Quelques mois après son arrivée sur le banc de l’ASVEL, David Gautier imprime petit-à-petit sa patte dans l’institution de Tony Parker et Marie-Sophie Obama. L’ancien coach d’Angers, décoré de notre trophée de la « révélation de l’année », se confie sur son parcours et son émergence en terre lyonnaise.
Jusqu’à Noël, Basket Europe décerne ses trophées de la saison, avec des interviews et portraits de plusieurs personnalités de l’année 2022. Voici le trophée de « révélation de l’année » chez les coaches français. Pour découvrir l’intégralité de nos trophées, mais aussi de nombreuses nouveautés en 2023, abonnez-vous.
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À 42 ans, David Gautier a vécu une année 2022 faste à plusieurs titres. Le coach natif de Cholet a d’abord ramené le promu angevin en coupe d’Europe dans une Ligue Féminine toujours plus homogène. Il a ensuite participé au parcours séduisant des Bleues au mondial en Australie. L’ancien international français (13 sélections) a surtout succédé à Pierre Vincent à l’ASVEL, dans l’institution de Tony Parker, son ancien camarade à l’INSEP. Il enchaîne les victoires depuis le début de saison, doit désormais gérer sa pléiade de talents et composer avec le retour des cadres. Un challenge pas si évident à relever. Entretien.
Êtes-vous venu aux filles par amour ou par défaut ?
« Par amour du basket, tout simplement. Au début, avec ma femme, on a monté un centre de remise en forme. C’est pour ça qu’on est venu se baser à Angers. Tout en parallèle, j’ai coupé complet la première année. Il fallait que je fasse le deuil de ma carrière. D’ailleurs, c’était certainement une erreur parce que je ne répondais à personne. J’étais renfermé sur moi-même. C’était dur d’être obligé d’arrêter sa carrière à 28 ans… Au bout d’un an, j’avais envie de coacher, mais plus chez les jeunes. Donc, j’ai repassé mes diplômes J’ai pris mon temps, et en deux ans, j’ai passé mon BE1 – mon premier diplôme -, et j’ai commencé à prendre des équipes à l’ancienne ABC à Angers – devenue l’EAB avec la fusion avec Saint-Léonard. Là-bas, j’ai entraîné pendant cinq ou six ans. Et à un moment donné, pour plusieurs raisons, j’avais envie de changer. Donc, j’avais démissionné et, tout de suite après, l’UFAB m’a proposé un projet. C’est comme ça que je me suis retrouvé chez les filles. »
Donc ça s’est fait naturellement…
« Tout à fait, parce que mon objectif, c’était d’abord les jeunes. Et on me proposait d’avoir, à terme, le centre de formation. J’avais un peu les seniors mais surtout les U15 France filles. Je restais dans la même catégorie, ça me plaisait bien. Au début, je voulais vraiment redonner tout ce que j’ai eu la chance d’apprendre, et ce n’était pas forcément avec l’envie de se projeter vers le haut niveau. Après, c’est venu par hasard, même par défaut pour le coup. J’ai même dit « non » au départ quand l’UFAB m’a proposé le poste. C’était une opportunité que je ne voulais pas refuser. »
Quand on goûte au haut niveau, on imagine qu’on a envie d’y rester ?
« C’est pour ça que je ne voulais pas y aller au début, car je prenais beaucoup de plaisir sur les jeunes et je sais qu’une fois qu’on monte, c’est très dur de redescendre. Ça use. Parfois, les opportunités ne passent qu’une fois, donc je l’ai saisie. »
Comment expliquez-vous ce vivier de coaches impressionnant à Cholet (Girard, Bufard) dont vous faites partie ?
« D’abord, on est dans un département basket. Il y a beaucoup de licenciés. On vit basket, que ce soit dans tout le Choletais mais aussi dans l’Angevin – on a essayé de l’emmener un peu dans l’Angevin (rires). Il y a cette fibre du basket. Lorsque j’ai passé mes diplômes, j’allais tous les mercredis à Cholet Basket pour mon stage. C’est Jean-François Martin (NDLR : actuel coach de Saint-Laurent-La-Plaine, en NM3) qui me tuteurait. Donc je passais deux entraînements par semaine à assister Jean-François et un entraînement à assister Sylvain Delorme (NDLR : actuel coach de Rouen, en NM1). C’est comme ça que j’ai commencé à apprendre à leur contact. Il faut dire que Cholet Basket, c’est déjà c’est énorme. C’est LE club de la ville. Depuis un an, la salle est toujours pleine, c’est magique ! Plus généralement, le Maine-et-Loire, c’est vraiment une terre de basket. C’est pour ça qu’il y a beaucoup de monde qui vient, et même des alentours, des gens qui ne sont forcément originaires de Cholet comme moi. Ça draine du monde parce que le basket, là-bas, c’est l’un des sports numéro un. »
« Tony Parker est un président passionné »
Vous êtes de la même génération de Tony Parker. Comment ont évolué vos relations, de coéquipiers à coach-président ?
