Jusque-là plusieurs fois nominé et jamais élu, le SC Moderne va s’imposer nationalement trois fois et confirmer Le Mans comme place forte du basket. C’était il y a exactement quarante ans.
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Samedi 18 mars 1978. Le SCM Le Mans fait match nul à Caen (99-99) dans une ambiance sulfureuse et, d’après les commentateurs, avec « un arbitrage totalement dépassé ». Suite à une faute de Didier Dobbels, l’Américain James Lister a exécuté les deux lancers-francs décisifs à onze secondes du buzzer. Avec neuf points d’avance, les Manceaux ne peuvent plus être dépassés au classement. Bernard Gasnal a écouté la retransmission radiophonique sur son transistor. «Quinze ans de Nationale, trente-quatre ans de club pour en arriver là. L’instant d’émotion passé, j’ai réalisé que nous étions champions de France. »
Bernard Gasnal est l’ancien président du club. Il était aussi le chef du personnel des Comptoirs Modernes, une société de distribution qui a fait bâtir en 1957 la salle Gouloumès, qui finance en large partie le SC Moderne, et qui longtemps a employé ses joueurs. Le SCM est une référence mais sinon une Coupe de France en 1964, il s’est contenté jusque-là d’accessits. « Après Poulidor, j’étais bien placé pour les secondes places. Et voilà le titre qui s’offre à moi. Je pourrai dire que j’étais du match décisif », commente ainsi Michel Audureau, revenu aux affaires à trente-sept ans, et lui-même employé aux Comptoirs.
Culture basket
Le milieu des années soixante-dix a marqué une rupture. Les joueurs ont soit une activité extérieure, comme Claude Peter qui tient une agence spécialisée dans l’intérim, soit sont devenus des professionnels, même si le métier de basketteur n’est pas encore reconnu. La Rotonde et ses 5 000 places ont succédé à Gouloumès et Le Mans a recruté quelques-uns des meilleurs joueurs français. Eric Beugnot (2,00m), fils de Jean-Paul, est le véritable franchise player du club. C’est un formidable battant doté d’une musculature qui serait encore jugée exceptionnelle au XXIe siècle. Transfuge de Denain, Hervé Dubuisson, 21 ans, est considéré comme un prodige. Dub est le meilleur marqueur de l’équipe avec 18,3 pts. Beugnot et Dubuisson ? Le feu et la glace. Jacky Lamothe, façonné par André Buffière, sous des allures de grand échalas, est un guerrier. Bill Cain, qui a stationné à Vichy avant d’être transféré au Mans, est un « naturalisé » athlétique, combatif et consciencieux. Tous les quatre sont internationaux.
Les deux Américains sont également des perles. Arrivé quatre ans plutôt, le Blanc Lloyd King est un meneur-scoreur qui est déjà une légende vivante. Ses passes sont sèches et son geste du shoot est issu d’un précis technique. Le Noir James Lister est un pivot défensif, sobre, qui sait exactement ce qu’il faut faire et quand il faut le faire. Son départ –il n’avait pas payé ses impôts- coûtera très cher au SCM l’année suivante en Coupe des Champions. Les Modernistes, comme on les appelle, seront écartés de la poule finale à six à cause d’un point-average défavorable de… 20/1000e de point ! Le Mans et l’Europe, ça ne sera jamais une histoire d’amour.
Mais, Michel Audureau est formel, si le SCM a régné sur le championnat de France, c’est grâce à son collectif : « une équipe de copains soudés. Je n’avais jamais vu ça. Tout le monde était capable de se défoncer pour l’autre. Un état d’esprit exceptionnel. »
Le SCM en est à 395 rencontres jouées depuis son entrée en première division, en octobre 1962, pour 239 victoires, 15 nuls et 141 défaites. Ce bail de quinze ans a permis en ville de créer une véritable culture basket, d’autant que les joueurs se sont fondus dans le paysage. Eric Beugnot possède un magasin de disques dans lequel va bientôt travailler un temps son frère Greg, et Hervé Dubuisson un magasin de prêt-à-porter féminin. « Pas exubérant le public manceau ? », s’interroge Ouest France au lendemain de la victoire sur Orthez et du sacre à domicile. « Sans doute est-ce l’un des plus sages. A moins qu’une colonie bruyante de voisins comme Caen ou Tours lors des derbys mémorables ne viennent exciter sa pondération. Ce qu’il apprécie d’abord, c’est le basket, le vrai. »
Les lancers de Greg Beugnot
Samedi 24 mars 1979. Le SC Moderne remporte un deuxième titre après une victoire sur Nice, 93-84. Curieusement, son coach n’est pas sur le banc. D’après la presse, Bill Sweek assiste au même moment à Los Angeles à un obscur rassemblement universitaire pour le compte de son nouvel employeur, Adidas. Claude Peter, qui est soir de sa carrière, l’a remplacé sur le banc. La situation est anachronique mais le club est très redevable à l’Américain. L’ancien équipier de Lew Alcindor, alias Kareem Abdul-Jabbar, à UCLA, finaliste de la Coupe des Champions féminine avec le Clermont UC, a apporté l’autorité nécessaire pour gérer un groupe de stars. Ce second titre consécutif est obtenu avec les mêmes joueurs français, mais avec un pivot américain, Randy Gentry, moins clairvoyant que James Lister et qui est souvent freiné par les fautes.
