Grandeur et décadence. Après dix ans au sommet, Nancy poursuit sa dégringolade. Comment en est-il arrivé là ?
Le SLUC ne va pas fort. Après avoir rayonné, il plonge depuis deux saisons, désespère ses plus fidèles supporters et se demande de quoi demain sera fait ? Comment un club qui s’est maintenu dix ans au sommet : deux titres de champion de France, cinq finales, une Semaine des AS, se retrouve là, aux portes de la Pro B ? La clé de l’histoire est cachée dans le fonctionnement du SLUC. En regardant au plus profond des choses apparaissent un certain nombre de causes qui expliquent le déclin : bisbilles entre les membres du directoire qui ont abouti à la démission de l’emblématique président Christian Fra, fortes divergences entre le même Christian Fra et le coach Alain Weisz, remercié depuis, finances fragiles en dépit du soutien de la métropole du Grand Nancy, absence de stratégie à long terme, incapacité, même au temps de la splendeur, à faire du SLUC une marque à laquelle un grand partenaire désire associer durablement son nom.
Pourtant à Nancy il y a tout pour réussir : la salle, les soirées VIP d’après-match, le public, une vraie culture basket et de gros CV parmi les joueurs qui ont porté les couleurs du SLUC : Nicolas Batum (durant le lock-out de la NBA), Tarik Kiksay, Ricardo Greer, Cyril Julian, Tremmell Darden, Marcus Slaughter, John Linehan, Akin Akimbala, Randal Falker, Florent Pietrus etc.
« Tout va pour le mieux jusqu’à la saison 2012-2013, la dernière avec Jean-Luc Monschau sur le banc, où le club évite la relégation d’extrême justesse »
La première rupture
Lorsqu’il arrive à la présidence où il succède à Jean-Jacques Eisenbach, un fou de basket qui avait le SLUC au cœur, Christian Fra recrute Jean-Luc Monschau au poste d’entraîneur. Immédiatement la confiance est totale, le tandem incarne la complémentarité et opère avec l’aval des autres membres du directoire dont l’actuel président Marc Barbé.
Les résultats qui propulsent aussitôt le SLUC parmi les grands, valident ce mode fonctionnement. Tout va pour le mieux jusqu’à la saison 2012-2013, la dernière avec Jean-Luc Monschau sur le banc, où le club évite la relégation d’extrême justesse. Pourtant Christian Fra souhaite reconduire son coach qui arrive en fin contrat, mais ni le reste de la cellule dirigeante ni le conseil de surveillance présidé par André Weber, ne veulent de cette solution. De là naît une première rupture au sein du directoire. C’est aussi le moment où les finances déjà fragiles et maintes fois consolidées par l’apport personnel de Christian Fra inquiètent. Le SLUC qui n’a pas anticipé les complications, même lorsque son budget était boosté par ses deux participations à l’Euroligue, se voit contraint de réduire son train de vie. A priori inimaginable et pourtant…
Lors des belles années le SLUC fonçait tout schuss sans trop se préoccuper des lendemains. Le palmarès se meublait, le club faisait partie des premiers de cordées de la Pro A, le projet était de se rapprocher des étoiles, pas de se préparer à d’éventuelles périodes de vaches maigres, c’est-à-dire se situer dans la prospective de lendemains moins florissants et d’en supporter le choc. Faut-il ou non s’appuyer sur le centre de formation ? Comment fédérer les acteurs économiques de la Lorraine mais aussi du Luxembourg, autour du SLUC ? Il y a bien le Club Affaires et un solide portefeuille de partenaires mais cela ne suffit pas pour jouer les locomotives budgétaires. Alors il faut bien prendre les enjeux à bras-le-corps et se résoudre à mettre en place une politique de rigueur. Résultat : le SLUC passe d’un modèle de conquistador à celui des économies à tout prix.
Quand il arrive à Nancy durant l’été 2013, Alain Weisz sait qu’il ne disposera pas d’une fortune pour effectuer le recrutement mais il s’en accommode et constitue un groupe où il incorpore des revanchards : Austin Nichols qu’il connaît bien, Randal Falker pas fâché de quitter la Turquie, de belles trouvailles comme Paul Harris et Clevin Hannah et, gros coup, Florent Pietrus fraîchement auréolé de son titre de champion d’Europe avec les Bleus. Alain Weisz fait aussi venir Devin Booker dont il se séparera au bout de quelques mois. C’est ce qui s’appelle passer à côté d’un énorme potentiel… Mais l’affaire passe d’autant plus inaperçue que le SLUC se qualifie pour la Leaders Cup, qu’il dispute la finale de la coupe de France (perdue contre Nanterre) et les demi-finales du championnat. Une série contre Strasbourg où il laisse passer sa chance après avoir gagné le premier match à Strasbourg.