« Avec Tony, disons qu’on est resté en contact à la sortie de l’INSEP. Mais après, c’est vrai qu’on s’est un peu perdu de vue. Bon, je n’osais pas l’appeler non plus parce qu’il était tellement… dans une autre galaxie (sourires) ! Mais dès qu’on se voyait, ça n’arrivait pas souvent, on prenait toujours plaisir à discuter. C’est pour ça que je n’ai pas hésité à lui envoyer un petit SMS quand j’ai appris qu’il y avait une place qui se libérait à Lyon. Et maintenant, j’essaye de le tenir informé. De toute façon, c’est un président passionné. Tout ce qu’il fait pour les filles, pour nous, pour le club, c’est juste incroyable ! Il a une équipe, avec MS (NDLR : Marie-Sophie Obama) et tout son staff, qui est vraiment hyper investie. Quand je suis arrivé, j’étais vraiment hyper surpris de ce côté convivial et familial qu’on retrouve ici, et qu’on ne voit pas forcément de l’extérieur. C’est bienveillant, c’est très humain. Et moi, ça me va à mille pour cent. Voilà, je sais qu’il est bien occupé mais j’essaie de le tenir au courant de tout ce qui se passe. C’est une relation saine. »
Quel rôle a joué Marie-Sophie Obama dans votre venue et quelles sont vos relations aujourd’hui ?
« Il faut déjà dire que tout le quotidien, c’est Marie-Sophie qui le gère. Donc, c’est vrai que MS et Tony, je les appelle tous les deux président et présidente (sourires). Ce serait à elle de répondre mais je pense qu’elle a joué un rôle important (dans ma venue). En attendant, c’est quelqu’un d’ultra positif. Elle envoie plein de bonnes ondes. C’est vrai qu’en étant de la même génération, on se soutient, parce que c’est bien beau d’acheter une équipe, mais ce n’est pas non plus le plus facile. On le voit bien, il y a tout un travail de l’ombre à faire. De mon point de vue, avec MS, je pense qu’on est main dans la main. Moi, je ne suis pas quelqu’un qui va aller pleurer à gauche et à droite. Si ça ne va pas, je lui dirai et je pense qu’elle fera la même chose. Mais, pour l’instant, tout va bien. Il faut de la confiance, il faut une relation saine. On doit être capables de se dire les choses, positives ou négatives, et de faire avancer les filles. On veut tous avancer dans le même sens, en fait. »
LDLC vient d’annoncer qu’il va porter son partenariat à la même hauteur pour la section masculine que la section féminine. Qu’est-ce que cela signifie ?
« Je pense qu’il y a une envie que le club soit indépendant et pas dépendant de Tony. C’est ce qui change. De toute manière, il y a vraiment une bienveillance chez nos partenaires, ça m’a vraiment marqué. Il y a une vraie volonté commune de mettre à égalité les hommes et les femmes. Je pense que tout ça part de Tony. Il insuffle ça. Ce sont de super valeurs que tout le monde partage, notamment le sponsor principal comme LDLC. D’ailleurs, la première fois que je les ai rencontrés ils m’ont dit « moi, je veux juste des filles qui se battent sur le terrain ». Quand on a notre plus gros sponsor qui dit ça, on voit que ce sont des gens qui ont beaucoup de valeurs humaines. Je m’y retrouve. C’est aussi ça, notre quotidien. On est entouré de gens bienveillants. C’est vrai que c’est aussi un ancrage fort du projet que Tony et Marie-Sophie veulent mettre en place et je trouve ça beau. Maintenant il faut qu’on fasse gagner ce projet. »
Vous venez de disputer un match délocalisé à l’Astroballe, les habitudes du club vont-elles être amenées à changer avec la perspective de la nouvelle Aréna ?
« Très honnêtement, je ne pense pas pouvoir répondre à cette question, il faudrait demander à Tony ou Marie-Sophie. Je sais qu’il y a une envie de faire des choses vis-à-vis des coupes d’Europe. Maintenant, je ne sais pas si c’est ficelé. En attendant, je crois qu’on va revenir une fois ici et j’espère qu’on aura le même résultat parce que ce sera pour retirer le maillot de la légende Paoline Salagnac. »
« Sandrine Gruda est une vraie pro. Elle a la gagne en elle. Elle a une aura, une présence très importante dans l’équipe »
Que pensez-vous de ce que Sandrine Gruda brille toujours autant, à 35 ans ?
