En NBA, l’histoire est connue. Chuck Cooper fut en 1950 le premier noir drafté –par les Boston Celtics-, Nat « Sweetwater » Clifton le premier à signer un contrat pro –par les New York Knicks- et Earl Lloyd le premier à entrer en jeu –sous le maillot des Washington Capitols. La ligue américaine est aujourd’hui à majorité « African Americans ».
Pour la France, c’est beaucoup moins su. Et pourtant, en ce XXIe siècle, comme aux Etats-Unis, le basket est ici entre les mains du « Black power ». Près des trois quarts des joueurs de la Pro A sont des Noirs ou des métis, d’origine américaine, africaine ou antillaise. En équipe de France, les Blancs sont également depuis pas mal d’années minoritaires. Cinq sur douze lors des Jeux de Rio.
Il fut un temps où comme en NBA les équipes françaises étaient 100% blanches. Seulement, il ne faut pas s’y tromper. Aux Etats-Unis il s’agissait d’un véritable rejet, d’une ségrégation. Les Blacks n’avaient droit de jouer au basket qu’entre eux, la plus célèbre équipe noire de tous les temps étant les Harlem Globetrotters qui sillonnèrent le monde et qui dans les années quarante n’avaient pas sportivement d’équivalents. En France, si les équipes étaient composées exclusivement de joueurs blancs, c’est que l’immigration venue d’Afrique et des Antilles était mineure et que les bornes du recrutement se limitaient très souvent en première division à la ville ou même au village.
Le premier international antillais en 1964
« S’il y avait du racisme, ce n’était pas dit, c’était diffus. Les insultes racistes ont toujours existé, genre « remonte sur ton arbre » mais il n’y avait pas de débat sur ça. Au contraire, dans le basket on aimait beaucoup les Noirs, les Harlem étaient symboles d’étoiles, de spectacle, Tatum était une vedette », explique l’historien Gérard Bosc.
Nous avons interrogé sur le sujet, il y a quelques années, Max-Joseph Noël qui fut en 1964 et pour 7 matches le premier Antillais sélectionné en équipe de France. Même si le Martiniquais répondait au sobriquet de « Blanchette », un surnom plus bête que méchant donné communément aux footballeurs noirs, il confirmait :
« Je n’ai pas souffert de racisme. Il y a des gens de ma génération qui avaient un complexe d’infériorité vis à vis des Blancs, mais on s’est aperçu que les Blancs ne sont pas meilleurs que nous. Nous, les Antillais, sommes très satiriques. Comme pour tous les gens qui ont été esclaves, c’est une façon de résister au mauvais sort en souriant. »
Un athlète de haut vol
En définitive, l’aîné des Tony Parker, Boris Diaw, Florent et Mickaël Pietrus et autre Rudy Gobert est Roger Antoine. Le premier joueur « de couleur » comme on disait à jouer en équipe de France. Un parcours très singulier que celui de cet homme né en 1929 à Bamako, au Mali, décédé en 2003, qui mesurait 1,88m -une bonne taille à l’époque-, et qui porta le maillot violet du Paris Université Club. Voici la description qu’en fit en son temps l’entraîneur national Robert Busnel :
« Originaire de l’AOF (Ndlr : Afrique-Occidentale Française), fut conquis par le sport surtout à son arrivée en France comme étudiant. Il fut d’abord un athlète côté –spécialiste du 110m haies (Ndlr : et aussi champion de France universitaire du saut en hauteur en 1953)- et donnant beaucoup d’espoirs. Mais découvrant le basket de compétition au cours d’une soirée de bienfaisance… où il joua un rôle étincelant dans une formation de débutants (Ndlr : match opposant les athlètes du PUC à une équipe de journalistes), il fut aussitôt gagné par cette nouvelle activité. En quelques mois, grâce à des qualités athlétiques exceptionnelles, il s’imposa au tout premier plan du basket national… devenant international dès sa première saison au PUC, un an après ses débuts. »
Busnel vantait sa technique individuelle, sa détente, sa vitesse et certifiait que Roger Antoine pouvait jouer aux cinq postes sur le terrain. Le Puciste disputa un Euro (1957), un Championnat du Monde (4e en 1954) et surtout deux Jeux Olympiques, à Melbourne en 1956 où l’équipe de France, considérée comme la meilleure de tous les temps avant la génération Parker, se classa 4e et à Rome, quatre ans plus tard (10e). Antoine remporta aussi un titre national en 1963 avec le PUC et le pivot Henry Fields qui est la première vraie référence américaine du championnat de France. Un Noir lui aussi.
Le club des internationaux a rendu hommage à ce pionnier méconnu dans une vidéo.
Photo : Musée du Basket