« Il y a des frictions, des cassures et finalement des ruptures qui ne sont jamais la bonne réponse aux difficultés »
La démission de Christian Fra
Au terme de cette saison réussie les dirigeants oublient que l’assainissement des paramètres est toujours d’actualité. Si on marche sur des œufs en surveillant la masse salariale, il n’y a toujours pas de plan pour éviter le trou d’air. Florent Pietrus et Randal Falker sont encore là. Vaughn Duggins, Sergiy Gladyr et Bandja Sy les rejoignent ainsi qu’un meneur gros bouffeur de ballons mais à l’immense talent : Darius Adams qui partira dès la fin de l’année 2014 à Vitoria. La venue de Kekey Clark compense cette défection et le SLUC, une nouvelle fois, se qualifie pour les demi-finales qu’il perd contre Limoges avec une phalange décimée par une avalanche de blessures : Duggins, Pietrus, et Falker sont à l’infirmerie. Une hécatombe que la venue d’Elmedin Kikanovic, dont le recrutement a pu s’effectuer grâce à Christian Fra et André Weber qui assurent le coût de l’opération, ne suffit pas à contrebalancer.
C’est la dernière rémission avant l’agonie. La saison 2015-2016, est un long calvaire. Falker mal remis d’une intervention au genou (il a occulté la phase de rééducation à l’intersaison) est out durant semaines, les pépins physiques s’enchaînent, le recrutement est raté. Bref le SLUC est au bord du précipice et s’il n’y plonge pas c’est parce que Le Havre et Rouen sont plus mal que lui.
A la sortie de ce tunnel où ils ont frôlé le pire, les membres du directoire auraient dû se serrer les coudes, se regrouper sous la même organisation et une vision similaire des problèmes à résoudre. Au lieu de cela il y a des frictions, des cassures et finalement des ruptures qui ne sont jamais la bonne réponse aux difficultés. Des deux côtés on accorde peu de poids aux arguments de l’autre, il n’y a pas de stratégie (de volonté ?) de co-création. Les uns demandent des innovations et du changement pour faire germer les bonnes idées, Christian Fra se sent trahi, la chaîne des valeurs communes et des amitiés anciennes se rompt : il démissionne. Marc Barbé, vice-président depuis la saison 2004-2005 lui succède. Son objectif : rencontrer un maximum de futurs partenaires susceptible de l’appuyer dans un projet de stabilisation puis de développement. Sauf que pour favoriser les échanges et les rapprochements, il faut que les résultats sportifs suivent. Ils sont hélas catastrophiques.
« Le président Marc Barbé a prévu de présenter à la fin du mois de janvier un projet sportif et économique »
Union sacrée ?
La suite on la connaît, la salle de Gentilly jadis citadelle imprenable est ouverte à tous les vents de la défaite, Alain Weisz qui a choisi son effectif en fonction d’une masse salariale encadrée, est démis de ses fonctions après un dernier match calamiteux à Strasbourg, Gregor Beugnot lui succède et s’embarque dans une belle galère en récupérant le SLUC scotché à la dernière place. Avec une équipe fortement revue et corrigée (départs de Gregory Vargas, Taddeus Mc Fadden et Dominique Sutton, blessure de Gary Florimont out pour la saison, arrivées de Jonathan Jeanne, Demond Mallet, Brion Rush, Abdoulaye Mbaye, Elton Brown), il va tenter d’éviter le naufrage. Pari impossible ? On sera très vite fixé mais il y a urgence car la descente en Pro B dans une ville où l’AS Nancy Lorraine possède un fort coefficient d’attractivité, aurait des conséquences catastrophiques.
Le président Marc Barbé a prévu de présenter à la fin du mois de janvier un projet sportif et économique. L’objectif est louable mais comment bâtir un schéma alors que le SLUC ne sait pas à quel niveau il opérera la saison prochaine ? On a beau croire au sursaut salvateur, il faut bien prévoir un plan B. Bel exercice d’équilibrisme où il faut mixer les risques, les opportunités et dégager des tendances sans disposer d’aucune certitude.
Pour s’en sortir il n’y a pas pléthore de solutions. D’abord il faut en appeler à l’union sacrée, oublier les querelles, unir les forces. Ensuite retrouver les fondamentaux sportifs sans lesquels l’économique ne suivra pas surtout dans un contexte où les collectivités locales sont contraintes de serrer les dépenses. En somme retrouver de la stabilité à tous les niveaux et recommencer à gagner. Où sont passées les victoires d’antan ?