept semaines, est toujours séronégative, et que, de l’avis des médecins, leur futur bébé n’a pas été affecté.

Le courage de Magic Johnson qui a avoué, sans attendre, être porteur du virus va très certainement bousculer les tabous, faciliter la prévention et accélérer la recherche. «J’ai l’intention de devenir un porte-parole pour les gens atteints du virus HIV (1). Je veux que tous, particulièrement les jeunes, prennent conscience qu’il faut pratiquer le safe sex. Quelquefois les gens sont un peu naïfs et ils pensent que seuls les homosexuels peuvent l’attraper, que ça n’arrive qu’aux autres. Je suis là pour vous dire que ça peut arriver à n’importe qui. Même à moi, Magic Johnson…»

Il y a au moins deux bonnes raisons pour que l’Amérique et le reste de la planète soient profondément choqués et écoutent attentivement le message du meneur des Lakers:

1- Earvin Johnson est un sportif en pleine force de l’âge. Il n’est pas homosexuel. Il ne se drogue pas. Il fait partie des 75% d’adultes qui ont été infectés par le virus par voie hétérosexuelle (NDLR: rapports sexuels avec des personnes du sexe opposé), chiffre donné récemment par l’Organisation Mondiale de la Santé.

2- Si le virus avait déjà touché des athlètes comme Jerry Smith (receiver de la NFL), Tom Wadden (décathlonien) et Tim Richmond (pilote de course), si au total 32 sportifs sont décédés des suites de cette maladie, aucun n’avait l’impact médiatique de Magic.

Personne, même Michael Jordan, n’a contribué autant que le meneur des Lakers au développement de la NBA aux Etats-Unis et à l’étranger depuis douze ans. Synonyme de fun, de joie de vivre, Magic, basketteur d’exception, est devenu une célébrité mondiale à l’image très clean.

L’acteur Rock Hudson était, jusque là, la seule personnalité de renommée internationale à avoir révélé sa maladie. C’était en 1985 et il en était alors au stade terminal. Rock Hudson était homosexuel et l’Amérique puritaine prit peur mais refusa de s’associer avec «cet homme frappé de la punition de Dieu.» «Mais là c’est différent», explique un chercheur américain, «aucun jeune n’avait Rock Hudson en poster dans sa chambre.»

Magic est un véritable héros dans la communauté noire américaine, ravagée davantage que toute autre par le SIDA (56.000 cas déclarés sur les 196.000 recensés aux Etats-Unis). Magic y est adulé car il a fait fortune tout en restant simple, disponible, affable. Il n’a jamais attrapé la grosse tête. Il a toujours dit que s’il n’avait pas eu de dons pour le basket, il serait devenu un modeste ouvrier chez General Motors, là-bas dans le Michigan, sa terre natale. Et c’est pourquoi l’annonce de sa séropositivité a secoué la conscience d’une communauté qui jusque-là avait tendance à pratiquer la politique de l’autruche.

Magic est aussi un exemple dans tout le mouvement sportif américain, où il n’a que des amis, où il n’a jamais suscité la moindre jalousie. La vie sexuelle des athlètes américains était jusque-là souvent proche de la débauche et renforçait leur image de mâles à qui rien ne résiste. C’est ainsi que Wilt Chamberlain a fait état de 20.000 conquêtes féminines dans son livre A View From Above (soit une par jour en moyenne depuis sa naissance !) alors que Tom Henderson, ex-linebacker des Dallas Cowboys, admet dans sa bio, intitulée Out of Control avoir couché avec un millier de femmes durant ses 5 ans aux Cowboys en comptant les aventures d’une nuit, les romances de 3 jours et les parties carrées à 4 ou 5… Ce genre de confessions (vantardises?) risque désormais d’être cloué au piloris, du moins pendant un certain temps. C’est ainsi que la première réaction de la star du football Lawrence Taylor (New York Giants) fut de déclarer: «je vais faire un test demain.» D’autres sportifs, à tous les niveaux; vont passer des examens sanguins. Il est à craindre que certains auront eux aussi une mauvaise surprise.

Magic est aussi, depuis quelques années, un modèle pour les enfants du monde entier qui flashent sur ses passes-laser et qui n’ont pas résisté à son sourire d’éternel grand môme.

La presse internationale a fait ses gros titres sur le virus de Magic. El Pais, le quotidien espagnol, lui a consacré deux pages. «C’est une tragédie», pouvait-on lire à la «une» des journaux japonais. D’Angleterre en Australie, en passant par la Norvège et l’Italie, les éditorialistes rendaient hommage à la carrière et au courage du champion. En France, toutes les radios, toutes les télévisions, relayées par une partie de la presse quotidienne comme Libération, ont ouvert leurs journaux d’information sur Magic Johnson. On a découvert ça, le lendemain de la conférence de presse, avec un peu de stupéfaction dans la mesure où le meneur des Lakers avait été en partie snobé, trois semaines plus tôt, quand il était venu à Paris avec son équipe à l’occasion du McDonald’s Open. JAMAIS un basketteur n’a eu droit, en France, à un tel traitement médiatique. C’est sa plus grande victoire. Magic n’a pas chopé un sale virus pour rien. Il va maintenant lutter pour lui et pour nous tous. Pour que l’on se débarrasse très vite de cette maladie mortelle.