Sitôt le titre obtenu, Jacky Lamothe retourne à la clinique. Sa femme vient d’accoucher d’Olivier, qui sera lui-même plus tard un basketteur professionnel.
Samedi 20 mars 1982. Deux jours auparavant, le Limoges CSP a gagné la Coupe Korac à Padoue. Au nom du basket français, les Manceaux les reçoivent à la Rotonde avec un bouquet de roses. Le Maine Libre annonce que 15 000 Sarthois auraient pu assister au choc si la salle avait été assez vaste. Les Limougeauds, qui ont très peu dormis dans la nuit du jeudi au vendredi, et qui ont été sollicités ensuite pour raconter leur épopée et être célébrés, sont sur les nerfs, mais parfaitement décontractés. Les Manceaux sont, eux, à la fois reposés et nerveux. La Rotonde est pleine à craquer, l’ambiance… digne de Beaublanc. Le Mans prend dix points d’avance, mais les perd très vite. Bref, on en est à 80 partout à trois secondes de la fin. Faute limougeaude. Bob Purkhiser, successeur de Bill Sweek, a l’option réglementaire de demander une remise en touche ou de faire tirer les lancers à Greg Beugnot. Monsieur est joueur et Greg se met sur la ligne. « Je n’ai pensé à rien. J’ai fait le trou complet. Si, j’ai pensé au geste technique juste avant de me retrouver sur la ligne. Je n’ai jamais douté de ma réussite. »2/2. Victoire mancelle.
Une semaine plus tard, une « nuit des champions » réunit l’équipe et ses supporteurs à la salle Gouloumès. « Le plus dur commence », assure le président Jean Bigot. « Nous devons bâtir une véritable équipe à vocation européenne.» Le club ne sait pas qu’il est là à son apogée et que le prochain moment de gloire se vivra vingt-quatre ans plus tard, sous le nom de MSB.
Article paru dans Basket Hebdo en 2015.
L’équipe championne en 1982.
De gauche à droite, en haut : Jean-Marc Conter (directeur sportif), Floyd Allen, Bill Cain, Eric Beugnot, Jacky Lamothe, Bob Wymbs, Bob Purkhiser (coach). En bas : Patrice Fresnais, Bruno Ruiz, Vincent Collet, Greg Beugnot, Daniel Owen
Bill Cain, un « naturalisé » qui servit de poutre au jeu intérieur manceau.
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Samedi 18 mars 1978. Le SCM Le Mans fait match nul à Caen (99-99) dans une ambiance sulfureuse et, d’après les commentateurs, avec « un arbitrage totalement dépassé ». Suite à une faute de Didier Dobbels, l’Américain James Lister a exécuté les deux lancers-francs décisifs à onze secondes du buzzer. Avec neuf points d’avance, les Manceaux ne peuvent plus être dépassés au classement. Bernard Gasnal a écouté la retransmission radiophonique sur son transistor. «Quinze ans de Nationale, trente-quatre ans de club pour en arriver là. L’instant d’émotion passé, j’ai réalisé que nous étions champions de France. »
Bernard Gasnal est l’ancien président du club. Il était aussi le chef du personnel des Comptoirs Modernes, une société de distribution qui a fait bâtir en 1957 la salle Gouloumès, qui finance en large partie le SC Moderne, et qui longtemps a employé ses joueurs. Le SCM est une référence mais sinon une Coupe de France en 1964, il s’est contenté jusque-là d’accessits. « Après Poulidor, j’étais bien placé pour les secondes places. Et voilà le titre qui s’offre à moi. Je pourrai dire que j’étais du match décisif », commente ainsi Michel Audureau, revenu aux affaires à trente-sept ans, et lui-même employé aux Comptoirs.
Culture basket
Le milieu des années soixante-dix a marqué une rupture.
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