« C’est une vraie pro. C’est une fille qui a la gagne en elle. Elle a une aura, une présence très importante dans l’équipe. Ce n’est pas facile pour tout le monde parce qu’il faut s’adapter. On le voit aussi, ça été dur de soigner son mollet. En attendant, elle est revenue, elle est en pleine forme et elle a un vrai impact en défense comme en attaque. Donc, c’est un vrai plus pour l’équipe et on ne peut être que très heureux de l’avoir avec nous. »
Quand on est coach, on s’adapte à Marine Johannès ou Marine Johannès s’adapte à son style de coaching ?
« On fait un compromis (rires). Je pense que le plus important pour moi avec Marine, c’est d’apprendre à la connaître. On a commencé en Australie, où elle est restée malgré sa blessure juste avant le mondial. Ça m’a permis de beaucoup échanger avec elle. Dans mon management, je dois être capable de m’adapter à elle et quand ça ne va pas, savoir dire stop. Tout simplement, il faut expliquer où on veut aller. »
Quel est votre regard sur les saisons à rallonge de Gabby Williams, Marine Johannès et Julie Allemand, qui enchainent saison en club, WNBA et sélection nationale ?
« Ça fait beaucoup, mais c’est leur souhait. Maintenant, vous les journalistes, faites un rapport de toutes les joueuses qui ont enchainé WNBA et mondial. Qui n’a pas fait de break, volontaire ou involontaire, en sortant du mondial ? C’est un constat que je fais. En attendant, c’est dur de tout enchaîner. Cela dit, ça reste aussi une chance d’avoir ces joueuses là avec nous parce que ce sont des tops joueuses. Si je peux me permettre une remarque, je crois que le basket féminin est le seul sport professionnel à avoir trois compétitions majeures. Donc ce n’est pas un problème de joueuses, c’est un problème des instances. À un moment donné, il faut gérer ça. »
Comment Juste Jocyte et Dominique Malonga s’adaptent-elles aux retours de blessure de Sandrine Gruda, Gabby Williams et Julie Allemand ?
« C’est intéressant. Je suis très très content d’elles. Ce sont deux supers jeunes filles, ce sont deux supers potentiels. Et c’est dur pour moi de ne pas pouvoir leur donner plus de temps de jeu parce qu’elles mériteraient plus. Maintenant, tout est à rééquilibrer. Elles en sont un peu les dommages collatéraux. Ce que je souhaite, c’est qu’elles ne perdent pas confiance. Jeudi, Juste était l’une de nos meilleurs joueuses. À Tarbes, c’était notre meilleure joueuse ou presque. Ce sont déjà des joueuses importantes. Même si elle jouent moins, il faut qu’elles gardent cette confiance et qu’elles continuent de travailler parce que les deux ont déjà beaucoup progressé en deux mois. Elles ont progressé sur plein d’aspects mais aussi parce qu’elles bossent très dur toute la semaine. On a mis en place tout un programme de développement pour elles. Même si elles jouent un peu moins, elles ne perdent pas leur temps. Leur futur sera grand et je suis leur premier fan pour qu’elles y arrivent. »
Quel regard portez-vous sur ce centre de formation lyonnais, qui s’affirme comme l’un des meilleurs en France ?
« C’est un centre de formation qui a très bonne réputation, qui marche fort depuis pas mal d’années avec Fred (Berger), qui fait de l’excellent boulot. On n’a pas eu tant d’occasions d’en parler parce que tout va tellement vite, mais Dani (Daniela Dibanzilua) nous a notamment fait un excellent début de saison. Et nos résultats étaient aussi en partie grâce à son apport, tout comme la qualité de la formation et de l’enseignement qu’on peut donner à l’ASVEL. La formation, c’est aussi dans la culture de Tony. Ça a toujours été important donc il faut qu’on continue parce qu’il y a vraiment plein de bonnes choses. Ce n’est pas toujours facile de les mettre sur le terrain avec toutes les joueuses talentueuses qu’on a mais, en attendant, il y a beaucoup de qualité. »
« Yoann Cabioc’h (coach assistant à l’ASVEL) a une identité basket très fortement marquée sur ce qu’il voit et ce qu’il vit aux États-Unis. Ça donne un bon mix »
Lors d’une interview, Dominique Malonga nous disait qu’il y a « le calme de David Gautier » et « la fougue de Yoann Cabioc’h », votre assistant. Êtes-vous d’accord avec ce constat ? Comment fonctionne votre duo ?