Quand vous regarderez ses posters, accrochés aux murs de votre chambre, n’oubliez pas son message: «safe sex». Sexe sans danger. Autrement dit: «portez des préservatifs!» Des raincoats américains, si vous préférez. Cela peut arriver à n’importe qui, même à lui, Magic Johnson.

(1) Trois jours plus tard, la Maison Blanche a annoncé qu’elle nommait Magic à la tête de la Commission Nationale de Lutte Contre le SIDA. ★

VENT DE PANIQUE

Un vent de folie a soufflé sur l’Amérique dans les heures et les jours qui ont suivi la conférence de presse de Magic.

Dès le lendemain, les cliniques ont été assaillies de coups de téléphone. A l’hôpital Edmund D. Edelman de Hollywood, on a enregistré 200 appels entre 15 et 17 heures alors que les demandes de test sont de l’ordre de 700 par mois.

A Atlanta, au Centre de Contrôle de la maladie, l’équivalent du numéro vert pour le SIDA, qui reçoit habituellement 3.000 appels par jour, 40.000 personnes se sont manifestées entre 17h et minuit!

A New York, un dispensaire a dû embaucher sur-le-champ 9 personnes supplémentaires pour répondre au téléphone. Etc.

«Des gens pleurent au téléphone», explique Debra Pinto, réceptionniste dans un dispensaire, «ils ont peur.» Une autre, Lupe Gomez à East Los Angeles, a dû user de tout son sens pédagogique pour rassurer une mère de famille: elle redoutait pour la vie de ses 2 petites filles qui avaient fait un câlin à leur beau-père qui est séropositif.

Les libraires ont été assaillis de demandes d’ouvrage sur cette maladie alors que les actions des sociétés américaines de préservatifs ont fait des bonds le lendemain à Wall Street. Celles de la société Carter-Wallace Inc. ont ainsi grimpé de 8$ dès l’ouverture du marché. De même les titres de Rhône-Poulenc Rorer et de Immune Response, qui travaillent ensemble à la préparation d’un vaccin destiné à lutter contre le virus du SIDA, ont enregistré une hausse sensible.

Un téléthon organisé par une chaîne de télévision a recueilli 1 million de dollars de dons en quelques heures. Nombre de téléspectateurs ont envoyé des chèques de… 32 dollars. Le numéro magique. ★

LES CELEBRITES

Quantité de célébrités ont témoigné leur affection au meneur des Lakers dans les heures qui ont suivi sa conférence de presse.

George BUSH (Président des Etats-Unis)

« C’est une tragédie, C’est un héros pour moi et pour tous ceux qui aiment le sport. »

Pat RILEY (Coach New York Knicks)

« Il a un énorme courage. C’est un dur combat. Mais il le mènera.»

Charles BARKLEY (Philadelphia Sixers)

«Si nous avons envoyé quelqu’un sur la lune, nous devons être capables de faire quelque chose à propos de ce désastre.»

Jack JOHNSON (grand-père de Magic, 80 ans)

«Je suis fier de lui plus que jamais.»

DANS LA RUE A LOS ANGELES

Jake DORIAN (Marchand de journaux)

«Ce n’est pas le genre de truc qu’on pensait pouvoir lui arriver. Il avait l’air intouchable, c’était un symbole. »

Scott ROBINSON (Photographe de presse)

«C’est comme si on nous avait annoncé que le Père Noël n’existait plus.»

DES GAMINS sous un panneau de basket

«Quoiqu’il arrive, nous l’aimerons toujours. Allez, on va jouer, en l’honneur de Magic.»

DANS LA PRESSE

Ira BERKOW (New York Times)

« Il est sans doute le meilleur basketteur que ce jeu ait jamais connu. Mais plus que ça, plus que Magic Johnson le joueur nous nous rappelons du sourire de Magic Johnson, l’homme.»

Tony KORNHEISER (Washington Post)

«J’ai ressenti la même réaction de stupéfaction qu’il y a 28 ans, alors que j’étais en classe de maths, et que la rumeur de l’assassinat de John Kennedy a parcouru l’école comme dans un mauvais rêve.»

Michael WILBON (Washington Post)

«Si le basket-ball éclipse un jour le soccer (football européen) comme sport mondial numéro 1, Magic Johnson, plus que n’importe qui depuis l’homme qui a inventé le jeu, en sera la raison.» ★

Magic était la vedette du Arsenio Hall Show le lendemain de sa conférence de presse. Emouvant.

Le Arsenio Hall Show est l’un des talk shows les plus populaires aux Etats-Unis. Enregistré quotidiennement aux Studio Paramount l’après-midi, il est diffusé tous les soirs à 11 heures.

Arsenio Hall, qui est un ami personnel de Magic, et qui va souvent supporter les Lakers au Forum, partageait la vedette avec Eddie Murphy dans le film Un Prince à New York. Il est drôle, cabot et assez « cire-pompe ». Ses roulements d’yeux son célèbres et il ne se départir jamais d’un sourire Pepsodent « larger than life. »

Magic et Arsenio arrivent sur le plateau côte à côte, blouson en cuir multicolore pour l’animateur, costume léger, blanc cassé pour Magic qui illumine déjà l’écran d’un sourire non feint. Il adresse des signes à la foule des spectateurs, standing ovation (ovation debout) de plusieurs minutes… tant pis pour les spots de pub.

Gros plan sur le visage de Magic, toujours le même sourire, l’état de grâce, à aucun moment de l’émission, il ne laissera échapper une larme ou ne serait-ce qu’une mimique qui laisserait supposer un instant d’émotion. Une incroyable sérénité se dégage de son visage, il a les yeux d’un enfant, grands ouverts, les sourcils en apostrophe qui sont comme une suspension à sa grande carcasse nonchalante.

C’est Barry White, invité musical du show qui fait l’annonce sur fond de musique funky allegre couverte par les bravos. Arsenio se racle la gorge, « yeah, yeah… » « Earvin Magic Johnson », lance-t-il à la cantonade… redoublement de cris dans la foule, le direct viendrait du Forum des Lakers qu’il n’y aurait pas davantage de bruit.

Magic les calme, l’interview commence.

A.H.: Ma première question c’est: pourquoi es-tu là ?

M.J. : Je veux que chacun comprenne que j’ai le virus HIV, je veux que tout le monde pratique le « safe sex », qu’ils mettent des préservatifs. Quand les médecins m’ont parlé du SIDA, ils m’ont dit qu’il y avait un million de personnes aux USA qui ont le virus et qui ne le savent même pas. Voilà pourquoi hier je suis allé devant le public, pour dire « je l’ai », je veux éduquer le public, la communauté noire, il ne faut pas en avoir honte.

A.H.: De façon évidente, il y a des gens qui en arrière-pensée se disent que cela provient d’une relation homosexuelle et… allez donc…

M.J. : (imperturbable) D’abord, je suis assez loin d’être un homosexuel, tu le sais déjà, toi… Rires et chahut dans le public… et tous ceux qui me sont proches le savent. Cela n’arrive pas qu’aux gays, c’est tellement faux de penser ça.

A.H.: Quand j’étais gamin, je disais à mon père « pourquoi Dieu tolère t-il que les mauvaises choses arrivent aux bonnes personnes? ». Tu t’es demandé « pourquoi moi? »

M.J. : C’est toujours ce que l’on se dit quand ça arrive mais il ne m’a pas fallu 5 minutes pour comprendre : « pourquoi moi ? » A travers le basket-ball, Dieu m’a mis là pour ça. Ce que j’ai accompli sur le terrain, je l’ai transformé en bizness, quoi qu’il m’arrive je n’aurais pas à travailler un seul jour de ma vie. Alors Dieu s’est dit O.K., on a fait de toi athlète, mais rappelle toi que tu as un cerveau aussi, alors maintenant il me dit d’éduquer le public sur ce qui se passe en dehors des terrains de jeu avec ce virus HIV. Alors voilà, moi je ne crains pas le virus, je ne suis pas déprimé, je suis là, je l’ai, mais ça ne va pas m’empêcher de vivre… et vous n’avez pas à vous écarter de moi en disant (il prend un air atterri) « ooh ! oo ! Voilà Magic, ooh ! »

Rires et applaudissements dans l’assistance, incroyable, comment il arrive à dédramatiser la situation et ce n’est pas un numéro, quand on voit ce visage-là, ce n’est pas possible, Magic est un saint. C’est vraiment très, très émouvant.

Et il continue :

M.J. : Donnez-moi mes High Five (tapes dans les mains), mes accolades, mes baisers, dites-moi « Est-ce que tu prends bien tes médicaments, tu fais de l’exercice ? » Voilà, c’est de ça dont j’ai besoin, juste que vous (le public) soyez vous-même, vous n’avez pas à avoir de la peine pour moi parce que si je MEURS DEMAIN, j’aurais eu la plus belle des vies qu’on puisse rêver.

Re-applaudissements, clameurs, Magic n’a pas cillé une seule seconde en prononçant ces paroles.

Arsenio reprend l’interview :

A.H.: Quand l’as-tu appris à ta femme ?