« Oui, Yoann, c’est quelqu’un de très compétent. Avant d’être un assistant, c’est d’abord un coach, c’est lui-même qui le dit, de par notamment son expérience WNBA. Et puis, tout simplement, ça reste un passionné de basket, comme on l’est tous. Donc il y a une grande curiosité qui fait qu’on apprend beaucoup de choses ensemble. Quand Dominique dit ça, je pense qu’elle veut dire qu’en étant un peu le chef du projet, je forge mon staff. Donc j’essaie de m’adapter un peu à tout le monde. Mon premier rôle, c’est que tout le monde puisse bien vivre ensemble. Et c’est vrai que, parfois, il peut y a en avoir un de sanguin (rires). Moi, je suis plutôt calme de nature. Et parfois, quand j’ai envie de gueuler, s’il l’a fait avant, je vais m’adapter. En réalité, ça se passe très bien. Pour moi, la loyauté, c’est quelque chose de très important. Et pour lui, ça l’est aussi. Je ne suis pas quelqu’un qui travaille tout seul, je délègue facilement, donc j’envoie de la confiance à mon staff et c’est ce que j’essaie de faire au quotidien avec Yoann. »
Était-ce initialement votre choix de le faire venir à Lyon ?
« Non, non. Au départ, il est venu pour Pierre Vincent, qui a une carrière longue comme le bras et, à côté, il y a un petit coach comme moi (rires). Donc ce n’est pas simple pour lui d’être obligé de changer. C’est comme ça. C’est Pierre Vincent qui l’avait fait venir et il était sous contrat, donc il a décidé de rester. Il aurait aussi pu partir, mais il a décidé de rester dans cette aventure avec nous, et c’est très bien comme ça. »
Dominique Malonga nous disait qu’il a un coaching « à l’américaine », qu’est-ce que ça signifie selon vous ?
« Je ne sais pas si c’est un coaching à l’américaine mais en tout cas, il a une identité basket très fortement marquée sur ce qu’il voit et ce qu’il vit aux États-Unis. J’essaie parfois de tempérer parce qu’il faut bien sûr ramener des choses de là-bas mais on reste en Europe, et en France, donc tout n’est pas transposable. Mais ça donne un bon mix et ça donne aussi plein de bonnes idées parce qu’il y a beaucoup de choses à prendre. »
Vous êtes également assistant-coach en équipe de France. Comment gère-t-on la transition entre ASVEL et Bleues ?
« On communique très bien avec Aimé (Jean-Aimé Toupane), on échange sur les joueuses. Le fait que je sois à l’ASVEL aide forcément à faire la transition entre club et équipe de France, mais comme ça peut se faire avec d’autres coaches. La seule chose que je peux dire, c’est que tout se passe très bien. »
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À 42 ans, David Gautier a vécu une année 2022 faste à plusieurs titres. Le coach natif de Cholet a d’abord ramené le promu angevin en coupe d’Europe dans une Ligue Féminine toujours plus homogène. Il a ensuite participé au parcours séduisant des Bleues au mondial en Australie. L’ancien international français (13 sélections) a surtout succédé à Pierre Vincent à l’ASVEL, dans l’institution de Tony Parker, son ancien camarade à l’INSEP. Il enchaîne les victoires depuis le début de saison, doit désormais gérer sa pléiade de talents et composer avec le retour des cadres. Un challenge pas si évident à relever. Entretien.
Êtes-vous venu aux filles par amour ou par défaut ?
« Par amour du basket, tout simplement. Au début, avec ma femme, on a monté un centre de remise en forme. C’est pour ça qu’on est venu se baser à Angers. Tout en parallèle, j’ai coupé complet la première année. Il fallait que je fasse le deuil de ma carrière. D’ailleurs, c’était certainement une erreur parce que je ne répondais à personne. J’étais renfermé sur moi-même. C’était dur d’être obligé d’arrêter sa carrière à 28 ans… Au bout d’un an, j’avais envie de coacher, mais plus chez les jeunes. Donc, j’ai repassé mes diplômes. J’ai pris mon temps, et en deux ans, j’ai passé mon BE1 – mon premier diplôme -, j’ai commencé à prendre des équipes à l’ancienne ABC à Angers – devenue l’EAB avec la fusion avec Saint-Léonard. Là-bas, j’ai entraîné pendant cinq ou six ans. Et à un moment donné, pour plusieurs raisons, j’avais envie de changer. Donc, j’avais démissionné et, tout de suite après, l’UFAB m’a proposé un projet. C’est comme ça que je me suis retrouvé chez les filles. »
Comment expliquez-vous ce vivier de coaches impressionnant à Cholet (Girard, Bufard) dont vous faites partie ?
« D’abord, c’est un département basket. Il y a beaucoup de licenciés. On vit basket, que ce soit dans tout le Choletais mais aussi dans l’Angevin – on a essayé de l’emmener un peu dans l’Angevin (rires). Il y a cette fibre du basket. Lorsque j’ai passé mes diplômes, j’allais tous les mercredis à Cholet Basket pour mon stage. C’est Jean-François…
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Photo : David Gautier (Infinity Nine Media)