M.J. : En rentrant des examens, oh! bien sûr elle a crié. Puis elle a fait le test : Négatif. Le bébé va bien… j’ai gagné dans un sens ce que j’ai perdu de l’autre (…)

A.H.: Quand t’es tu rendu compte que quelque chose n’allait pas ?

M.J. : Avant le test, tu ne sais pas que quelque chose ne va pas… il faut le faire pour savoir(…) Même en ce moment, je me sens très bien, je m’entraîne, ça va. Si je continuais à jouer et à me mettre du stress dans l’esprit et dans le corps, alors le virus m’attaquerait dans 4 ou 5 ans. Là, j’ai une chance de vivre encore loooonnngtemps si je fais ce que l’on me dit.

Rires. Applaudissements.

M.J. : Je n’abandonne rien de mes projets. Je veux monter ma propre équipe voir les « Magic Girls » danser, voir l’équipe se mettre au charbon et vouloir gagner le championnat. ★

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« Ce n’est pas vrai, m’sieur? » Pas Magic… Pas lui… » Le gamin avait des trémolos dans la voix. Il ne voulait pas croire ce que les radios avaient ressassé le matin à son réveil et ce que ses copains lui avaient confirmé à son arrivée à l’école. Il a 12 ans. Il a téléphoné à la Rédaction de Maxi-Basket, espérant que tout cela était des blagues, une mauvaise plaisanterie. Nous, on le savait depuis la veille au soir. La rumeur avait couru tout au long de la journée du 7 novembre aux Etats-Unis, et les joueurs américains évoluant en France en avaient été les premiers informés par leurs familles. Un peu après minuit, heure française, la chaîne d’information CNN avait interrompu ses programmes pour diffuser, en direct du Forum, la conférence de presse de Magic. «Parce que je suis infecté par le virus HIV (Human Immunodeficiency Virus). Je quitte aujourd’hui même les Lakers.» Magic avait souri. Son sourire magique. Et nous aussi, incrédules, on avait dit: «Pas Magic… Pas lui…»

«J’ai l’intention d’aller de l’avant, j’ai un plan pour vivre longtemps, et je vais continuer à vous embêter comme je l’ai toujours fait»

Les faits: c’est dès son retour de Paris et du McDonald’s, le 20 octobre, que Magic avait ressenti un état de fatigue général. Le 25, il était parti en déplacement avec les Lakers à Salt Lake City, mais était revenu précipitamment à L.A dans la journée. Lors des premiers jours de novembre, le staff médical du club avait annoncé officiellement que Magic avait le flu, la grippe. Il avait ajouté que le meneur des Lakers ne se sentait pas dans son assiette, qu’il avait maigri, qu’il avait été sujet à des malaises. Après être resté à la maison lors des deux derniers matches d’exhibition, Magic avait été dispensé des trois premières rencontres de la saison régulière. Les Lakers en avaient perdu deux.

En fait, parallèlement à son état grippal, Magic avait passé un examen sanguin, fin octobre. Il souhaitait contracter une assurance-vie. Or, depuis trois ans, les compagnies d’assurances américaines exigent un dépistage systématique du virus du SIDA. C’est donc à cette époque que Magic a eu connaissance du terrible verdict, et le mercredi 6 novembre qu’il en a eu confirmation à la suite d’un examen plus approfondi. «Sa grippe n’avait rien à voir avec le virus HW», précisera, plus tard, son agent Lon Rosen.

Sitôt le diagnostic confirmé, Magic en informa sa famille, son club, la ligue, son ancien coach Pat Riley -aujourd’hui aux Knicks-, Michael Jordan et Larry Bird. Il décida également de rendre la nouvelle publique et de faire une conférence de presse, en y conviant, à la tribune, David Stern le patron de la NBA, Kareem Abdul-Jabbar son vieux copain des Lakers, Jerry West le GM du club, et Cookie son sweetheart du Michigan avec laquelle il s’est marié le 14 septembre dernier.

Les 300 journalistes présents dans la salle de presse du Forum, les millions de téléspectateurs à travers le Monde, furent encore une fois fascinés. Cet homme de 32 ans, reconnu comme le plus grand basketteur des années 80, riche à millions, qui venait d’apprendre, quelques jours auparavant, qu’il portait en lui le germe d’une maladie mortelle plaisantait, parlait d’avenir, roulait ses grands yeux rieurs sur l’assistance et souriait.

Son sourire. Son sourire éternellement magique. De sa voix douce, il confia: «soyons tout de suite clair: je n’ai pas le SIDA mais le virus HIV. J’ai l’intention d’aller de l’avant, j’ai un plan pour vivre longtemps, et je vais continuer à vous embêter comme je l’ai toujours fait. La vie continue, et je vais

Article paru dans Maxi-Basket en décembre 1991

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